Aurore Bergé, Ministre déléguée chargée notamment de la Lutte contre les discriminations, était reçue par Fraîches vendredi 6 juin dernier. Fraîches, c'est un média présent exclusivement sur les réseaux sociaux, qui se présente comme "Allié" de la communauté LGBTQ+, ainsi que des personnes trans (à travers leurs drapeaux figurant dans sa bio). Sur le papier, rien d'anormal : un média qui entend donner de l'écho à une communauté encore trop discriminée interviewe un membre du gouvernement dont les missions recoupent ce même objectif.
Mais dès les premières heures, la publication Instagram reçoit de nombreuses critiques : dans les faits, Aurore Bergé n'est pas réputée pour être la meilleure défenseuse de la communauté LGBTQ+, en particulier en ce qui concerne les droits des personnes trans. Un article Mediapart en faisait déjà état l'année passée. Depuis, la situation ne semble pas avoir beaucoup évolué : passé la communication politique, on reste franchement sur notre faim.
Or la lutte contre la transphobie, c'est justement le sujet de cet extrait. Et aucun contradictoire n'est apporté à la ministre. Plus tard, un autre extrait vient compléter le tableau, à propos du projet de loi EVARS. Pas de quoi améliorer les choses, quand on se rappelle que la notion de "transphobie" a finalement été retirée des programmes. Il n'y a donc franchement pas de quoi claironner, même si le projet reste évidemment louable.
La communication c'est une chose, la façon dont elle est déployée en est une autre, et c'est ce qui m'intéresse tout particulièrement ici. Quelques jours après la publication de l'interview, le compte Instagram Similiqueer publie à son tour un post, dans lequel il rappelle les faits d'arme d'Aurore Bergé contre les droits des personnes trans. Il nous apprend également que la Ministre apparaît également sur les réseaux sociaux des médias Melty et aufeminin, à quelques jours d'écart, même lieu, même tenue.
Plutôt logique lorsque l'on sait que ces trois médias appartiennent tous trois au même groupe : Reworld Media. Profiter du temps d'une Ministre pour mutualiser les interview, rien d'anormal en soi. Le fait que ces interviews servent à redorer le blason d'Aurore Bergé, sans le moindre contradictoire, interroge déjà beaucoup plus. Ce n'est pourtant pas tout.
Aurore Bergé connaît bien le propriétaire de Fraîches
En naviguant à travers quelques pages Wikipedia, j'apprends que le groupe Reworld Media est dirigé par Pascal Chevalier. Lequel est également actionnaire majoritaire de l'agence de communication et de lobbying Hopscotch Groupe. Et c'est là que ça devient intéressant : on apprend notamment que parmi les anciens cadres du groupe, se trouve une certaine... Aurore Bergé.
Autrement dit, la Ministre Bergé a donné une interview à trois médias, dont le fondateur est aussi son ancien patron. C'est pourquoi il semble que les termes de "communication politique" soient on ne peut plus appropriés. Cela explique aussi pourquoi un média comme Fraîches, supposément du côté des communautés queer, n'a pas semblé intéressant de poser a minima une question un tant soit peu gênante à la Ministre sur son passif envers les personnes trans.
Une fois de plus, la possession de média par des personnes privées montre quelles atteintes sérieuses elle peut porter à l'indépendance journalistique.
Pas de quoi s'étonner pour autant avec Reworld Media. Le groupe est bien connu pour décimer les rédactions dès lors qu'il prend possession d'un média, privilégiant les contenus viraux en quantité à une information qualitative. La déontologie, ça n'a donc jamais été son fort. Peut-on en déduire qu'Aurore Bergé a été formée à bonne école ?