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Billet de blog 13 novembre 2021

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Illustration 1
© Luba Haleva

Elle aura donc bien lieu. Après l’épisode pandémique qui a suspendu toutes manifestations culturelles, forçant les imaginations à inventer d’autres moyens d’accéder à la création, nécessaire plus que jamais dans l’isolement qui fut le nôtre ; après des mois à prendre notre mal en patience, de vie au jour le jour et d’incertitudes, la cinquième édition d’Un week-end à l’Est se tiendra bel et bien du 24 au 29 novembre 2021, avec Sofia sous les projecteurs et le cinéaste Theodore Ushev comme parrain.

Sofia, capitale de la Bulgarie. Une rapide lecture des actualités donne un aperçu de l’état du pays : peur de disparaître devant l’exode massif de la jeunesse, population vieillissante (25 % de population en moins en 2040 selon les chiffres avancés), le pays le plus pauvre de l'Union européenne selon les statistiques… une crise politique inédite depuis la chute du régime en 1989… crise des médias, de la liberté de la presse, désinformation, contrôle de l'information… La Bulgarie qui, comme partout dans l’ancien bloc de l’Est, se remet avec peine de l’effondrement d’un régime qui a façonné non seulement le paysage des villes mais aussi l’imaginaire de ses habitants. L’implantation d’un modèle politique et économique à l’occidental à la place de l’idéal communiste tombé à terre, qui n’a pas fait ses preuves et encore moins rempli ses promesses. La quête, là comme ailleurs, d’une « troisième voie », qui tiendrait compte des spécificités de ces pays à l’Histoire balafrée, hérissée de frontières, traversée de conflits et aux identités mouvantes. Sofia, capitale de « l’endroit le plus triste au monde », selon un article paru en 2010 dans The Economist.

Mais alors, de quoi ce festival sera-t-il la manifestation cette année ? Que peut-il bien croître à l’endroit le plus triste au monde ? Dans Physique de la mélancolie (traduit du bulgare par Marie Vrinat-Nikolov, éditions Intervalles, 2016)écrit en partie en réponse à cet article, l’écrivain Guéorgui Gospodinov, invité d’honneur du festival, parcourt et explore avec un enthousiasme lumineux les labyrinthes de cette tristesse, questionnant son origine mais plus encore ses possibilités. Que faire de cette tristesse ? La tuga, la mélancolie bulgare, éprouvée à la découverte que ce qu’on attendait n’arrivera pas et qu’il n’y a pas d’autre vie que celle que l’on a, si elle est comparable à la saudade portugaise ou au hüzün turc, prend une teinte particulière dans un pays « où l’horizon des possibilités a été si souvent recalé, et où les paysages sont faits des ruines “d’idéologies vagues et abstraites” et de leurs promesses manquées, des monuments socialistes croulants aux resorts and apartment  abandonnés du boom ultralibéral des dernières années » ("The Bulgarian sadness of Georgi Gospodinov", The New Yorker). Face à un avenir qui se dérobe sans cesse, Guéorgui Gospodinov propose dans Physique de la mélancolie de non pas chercher refuge dans un passé idéalisé mais d’apprivoiser le présent et de faire de la mélancolie une ressource – n’est-ce pas elle qui donne des yeux pour voir ces choses imperceptibles, infimes, oubliées, tombées dans la marge, donne à mieux sentir, mieux entendre, mieux écouter, à s’attarder, dans un temps alenti, d’une texture plus dense, où tout n’est pas possible mais où tout est. C’est dans ce qui est, perçu avec cette sensibilité particulière qui accompagne la mélancolie, que Guéorgui Gospodinov puise le matériau de son œuvre.

Construire une œuvre qui intègre et transfigure ce qui est, dans sa résonance avec l’Histoire et le récit illisible des demains, en architecte de cette tuga si fertile, voilà peut-être ce qu’ils font tous, écrivains, plasticiens, réalisateurs invités pour cette édition bulgare, depuis leur Sofia « capitale de la tristesse » ou depuis la maison qu’eux ou leurs parents se sont choisie, ailleurs, loin, après avoir fui l’oppression d’une bonne idée tournée à la dictature ; ou, après son écroulement, s’être soustraits à la stagnation d’un entre-deux désespérant, tout en gardant sur leur dos cette première maison qui est celle de l’enfance et d’inarrachables racines.

Au cours des prochains jours seront publiés ici des portraits, des textes, des interviews. Nous proposons, en forme de promenade libre dans le beau programme à venir, d’en éclairer certains aspects. 

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