Les amis, ne tombez pas dans la tyrannie de l’instant, dans laquelle il faut donner une réponse à tout, le plus rapidement possible, y compris sous le coup de l’émotion, sans prendre le temps de poser calmement les faits et de réfléchir de manière générale au problème que nous pose une situation. Beaucoup d’entre nous ont rapidement déclaré qu’ils ne participeront pas au second tour qui nous est proposé ou qu’ils voteront blanc, avec des arguments qui ont leur valeur et que je fais miens également pour certains. Pourtant, ceux-ci ne doivent pas masquer les contre-arguments dont nous avons nous-mêmes connaissance mais auxquels nous ne voulons pas faire face, par une certaine amertume des résultats peut-être, et ça se comprend.
I.
Le fascisme, « stade suprême du capitalisme »
Mes premiers arguments sont d’ordre clairement idéologique je le reconnais, mais j’espère que vous vous y joindrez. Le capitalisme, par nature instable, finit systématiquement par s'effondrer et déboucher soit sur une révolution progressiste (représentée ici par la révolution citoyenne que porte la France Insoumise), soit sur du fascisme (représenté par le Front National). Les français, par le choix qu'ils ont fait ce dimanche, ont montré qu'ils n'étaient pas encore prêts pour une révolution citoyenne mais qu’ils s’y préparaient. Le fascisme lui, est prêt, il attend son heure de gloire et le retour de son apogée. Or nous savons tous que le fascisme, en tant que « stade suprême du capitalisme » (si on détourne la formule originale de Lénine), n'emploie pas des méthodes déguisées pour œuvrer à la contre-révolution. La violence, les persécutions, l'absence de liberté sont ses maîtres-mots.
Ainsi il sera très difficile pour nous, femmes et hommes attachés à la liberté, de mettre en œuvre cette révolution citoyenne à laquelle nous appelons, sous un régime fasciste, car nos méthodes d'action non-violentes pour convaincre seront remises en cause par celui-ci, plus qu’elles ne le sont à l’heure actuelle.
Ne vous détrompez pas, le Front National reste ce qu’il est. Derrière son habillage électoral et médiatique vendeur, il reste un parti qui remet en cause nos libertés les plus fondamentales et vous le savez. Je suis incapable de vous dire jusqu’où il ira s’il arrive au pouvoir, mais n’oubliez pas qu’il aura entre les mains la constitution de la Vème République, dans laquelle des articles comme l’article 16 peuvent exister, à savoir donner les pleins pouvoirs au président de la République sous certaines conditions très abstraites, et très discutables.
Si Macron est demain président de la République, on ira dans la continuité du système actuel qui, certes essaie de freiner notre irrésistible avancée, certes ira en s’aggravant (c’est sa nature comme on le disait), mais qui sera toujours moins pire qu’un Etat avec à sa tête une fasciste, dont nous ne connaissons pas les limites de sa détermination à nous faire disparaitre de la planète, nous, progressiste de tous bord. Car oui, c’est leur projet, ils haïssent les gens comme nous, et veulent en découdre par tous les moyens.
Ainsi, on sait évidemment tous que mettre un bulletin Macron dans l’urne le 7 mai n’est clairement pas un vote d’adhésion et qu’il nous en fendra le cœur. J’en appelle pourtant à le faire non pas pour faire un choix de ce qui est le moins pire pour le pays (même si chacun à la liberté de qualifier l’un pire que l’autre), mais de choisir le bulletin de vote qui créera plus tard les conditions inéluctables de notre victoire. Les amis ce n’est qu’une question de temps, si vous considérez Macron et Le Pen comme la peste et le choléra, choisissez celui qui créera davantage les conditions de notre victoire future, et Macron en est pour moi le parfait candidat.
II.
La Vertu en République
En me posant des questions sur la situation dans laquelle nous nous trouvons, j’ai trouvé que le dernier livre de Jean-Luc Mélenchon peut nous apporter une partie de la réponse. Ainsi il dit : « Au fond, la différence entre la morale et la Vertu en tant que principe d’action, ce n’est rien d’autre que d’accepter que nous vivons en société, et qu’en société, par nécessité, tout le monde n’est pas d’accord et ne se réclame pas des mêmes arguments de vie personnelle. Malgré tout une règle s’impose quand même à tous ». Cette règle, ici c’est celle de la Vème République. Qu’elle nous plaise ou non, on s’y soumet jusqu’à ce que l’on puisse en changer. Dans le sens inverse, quand un jour viendra la VIème République, ceux qui ne seront pas d’accord avec celle-ci, s’y soumettront à leur tour (en principe) car la Vertu républicaine les guidera au-delà de leur morale personnelle. La Vertu, c’est savoir se soumettre à la loi de la cité même si elle ne nous sied pas. Evidemment ça ne veut pas dire que l’on doit se soumettre à n’importe quelle loi, mais ce n’est pas le sujet ici. Je vous laisse lire le bouquin.
Donc, quel est le rapport avec Macron et Le Pen ? C’est justement la question des règles qui définissent cette élection. Les amis, voter blanc ou s’abstenir n’aboutira à rien, précisément parce que la Vème République ne prévoit pas que cela aboutisse sur quelque chose. Si Le Pen demain est élue avec un fort taux d’abstention, on considérera nous, qu’elle n’aura pas beaucoup de légitimité pour exercer le pouvoir, mais elle, elle s’en contrefout de ce qu’on pensera de sa légitimité car elle aura le pouvoir, abstention ou non. Par conséquent, le vote blanc, n’étant lui non plus pas reconnu, dans tous les cas il faut s’astreindre aux règles de la Vème République. Ces règles prévoient de faire un choix parmi une multitude de candidats dans un premier tour, puis de départager les deux candidats qui en sont issus. Alors pour ceux dont le candidat se retrouve au second tour, pas de problème, ils votent par conviction également au second tour. En revanche, pour les autres, il s’agit précisément de choisir le moins pire. Cette règle ne nous convient pas, mais on s’y soumet.
Au fond, on arrive à la même conclusion dans les deux parties de notre raisonnement. On doit faire un choix en fonction de ce qui nous parait le moins pire de deux façons différentes. A la fois choisir le moins pire en ce qui concerne les conditions futures de la victoire de la révolution citoyenne à laquelle nous aspirons, mais aussi choisir le moins pire en ce qui concerne la situation future du pays, car les règles de l'actuelle Vème République nous l'imposent. Nous ne sommes pas Insoumis face aux institutions, ce qui rendrait notre mouvement fondamentalement violent (ce qu'il n'ait pas), mais Insoumis face à un système politique et économique qu'est le capitalisme et le libre-échange généralisé qu'il organise. Cette nuance est à prendre en compte dans votre choix le 7 mai prochain.
Alors pour moi ça sera #SansMoiLe7Mai, car je n'ai pas le droit de vote étant trop jeune, mais j'espère vous avoir convaincu, vous, d'aller voter contre le Front National, histoire de ne pas célébrer la victoire contre les nazis le lendemain avec un goût plus qu'amère du moment.