Propos recueillis par Olivier Pratte
Comment doit-on appeler votre groupe. K not K ou Karpov not Kasparov ?
Au départ, nous l'appelions Karpov not Kasparov, mais depuis que la guerre russo-ukrainienne a pris une nouvelle dimension, nous sommes passés à l’abréviation K not K pour éviter, entre autres, de diviser, de faire une polémique inutile et d'être associés à Vladimir Poutine.
Par association à Poutine, j’imagine que vous faites référence à Karpov ?
Oui, Anatoly Karpov, joueur d’échecs, qui soutient l’invasion de la Russie en Ukraine, contrairement à son rival de toujours, Garry Kasparov. Et c'est sûr que dans le nom Karpov, not Kasparov, il y a une ambiguïté qui peut être mal interprétée, même si au départ, le nom n'était pas à prendre à la lettre.
Quand j’étais petit et je jouais aux échecs, Kasparov était un modèle. Il l’est toujours. Il est devenu dissident de l'Union soviétique malgré lui, sans avoir peur d'épouser des idéaux auxquels je m’identifie aussi, dont celui de la liberté, que l'on pourrait aussi considérer comme plus « occidentaux ».
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Est-ce que les allusions au jeu d'échecs de K not K sont aussi liés à la liberté ?
Il y a un peu plus de dix ans maintenant, Eduard et moi, nous pratiquions un morceau sur le jeu d'échecs et nous est venue l’idée de créer un duo musical qui allait en être inspiré. Nous ressentions une liberté du simple fait de pouvoir nous amuser avec une dualité qui nous paraissait infinie. Lui et moi, batteur et claviériste dans un jeu d'échecs musical créant une musique en quelque sorte programmatique, d'action et de réaction. Une musique dont la dualité s'exprimerait aussi sous forme de pont entre l'Orient, dont elle emprunte des éléments comme la musique d'inspiration gitane, et l'Occident, en bonne partie marquée par notre usage du synthétiseur, un clin d'œil nostalgique à l'électro des années 80. Dans un spectacle en Belgique, nous accompagnions des joueurs lors d'une partie d'échecs. Chacun des coups des joueurs était suivi d'une note différente, on leur faisait une sorte d'effet miroir musical. C'était très libérateur, très vivant.
Vous avez, dirait-on, trouvé une façon mélodieuse d'unir des mondes qu'on tend à opposer...
Oui, c'est une forme de prise de position alternative à la prise de position par l'arme.
Cet été, lors de notre tournée Bridge of Sounds, nous avons visité plusieurs villes de l'Ukraine où nous avons invité des musiciens locaux à participer à nos concerts. J'ai été touché par ces soldats qui ont décidé de se produire à nos côtés lors de leur courte pause du front, ils n'avaient que deux semaines avant de devoir reprendre les armes. Je pense notamment au batteur Andrill Mykhailov d’Ivano-Frankivsk et à Denis Komlev de Cernivtsi. Une fois, on a rencontré un compositeur d'opéra, Constantin Bushinsky, qui a aussi monté un spectacle de marionnettes. Les rires des enfants dans la salle m'ont paru rares et précieux. Je retiens beaucoup de leçons de cette tournée.
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En avez-vous une à partager ?
Il faut chérir le temps et la connexion humaine. Autant cela paraît évident dit comme ça, autant je l'ai réalisé avec une conscience aigüe. Ça m'a pris aux tripes.
Est-ce que vous avez déjà une idée du spectacle que vous allez monter pour Un week-end à l'Est?
Une chorégraphie de diplômés de l’école de danse contemporaine P.A.R.T.S en Belgique nous accompagnera. Du reste, c'est une surprise, mais j'ai espoir que vous y passerez du temps précieux.
Pour réserver (tarifs de 20 et de 10 euros) : https://weekendalest.com/