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Billet de blog 24 octobre 2024

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Retour à Erevan

« Le Getar ne tarira pas, le Getar coulera avec l’émotion de quarante printemps », écrit Aram Pachyan dans un passage de son roman P/F qui sera lu en ouverture du festival Un Week-end à l’Est ce 20 novembre au théâtre de l’Alliance Française pour sa huitième édition consacrée à Erevan en Arménie. Insufflant un second souffle à sa ville qu’il dit ne jamais quitter, Pachyan partage ses réflexions.

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Par Olivier Pratte

Aujourd'hui, c'est en vain qu'on cherchera le passage du Getar à Erevan. Suivant son cours entre les quartiers et jardins des Érévanais, au sud comme au centre de la ville, il s’immisçait dans leur quotidien, une présence singulière au cœur de leur identité, jusqu’à ce que le gouvernement, au lieu de le nettoyer, décide de le recouvrir en bonne partie d’asphalte au début des années 2000.

Au cours de la même période, en 2004, le tramway, celui que Mkrtich Armen érigeait dans son livre Yerevan, l’ode célèbre à la capitale arménienne, aux dires de Pachyan, comme un « cri de victoire de la révolution, le symbole du communisme, d’une vie nouvelle, l’idée de ce l’on appelle l’homme nouveau et sa réalisation », est mis hors service par la ville, « physiquement expulsé » au même titre que le Getar.

Aliénés du monde physique, le tramway et le Getar sont devenus autant de « rêves, illusions, frivolités ou la réalité d’une réalité » que de fantasmes, ces « traces constantes d’un fantôme qui ne peut être consumé ».

De ces traces, remontant le fil d’Ariane de sa mémoire, Pachyan forme un autre monde, privant le fleuve et le tramway des idéaux, entre autres, qu’ils ont déjà incarnés, mais « leur permettant, tout simplement d’être ». C’est là, dit-il, qu’il trouve un antidote aux réalités imposées à l’existence.

Illustration 1
© Umar Timol

Dans P/F, il invoque le Getar de ses rêveries et de son enfance : « Et je viens maintenant à toi comme le fils prodigue assis sur ta côte et voyant mon salut dans tes eaux troubles, ma paix dans ton obscurité, la lymphe de la vie gargouille encore dans ta crasse. »

Dans cette invocation, à la croisée du réel et de l’imaginaire « qui ne sont plus mesurés, hiérarchisés mais identiques », il laisse libre cours à sa dérive, à propos de laquelle Guy Debord, le philosophe français, dit-il, « a merveilleusement écrit ».

Là où les frontières entre ce réel et cet imaginaire n’existent pas, où il va et vient, il trouve un refuge face à la seconde guerre du Haut-Karabagh, de laquelle naît une Arménie dans « un état de mutilation et de grand désastre du point de vue de l’architecture, de l’urbanisme, et de l’environnement, peut-être irréversible ».

Alors « privée de ses derniers lambeaux d’identité, défigurée par les outils tranchants et perforants du capitalisme et de l’argent », la rue Abovyan sur laquelle circulait le tramway d’Erevan pendant sept décennies n’est pas « seulement son identité d’aujourd’hui ». Pachyan le dit lui-même. « La rue Abovyan, qui est mienne, où je marche quand je veux, est dans ma mémoire. » Et dans P/F, « on ne peut être à court de lambeaux de mémoire ».

De la fin du tramway,  « un flash dans la conscience fantomatique et écrite du héros », et de la condamnation du Getar perdurent ce que Pachyan appelle la Forme, « qui a creusé un sillon sur son corps, creusé un sillon dans son corps – les trajectoires de la rivière et du tramway, palpables comme une cicatrice familière. »

Comme Erevan qu’on ne peut quitter, et pour laquelle il évoque cette métaphore : 

 « Le chaton frappe le miroir avec sa patte, frappe son reflet, le coup est subtil, presque intouchable. »

Aram Pachyan en quelques lignes

Écrivain de fiction primé de la génération indépendance, son premier livre, le recueil de nouvelles Robinson publié en 2011, lui a valu le Prix présidentiel de littérature. Son roman Au Revoir, Piaf est devenu un best-seller national en 2012 et reste l'un des livres les plus vendus de la littérature arménienne. Son roman P/F (2020) a reçu le Prix de littérature de l’Union Européenne en 2021. Pachyan a également publié un recueil de nouvelles, Ocean (2014), ainsi qu'un recueil de discours, d'articles, d'essais et de nouvelles, If This Is Writer (2023).

Il a été écrivain en résidence à la résidence d’automne du programme international d’écriture de l'Université de l'Iowa, Iowa, États-Unis en 2018 et à la Villa Waldberta, Munich, Allemagne en 2019.

Inspirée de son roman Au Revoir, Piaf, la pièce I am a vegetarian a été montée en 2017 et une pièce musicale, Pachyan Fragments du compositeur Aram Hovhannisyan inspirée de son roman P/F, a été écrite et jouée aux États-Unis en 2015. L'opéra Au Revoir, Piaf été mis en scène à Munich, en Allemagne, par l'association Art Concept International. La pièce MENologue, présentée au Mher Mkrtchyan Artistic Theater d’Érévan, est le plus récent projet théâtral inspiré des écrits de Pachyan.

Pachyan enseigne l'écriture créative au centre TUMO et travaille sur son nouveau roman.

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