En 2007, alors qu’il fait des repérages pour un projet de film sur les combats de coqs à la Martinique, le réalisateur Gille Elie-dit-cosaque rencontre Luc Saint-Rose. Celui-ci lui parle de son frère ainé, Robert Saint-Rose, dit Zetwal, qui rêva de devenir le premier martiniquais à mettre le pied sur la Lune. Nous sommes au milieu des années 70, la conquête spatiale fait encore rêver et le black power vient d'émerger sur la scène internationale. Alors quoi de mieux pour mettre les Antilles sur le devant de la scène et affirmer une identité que de s’élever jusqu’aux étoiles?
Au fil de l’enquête menée autour de ce personnage fascinant et insaisissable, apparaît la Martinique des années 73-74, en pleine effervescence politique. Zetwal nous embarque dans son épopée, comme il embarque les gens autour de lui. Attention, la suite de cet article va vous divulgâcher le film, que vous pouvez voir sur la plateforme Tenk.
Un des virages les plus étonnants du film, s’opère alors que Zetwal cherche auprès d’un professeur de français, membre du PC, des réponses à ses questions de physique. Il va les découvrir dans Carnet de Retour au Pays Natal, publié par Aimé Césaire en 1939, dont on comprend mieux la portée subversive. Mais le plus étonnant de ce film, c’est que nous partons nous aussi dans les étoiles. Pour entrer dans un monde (caractéristique d’une anthropologie caribéenne?) où le réel et l’imaginaire ont une relation différente de la nôtre, où le rêve et l’action travaillent de concert. Un astrophysicien, tout comme l’écrivain Chamoiseau, comprennent eux-aussi la tentative de Saint-Rose pour faire de la poésie le carburant de sa fusée : pour l’un, il s’agit de capter une force invisible pour en faire du mouvement, pour l’autre d’expérimenter la force du Verbe.
Ce film est alors peut-être le plus bel hommage qui pouvait être rendu à Aimé Césaire, poète et homme politique. Gilles Elie-dit-cosaque avait prévu de rencontrer Césaire pour son film, qui se clôt sur un carton portant mention d’une séquence manquante d’interview avec le grand poète, Césaire étant décédé au moment où se tournait le film. Mais quel plus bel hommage pour un poète que d’avoir par ses mots alimenté une étoile filante?
PS : en écho à de récentes polémiques médiatiques, rappelons que Césaire, dès 1950, avait écrit un virulent Discours sur le colonialisme, dans lequel il affirmait déjà un parallèle entre politiques coloniales et barbarie nazie. Ce texte a été re-publié en 2004 par Présence Africaine.

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