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Billet de blog 11 juillet 2023

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« Les filles d'Olfa » est-il un film anti-féministe?

La réalisatrice tunisienne Kahouter Ben Hania s’installe dans une famille et donne à voir une mère monstrueuse, dont le pouvoir s’exhibe et se renforce devant la caméra. Aux dépens de ses filles, qui peinent à entrer en révolte.

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    Kahouter Ben Hania, que nous avons reçu au Festival en 2020, affirme dans ses entretiens qu’elle a filmé une tragédie, et qu’Olfa est une Médée moderne. Rappelons que Médée, c’est l’amoureuse qui l’emporte sur la mère, et qui inverse les valeurs patriarcales du monde méditerranéen. Olfa se rapproche plutôt de Clytemnestre : elle a évincé / tué le père de ses quatre enfants, avec certains desquels va s’engager une lutte / à mort.


    Olfa, c’est l’exercice du pouvoir en position de mère. Sans aucune prise de conscience, s’excusant sur sa propre histoire, et se plaçant en victime du sort et des hommes, elle exerce sur ses filles - comme sur la comédienne qui va jouer son rôle lors de leur première rencontre - une emprise et une manipulation sidérantes. Peut-on justifier la violence que l’on exerce sur d’autres femmes du fait que l’on se met en scène comme une victime du patriarcat? Le rôle du cinéma, c’est parfois de nous permettre de sortir d’une fascination morbide pour les structures qui gouvernent nos sociétés.


    Se pose alors la question de la manipulation du côté de la caméra. Olfa n’est-elle pas le miroir de la réalisatrice? Les deux jeunes soeurs, qui pleurent beaucoup à l’écran, semblent avoir du mal à se situer. L’une répète plusieurs fois qu’elles font un film, mais elles se retrouvent plutôt en situation de jeu de rôle, à interpréter leur propre personnage dans des confrontations qui n’ont parfois pas eu lieu. La scène avec le beau-père est de ce point de vue la seule respiration de tout le film. Le seul homme qui apparaît à l’écran interrompt la scène et demande à la réalisatrice un échange off « qui ne soit pas de la matière filmique ». La plus jeune des deux filles est en effet bouleversée face à cet acteur qui joue l’homme qui l’a abusée. C’est lui qui pose une limite, une règle, une éthique que les femmes semblent incapables d’envisager. N’est-ce pas mettre en scène l’incapacité des femmes à s’auto-organiser et le besoin d’une figure patriarcale pour poser un cadre?


    Rien ne semble avoir été compris, ni transformé. Les motivations des filles qui sont parties sont réduites à une crise d’adolescence. Olfa reste au centre, la mère toute-puissante, ses petites filles à ses côtés. Aucune émancipation ne se profile pour aucune de ces femmes. De ce point de vue-là, on est bien dans la tragédie grecque, en ce qu’elle réaffirme les valeurs d’un monde patriarcal. Mais aucune catharsis n’a eu lieu. Reste un malaise profond et aucune empathie pour cette cellule familiale féminine où toutes les interactions se ramènent à des jeux de pouvoir. 

Elodie Fuchs

Illustration 1
Olfa, visage souriant de l'emprise - Tanit Films

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