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Le cours débute, les étudiants sont à l'écoute, mais la leçon est peu commune, la nouvelle enseignante d'éducation sportive est bien décidée à aborder frontalement le problème des discriminations sexuelles. Oeuvre sportive et féministe à la fois, Magali Chapelan nous livre un discours approfondi sur les inégalités au sein du sport en fonction du sexe et du genre.
Durant son périple, l'enseignante dresse un répertoire complet du langage sexiste qui gangrène le milieu sportif et la manière dont ce langage est imprégné dans les mentalités, y compris chez les femmes elles-mêmes.
L'éducation sportive est la seule matière où les barèmes sont différents entre les filles et les garçons, alors qu'il ne viendrait à personne l'idée de noter différemment les étudiants.es en mathématiques en fonction de leurs sexes. Cette différence de barème suscite parfois l'incompréhension jusque chez les jeunes garçons, persuadés d'être défavorisés car notés plus sévèrement. Retournement ironique mais aussi révélateur d'une stigmatisation par le sexe profondément ancrée dans le milieu sportif. Cette exception faite à l'égalité républicaine revendiquée révèle l'existence d'un domaine où l'expression des inégalités sexuelles est plus marquée que jamais.
Au cours du film, nous découvrons les innombrables discours qui poussent à imprégner la hiérarchie sexuelle dès le plus jeune âge et comment les jeunes filles sont incitées à moins performer que les garçons.
Face à cela, c'est tout un vocabulaire et un mythe qui demeure à déconstruire sur l'idée d'une supposée biologie masculine plus puissante que les autres. Tout au long du documentaire, un discours sur le sexe comme pure construction sociale apparaît en filigrane, et si la conception que nous avions du sexe ne servait que le récit fantasmé d'une hiérarchie arbitraire ? C'est au récit d'une déconstruction intégrale des préjugés sur le rapport au corps que nous faisons face.
C'est ce qui nous amène à suivre les péripéties d'une enseignante en sport qui se confronte à tous ces discours fortement imprégnés et enracinés tandis qu'elle réalise l'ampleur de sa tâche pour en finir avec l'inégalité sexuelle au sein du sport.
Ce changement passe par une mise en avant des corps féminins sous un autre jour. Il s'agit de montrer les performances dont les femmes sont capables, aussi bien à la poutre qu'à la barre d'acrobatie ou encore à l'athlétisme. La caméra sublime ces corps en plein effort où il est plus que temps de monter que la performance féminine n'a rien à envier à son homologue masculin.
Au cours de cette aventure, nous sommes amenés à nous demander si cette inégalité n'est pas créée socialement dès la naissance au sein même de l'éducation familiale. Lorsque l'on entend des jeunes filles répéter les discours teintés de préjugés sur la prétendue supériorité physique du sexe masculin, ces dernières semblent préparées dès leur plus jeune âge à intégrer l'idée de la sous-performance ; c'est la triste conséquence d'une éducation à repenser pour des rapports aux corps plus équilibrés.
Profonde et intimiste, l'oeuvre de Magali Chapalan tient autant du documentaire sportif que de l'essai sociologique, et il apporte une pierre à l'édifice dont on avait bien besoin, soignée par une réalisation impeccable.
A corps perdu sera projeté dans le cadre du thème : Sport, et si c'était bien ? le mardi 11 juillet à 14h00.
Sophie CALDARA