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Billet de blog 29 juin 2025

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Questionner la propriété des oeuvres d'art

Après l’éblouissant "Dahomey" d’Alice Diop, continuons la réflexion sur l’exil du patrimoine africain avec "Restituer?" de Nora Philippe.

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Dans Restituer? L’Afrique en quête de ses chefs d’oeuvres, Nora Philippe dresse l’état des lieux de la question des restitutions des oeuvres d’art africain, du point de vue des musées et de leurs spécialistes. Son film donne matière à réflexion.

N’y a-t-il pas un paradoxe à vouloir, à la fin du XIX° siècle européen, imposer la civilisation aux autres tout en créant des musées dans lesquels exposer leurs productions? Est-ce pour rire de l’infériorité que nous leur prêtons, comme dans les zoos humains des expositions coloniales? Est-ce pour glorifier le « cerveau colonial » qui classe, trie, inventorie et domine le monde d’un même geste? N’est-ce pas pour créer une sorte de paravent, et aplatir l’altérité en l’insérant dans une forme muséale connue? La directrice du musée de Cologne le suggère, en un jeu de lettres qui parle de sa propre habileté à certaines circulations : « conserver », c’est empêcher de « converser ». C’est tenter de maintenir une identité plutôt que de prendre le risque de la rencontre.

Le patrimoine africain nous invite à interroger ce qu’est un musée. Un lieu de concentration - du savoir, dans une ville de pouvoir - plutôt que de dissémination. Accumuler plutôt que semer. Mais une part du "patrimoine", notamment religieux en Europe, n’a-t-il pas été de même arraché aux lieux dans lesquels il avait une agentivité? La sacralisation de l’Art n’est-elle pas le masque d’un désenchantement du monde?

Le musée est une machine à transformer des oeuvres - qui pouvaient être, Felwin Sarr le rappelle, des sujets agissants - pour en faire des objets. Des objets ayant un prix, capables de circuler, privés du contexte dans lequel ils avaient une véritable signification. Réfléchissant sur le vivant et l’histoire de la domestication, l'anthropologue Charles Stépanoff, dans Attachements, met à jour un processus de détachement des êtres de leur environnement, permettant leur contrôle, leur transformation en objets commercialisables, objets d’un savoir général non situé. Sortir les êtres et les oeuvres des réseaux locaux de signification pour en faire des objets du marché global. Le capitalisme semble consubstantiel à une disparition du sens. Pour circuler, un objet doit être détaché de son contexte de création - le constat est simple, mais il engage de multiples conséquences. Restituer va signifier retisser des liens entre des oeuvres, des êtres et des territoires, sous peine de perpétuer une conception de la culture hors-sol.

Restituer ? se projeté lundi 7 juillet à 14h en présence de sa réalisatrice. Ce film s’inscrit dans les deux journées consacrées par le Festival Résistances à la thématique « La propriété s’envole ». Nora Philippe présentera également en séance spéciale ce même jour à 21h son dernier film Girls from tomorrow, portrait sur 10 ans de 4 jeunes étasuniennes. 

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Et si l'art participait d'une domination? © Nora Philippe / Cinétévé

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