L’engagement d’un regard situé
Née en Colombie, Catalina Villar est venue en France pour étudier à l’EHESS, avant de se former à la réalisation aux Ateliers Varan puis à la Femis.
Une partie de son oeuvre tente de comprendre la complexité de son pays d’origine et en particulier Medellin, la ville du cartel de la drogue Elle débute son exploration avec Les Cahiers de Medellin (1998) avant d’y retourner près de 20 ans plus tard pour tourner La Nouvelle Medellin (2016). Catalina Villar s’interroge sur les répercussions des conflits armés qui ravagent ce pays dans Bienvenue en Colombie (2002).
Côté français, elle s’intéresse aux enfants de l’exil rencontrés dans un CADA pour Invente-moi un pays (2005) ou à ceux que l’on oriente vers un service de pédopsychiatrie avec Camino (2018). Une attention portée à des marges douces, à des espaces légèrement à côté, qui viennent questionner les normes, leurs poids et leur fabrication ordinaire.
Qu’est-ce que je sais de ma grand-mère?
Ana Rosa présente un point de départ plus étonnant, au regard de cette filmographie. Alors que la réalisatrice se retrouve à vider l’appartement de ses parents décédés, surgit une photographie de sa grand-mère maternelle, qu’elle n’a jamais connue. Seule bribe de l’histoire familiale qui lui soit parvenue : on lui avait fait une lobotomie, "comme on l’aurait dit d’une coupe de cheveux" remarque-t-elle. « L’histoire d’Ana Rosa a hanté mon adolescence. On ne parlait jamais d’elle dans la famille, ni mon père, ni mon oncle psychiatre, ses fils. Mais on m’a assez dit que je lui ressemblais. Puis qu’elle était "folle". Qu’elle avait subi une lobotomie....J’ai voulu devenir psychiatre et je suis devenue cinéaste...L’histoire d’Ana Rosa me poursuit, parce qu’elle est tragique, qu’elle parle des femmes, du fonctionnement du cerveau, et parce qu’à travers elle, on peut comprendre quelque chose des rapports de la psychiatrie à la société. »
Passant de lieux recouverts par le temps à des témoins qui en disent peut-être plus qu’ils ne le pensent, Catalina Villar fait face à un patriarcat paisible, exercé par des maris relayés par leurs fils, alliés au monde médical. Elle tente de faire émerger l’imaginaire qui pouvait mener tranquillement à un acte chirurgical aujourd’hui condamné, le plus souvent subi par des femmes. La lobotomie pouvait punir celles qui étaient jugées irresponsables dans l’exercice de leur devoir d’épouse et de mère.
En miroir, une chercheuse colombienne lui proposera une perspective contemporaine éprouvante mais lumineuse : nous avons la responsabilité et la possibilité de survive à cette histoire dramatique.
Catalina Villa sera présente lors de la projection d’Ana Rosa, dimanche 6 juillet à 15h en grande salle lors du Festival Résistances, dans le cadre des deux journées consacrées à la thématique « Moi, fou, folle, sauvage, sous contrôle? »
Avertissement : Scènes de chirurgie (lobotomie) réelles qui peuvent être difficilement soutenables

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