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Billet de blog 30 octobre 2024

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Rima Pipoyan : « Je tombe amoureuse chaque fois que je crée »

Rima Pipoyan, figure de proue du ballet moderne et de la danse contemporaine en Arménie et marraine de cette édition du festival Un Week-end à l’Est, nous livre un entretien sur son rapport à la danse et sur ses projets, dont sa performance très attendue avec le multi-instrumentiste Hayk Karoyi le samedi 23 novembre à la Maison de la Poésie à Paris.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Propos recueillis par Olivier Pratte

Qu'est-ce qui vous a conduit à la danse et à la chorégraphie ?

 À l'âge de 3 ou 4 ans, j'ai vu à la télévision Le Lac des cygnes, avec Maya Plisetskaya dans le rôle principal. Je suis immédiatement tombée amoureuse de cet art, et je le suis toujours. Mes parents ont voulu m’inscrire à plusieurs cours de danse folklorique et amateur, mais j'ai refusé, ne les trouvant pas professionnels, et j'ai insisté sur le fait que je n'avais besoin que du ballet classique, qui me permettait de créer de la magie avec mon corps et de danser. Je ne sais pas comment j'ai pu savoir à cet âge ce qui était professionnel et ce qui ne l'était pas. Mes parents sont des scientifiques et je pense qu'ils ne voulaient pas me voir sur scène et exercer le métier de danseuse, mais ils ont tout fait pour que mon rêve devienne réalité.

Avez-vous des rituels qui vous aident à monter une chorégraphie ? Est-ce que vous préparez à la chorégraphie comme vous vous préparez à la danse ?

 La chorégraphie est ma vie. J'ai toujours créé des mouvements, des scénographies, des images dans ma tête depuis l'enfance, je n'ai pas besoin de rituels. Il y a en moi une créatrice qui parle avec les mouvements. Je vois d'abord la danse dans ma tête, puis je transfère cette vision dans mon corps ou dans la scénographie.

Illustration 1

Vous avez déjà mentionné que vous ne vous considérez pas comme une chorégraphe d'un genre en particulier et que vous créez, en quelque sorte, ce qui dicte votre instinct dans l'instant présent. Avez-vous commencé à chorégraphier avec un genre en particulier ?

J'ai une formation de danseuse classique, j'ai étudié les arts martiaux et je continue d'en étudier diverses formes, j'ai suivi de nombreux cours de danse moderne et contemporaine, mon corps a donc tout intégré. Lorsque j'enseigne, j'essaie de m'en tenir à des styles de danse moderne pure créés par des artistes célèbres, afin que mes étudiant.e.s du « département de danse moderne » de la Yerevan State Choreographic College puissent s'habituer à toutes les expressions et être flexibles pour apprendre de nouvelles chorégraphies. En tant que chorégraphe, je ne pense jamais aux styles, je crée ce que je ressens à l’instant présent. Bien sûr, j'ai des mouvements préférés et peut-être un caractère spécifique que l’on pourrait reconnaître comme celui de Rima Pipoyan, mais je ne me force jamais à créer quelque chose de nouveau ou d'inhabituel. J'essaie d'être honnête avec mon art et je tombe amoureuse à chaque fois que je crée.

Est-ce que vous pouvez en dire un peu plus sur cette signature qu’on peut reconnaître comme celle Rima Pipoyan ?

Vous pouvez reconnaître mon style surtout quand je danse moi-même. J'utilise beaucoup les bras, les cheveux, c'est une fusion de ballet classique, de danse contemporaine et d'arts martiaux. Lorsque je réalise une performance, je vois l'espace comme s'il s'agissait d'une architecture et j’interprète des images à partir de l'espace avec les corps.

Est-ce que créer en fonction de ce qui dicte notre instinct présent nécessite la préparation à un état d'esprit en particulier ?

Si j'ai de l'inspiration, de la bonne musique, une atmosphère et un environnement adéquats, je n'ai besoin de rien pour me préparer - je crée tout simplement. Sinon, je ne crée pas, j'attends l'inspiration. 

Vous avez également dit que l'esthétique est ce que vous appréciez le plus dans une chorégraphie. Quels sont alors les éléments qui vous viennent en tête ? D’ailleurs, dans votre pièce Khali, disponible sur Instagram, des costumes aux couleurs unies drapant des femmes bougeant au rythme de la musique de Hayk Karoyi forment une esthétique hypnotisante.

À mon avis, l'esthétique est une qualité innée, que l'on peut, sans doute, développer tout au long de sa vie si l'on fait des efforts, mais que l'on n'atteindra jamais à 100 %, tout comme on ne peut jamais essayer d'être un génie – on l'est ou on ne l'est pas.

Lorsque vous dites que l'esthétique est une qualité innée, voulez-vous dire que l'on peut naître avec une prédisposition pour une plus grande harmonie dans ses mouvements ? Considérez-vous que certain.ne.s danseur.se.s possèdent davantage cette qualité innée que d'autres ? Cette disparité rend-elle plus difficile l'équilibre de votre chorégraphie ?

L'esthétique n'est pas une question d'harmonie, mais plutôt d'appréciation de la beauté. On peut améliorer son sens de l'esthétique, mais si on ne le possède pas dès sa naissance, on ne développera probablement jamais un goût artistique. Bien sûr, certain.ne.s danseur.se.s sont très charismatiques, ce qui est également une qualité innée. Il y en a beaucoup qui ont une technique parfaite, mais cela ne fait pas nécessairement d'eux ou d’elles des artistes sur scène. Les personnes charismatiques sont embrassées par Dieu (sourire).

Est-ce qu’il s’agissait de votre première collaboration avec Hayk Karoyi pour la pièce Khali ?

Oui, c'était ma première collaboration, mais pas la dernière :) J'ai découvert Hayk grâce au compositeur Sergey Umroyan, avec qui je collabore depuis de nombreuses années. Hayk est un musicien contemporain très talentueux. C'est une joie de travailler avec lui, il saisit très rapidement mes idées et mes visions, d’autant que créer de la musique pour la danse n'est pas facile du tout.

En quoi créer de la musique pour la danse n’est pas du tout facile ?

Il y a des sons et des rythmes à éviter dans la danse, sinon on peut ne pas obtenir le résultat voulu. La musique pour une chorégraphie doit tenir compte de certains développements, de leitmotivs, de conclusions, etc. En fait, c'est très difficile à décrire, c'est dans mon subconscient, mais un jour j'arriverai à le formuler pour que tout le monde puisse comprendre :)

Comment collaborerez-vous avec Hayt Karoyi au festival ?

Nous sommes en train de créer un nouveau projet avec le son et le mouvement. Il s'agira d'une première de cinq minutes avec Hayk et les danseurs de ma compagnie dans une galerie d'art - un espace non conventionnel.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette première avec Hayk ?

Je l’ai appelée « Circle: a Dance and Music Journey ». C’est un projet qui vise à explorer le concept du « cercle » en tant que symbole d'unité, de continuité et de connexion par le biais d'un spectacle de danse et de musique captivant. En intégrant ces formes d'art, le spectacle invitera le public à réfléchir aux multiples significations des cercles dans la nature, la culture et l'expérience humaine. Le cadre de ce projet met en évidence l'exploration thématique du « cercle » en tant qu'élément cohésif qui unit la danse, la musique et l'espace de la galerie, créant ainsi une performance puissante qui parle aux participants et participantes.  Le projet est une collaboration entre Hayk Karoyi et ma compagnie de danse.

Vous avez travaillé sur une collaboration de danse entre l'Arménie et l'Ukraine ?  

Oui, j'ai collaboré avec le soliste de ballet Vladislav Bondar. Je l'ai invité à Erevan, où il a également partagé son expérience de professionnel des danses folkloriques ukrainiennes aux étudiants en ballet et en danse folklorique de la Yerevan State Choreographic. Le libretto du spectacle est basé sur le roman Tarantula de Thierry Jonquet. Le spectacle a reçu une invitation de l'organisation Aerowaves en 2021-22 et il a été joué dans plusieurs pays de l'Union Européenne.

Vous contribuez également au développement de la danse contemporaine et du ballet moderne en Arménie par l'intermédiaire de votre fondation, Choreography Development. Quel est le type de travail effectué par la fondation ? Est-ce que vous récoltez déjà les fruits de ce travail ?

J'ai créé la fondation en 2017 dans le but de soutenir la nouvelle génération afin qu'elle dispose d'un espace pour créer, apprendre et explorer de nouvelles formes d'art. Financièrement, il est presque impossible de travailler et d'aider par l'intermédiaire de la fondation, car le gouvernement prélève 35 à 40 % d'impôt sur chaque subvention reçue. J'ai créé un nouveau département de danse contemporaine à la Yerevan State Choreographic College (depuis 1924, il n'y en avait que deux, le ballet classique et le folklore). Nous gérons ce département depuis 2020, et j'ai beaucoup d'étudiant.e.s doué.e.s qui, malheureusement, ne savent pas où aller après avoir obtenu leur diplôme, car il n'y a pas un seul théâtre de danse contemporaine en Arménie. C'est pourquoi j'ai récemment créé une nouvelle compagnie de danse, et les spectacles Bone, Khali et Mourning women ont été montées en Arménie avec mes ancien.nes élèves. Nous viendrons à Paris avec ces productions.

La culture de la danse moderne est-elle forte chez les jeunes en Arménie ?

L'intérêt pour la danse contemporaine en Arménie n'est apparu qu'il y quinze ou vingt ans et nous avons encore un long chemin à parcourir avant de combler toutes les lacunes qui existent aujourd'hui.

Est-ce qu’une de ces lacunes vous vient à l’esprit?

En effet, la danse moderne trouve ses origines à la fin du 19e siècle, et nous devons courir pour rattraper le temps perdu.

Rima Pipoyan en quelques mots

Chorégraphe, metteuse en scène et danseuse, Rima Pipoyan est l’une des pionnières du ballet moderne et de la danse contemporaine en Arménie. Elle est l’une des premières chorégraphes arméniennes à avoir présenté ses œuvres chorégraphiques et ses spectacles à l’étranger : Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Suisse, Portugal, Serbie, Croatie, Russie, Biélorussie, Pologne, Moldavie, Géorgie, Grèce, entre autres. Elle a récemment créé le ballet Anatomy of Emotions pour le Théâtre de Berne, en Suisse.
Elle a mis en scène avec succès de nombreuses pièces chorégraphiques et des spectacles, dont notamment : That’s by falling that we riseMedieval imagesLa Vita NuovaSinful passionsHours of VisionsTriptychHeyKittyMeMy non-Self and IChaconne in ’K’ existence, etc. Sa performance solo, Woman before decision making, a été présentée dans des festivals et concours renommés à travers le monde et a reçu divers prix et distinctions.

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