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Billet de blog 28 juin 2016

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Qui a tué?

Au Brésil, toutes les vingt-trois minutes, un jeune noir est assassiné par arme à feu. le résultat d'une Commission d'Enquête du Sénat vient de confirmer les chiffres ahurissants de la violence policière visant les jeunes noirs entre 15 et 30 ans. Il s'agit d'une extermination silencieuse et ininterrompue, qui ne fait que trop rarement la une des journaux.

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Qui a tué ?

Sur la colonisation en Afrique, l'écrivain Frantz Fanon, a écrit: «Chaque spectateur est un lâche ou un traitre » C’est comme cela que je me sens. 

Les derniers mots de l’enfant avant de mourir, furent:

« On s’amusait, monsieur. »

Le jeune garçon et son copain faisaient un "selfie".

Le jeune garçon et son copain ont couru.

Le policier a tire sur les deux jeunes garçons qui couraient, parce qu'ils couraient.

Comme tant d’autres jeunes de leur âge, partout dans le monde, ils faisaient des “selfies” et ils couraient.

Mais, ici,

Des jeunes garçons noirs qui courent, sont en fuite.

Des jeunes garçons noirs et pauvres qui courent, un portable à la main, sont des voleurs.

Des jeunes garçons noirs et pauvres peuvent être éliminés.

Des jeunes noirs et pauvres sont toujours soupçonnés et doivent être éliminés.

L’homme qui les a tués se regarde tous les jours dans le miroir et il trouve normal de tuer des jeunes noirs et pauvres.

Le chauffeur de taxi que j’ai pris hier, l’homme d’affaires qui parle fort à l’aéroport, eux aussi, ils trouvent ça normal.

La propriétaire du magasin qui veut interdire l’entrée du centre commercial aux jeunes noirs.

La journaliste qui suggère que les autobus de la zone Nord n’emmènent pas les jeunes noirs aux plages de la zone Sud, le week-end.

L’homme qui a tué est un policier, payé avec notre argent.

Notre argent paie la police qui tue quatre jeunes noirs par jour.

Se sont plus de vingt mille jeunes noirs tués par an.

Non, nous ne sommes pas en guerre.

Oui, nous avons une constitution qui garantit des droits égaux pour tous.

C’est un policier qui a tué.

Ce sont les gouvernements - dont le silence est assourdissant - qui ont tué.

Ce sont les journaux, où ces assassinats ne font jamais la Une, qui ont tué.

Avec mon omission qui collabore a la barbarie,

C'est moi qui ai tué.

IL S’APPELAIT ALAN DE SOUZA LIMA.  IL AVAIT 14 ANS. APRÈS AVOIR TIRÉ, LE POLICIER S’EST APPROCHÉ ET LUI A DEMANDÉ POURQUOI IL COURAIT. LE PORTABLE DE ALAN ENREGISTRA SA RÉPONSE: « ON S'AMUSAIT, MONSIEUR ». SE FURENT SES DERNIERS MOTS. C’ÉTAIT  À RIO, EN MARS, 2015. DEPUIS,  20 000 AUTRES JEUNES NOIRS SONT MORTS ASSASSINÉS.

texte original en portugais: http://www.brasilpost.com.br/flavia-castro/quem-matou_b_6771212.html

Illustration 1
J.B. Debret, Brésil, XIXe siècle.

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