Adieu Sauvage de Sergio Guataquira sera projeté mercredi à 10h en petite salle dans la cadre de la carte blanche proposée par l’Estive. Le film sera également diffusé jeudi à 20h30 sur le réseau Ariège Image à La Bastide de Sérou.
Sergio Guataquira Sarmiento est descendant d’amérindiens, mais il vit aujourd’hui en Belgique. Peut-être en quête de sa part d’indianité, il retourne dans sa Colombie natale avec le projet de documenter une épidémie de suicides au coeur de la forêt amazonienne. C’est qu’il semblerait qu’on y meurt aujourd’hui plus qu’ailleurs de chagrins d’amour. Comme si une période romantique fleurissait dans une culture sud-américaine et que la fièvre de Werther frappait désormais en Colombie. On pense au sublime documentaire Cantos qui inundan al Rio, de German Arango, primé à Cinélatino en 2022, qui, s’il se déroulait à l’autre bout du pays, portait lui aussi une tonalité élégiaque singulière. Dans une Colombie peuplée des fantômes de la guérilla, la tristesse n’est pas un sentiment individuel, c’est aussi une histoire sociale.
Mais Sergio est-il un indien? Il est maladroit en tout, peine à travailler avec les hommes comme avec les femmes. Corps burlesque d’un jeune homme en quête d’identité, il semble nous embarquer sur le terrain anthropologique. Le film glisse et se décentre vers Lauréano, le « bon sauvage » qui l’accueille. Puis on laisse de côté les croyances exotiques pour une parole intime qui incite à envisager la dimension culturelle d’émotions que l’on prenait pour universelles. Lauréano ne saisit pas bien le mot « nostalgie », bien qu’il ait exprimé quelque chose qui y ressemble en montrant une photographie de son père. Dans sa langue, on ne dit pas « je t’aime » mais on peut souffrir à vouloir en mourir d’aimer une femme et de devoir en épouser une autre.
L’anthropologue burlesque laisse place à une méditation sur l’amour, la nostalgie et le désir de disparition. On comprend alors le choix du Noir et Blanc, qui permet d’oublier l’exotisme facile de la jungle tout en regardant vers un cinéma disparu. Dire adieu à ce que l’Europe a pensé comme « sauvage » entraîne dans son sillage toute une conception de l’amour, des mots et de l’image cinématographique.

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