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Billet de blog 21 octobre 2023

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A vot’ bon cœur, Seigneur Arnault !

Le patron de LVMH, 1ère ou 2ème fortune mondiale (ça dépend des jours !) fait un don de 10 millions d’euros pour venir en aide aux Restos du Cœur déficitaires car touchés de plein fouet par la vague de l’inflation (énergie, prix des denrées alimentaires : il faut savoir que ce sont les Restos qui achètent le tiers des produits distribués).

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A vot’ bon cœur, Seigneur Arnault !

Le patron de LVMH, 1ère ou 2ème fortune mondiale (ça dépend des jours !) fait un don de 10 millions d’euros pour venir en aide aux Restos du Cœur déficitaires car touchés de plein fouet par la vague de l’inflation (énergie, prix des denrées alimentaires : il faut savoir que ce sont les Restos qui achètent le tiers des produits distribués).

Bernard Arnault, héros ordinaire ?

« Notre Orgueil national », notre « Empereur d’industrie (« capitaine » serait simplement indigne de sa grandeur) vient à nouveau de s’illustrer dans un geste d’une générosité immense et « désintéressée ».

Bernard, le sauveur des Restos du Cœur ! Bernard, simplement l’homme au grand Cœur…

Quatre années après Notre-Dame (don de 200 millions d’euros), « à vot’bon cœur, monseigneur ! », il récidive dans une nouvelle attaque de générosité ! Sans parler de son mécénat pour les JO, où il décoche une flèche à 150 millions d’euros –après s’être tout de même fait un certain temps désirer…

Bernard se mobilise à nouveau ! Toujours au service de son pays…

Les Restos sont dans la panade, triste réalité ! Il faut dire que cette association de bienfaiteurs –eux n’en usurpe pas le nom !- s’est retrouvée au fil des années à gérer plus de 35% de l’aide alimentaire en France…

Question : que fait l’État ?

Question : pourquoi l’association existe encore en 2023 ??? (Elle était censée être éphémère et s’éteindre dès que les acteurs concernés auraient pris leurs responsabilités selon le vœu de Coluche son fondateur)

Le don de 10 millions d’euros, somme considérable pour la plupart d’entre nous – simples Français moyens – est à mettre en balance avec ce que Bernard avait offert pour la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, 200 millions d’euros, juste 20 fois plus… Mais, bon, il y a des « chantiers » plus prioritaires que d’autres -dans une nation magnifique comme la nôtre- et la paupérisation ne semble pas en être un !

Restons sur les chiffres ; les chiffres c’est bien pour entrer dans le monde de Bernard : ça permet de donner un ordre de grandeur… Ce qu’il faut savoir : LVMH pèse 220 milliards d’euros en bourse. La famille Arnault à travers leur holding détient 49% des parts – et cela augmente chaque année, vu qu’ils s’évertuent à racheter leurs propres actions pour affermir un peu plus leur mainmise sur le groupe et prospérer davantage (ils se verseront plus de dividendes !).

Faites le calcul : 10 millions sur 220 milliards, cela fait 0.005%. Du coup, on peut formuler d’une autre façon le don de Bernard : Bernard Arnault a fait don d’une somme équivalant à 5 millièmes de pourcent de sa fortune.

Ah ! Hmmm… Sympa !

Pour vous rendre compte, pour rester dans le ratio que cela représente, transposons la situation au patrimoine médian* des Français, de façon à voir ce que cela représenterait pour vous si vous faisiez le don dans la même proportion que Bernard Arnault.

* : ce patrimoine médian est donné à 117 000 euros.

5,57 euros a priori ! Oui, je sais, c’est décevant, non ?

Autre question : est-ce que la dignité des gens pauvres est à vendre ? Si oui, combien ?

10 millions d’euros, seulement ?

Autre question (plus gênante a priori) : est-ce que ce don de Bernard Arnault n’est pas plutôt un dédommagement différé ? Une juste rétribution de ceux ayant permis la constitution de sa fortune ? Qui? me direz-vous ! Les gens que son groupe emploie à des salaires bien inférieurs à ce qu’ils pourraient être ! Les gens qui en 1984 se sont retrouvés sur le carreau en dépit de ses promesses volages (nous allons revenir sur ce point) …

J’ai envie de poser une question encore plus gênante (décidément !) : pendant la crise du covid, qui s’est enrichi ? Pendant que le pays était à l’arrêt ou presque (n’oublions pas nos « chères 1ère lignes » qui nous ont permis de survivre en termes d’approvisionnement alimentaire, et nos soignants) et que l’économie était sous perfusion, qui s’est enrichi ? – et pas qu’un peu ! (sa fortune a plus que doublé pendant la Pandémie passant de 85,7 à 179 milliards)- Réponse : Bernard Arnault*…

*Ce triste personnage aura même l’indignité (vis-à-vis des victimes de la pandémie) de déclarer en 2021, lorsque la pandémie commence à s’éloigner : « Les crises nous rendent plus forts. » Il devait penser plus « riches » sans doute !

Question fondamentale : comment Bernard Arnault a-t-il fait sa fortune ?

Pour y répondre, je vais vous conter une petite histoire…

On est en 1978, Bernard succède à son père à la tête de l’entreprise familiale qu’il en profite pour rebaptiser et reconvertir dans la promotion immobilière.

1981, année terrible pour Bernard : Mitterand devient président ! Il part en exil aux USA, effrayé par le programme économique socialiste de ce dernier… Là-bas, il essaie de monter des affaires dans l’immobilier. Il fréquente d’ailleurs un certain Donald Trump, promoteur immobilier comme lui.

1984, le tournant de la rigueur étant advenu, Bernard peut revenir…dans notre cher et bon pays, pour y faire des affaires !

Rachat du groupe Boussac, l’affaire en or servie sur un plateau d'argent

Et des affaires, il est sur le point d’en faire une…Une affaire de taille ! L’affaire de sa carrière… Le hold’up historique du groupe Boussac, avec la complicité naïve du gouvernement français.

En effet, il se voit confier par le gouvernement de Fabius le rachat de l’ensemble du groupe Boussac Saint Frères, véritable empire industriel et commercial (Christian Dior parfums et couture, Bon Marché, Saint Frères textiles, Peaudouce, l’Aurore (journal), Conforama…) en déclin financier… Une « proie » bien trop grosse pour le « bébé requin » qu’il est à l’époque. Car son entreprise familiale Férinel ne pèse que 40 millions de francs : poids plume vis-à-vis de Boussac !

C’est alors que la banque d’affaires Lazard, poids lourd dans son domaine est « mise sur le coup » pour garantir ce rachat et l’État abonde en aide et subventions à hauteur de… 999,9 millions de francs, entre 1982 et 1985.

Néanmoins, en échange de cette générosité extrême, le gouvernement exige des garanties :

     -pas de vente à la découpe du groupe Boussac – Saint Frères ;

     -maintien de 12 252 emplois sur les 15 000 du groupe ;

Bernard Arnault s’y engage et signe ce contrat historique dans sa carrière… Il n’honorera jamais sa promesse, ne conservera que 8000 salariés, et s’empressera de céder le Bon Marché, Conforama, etc…

Au final, je n’ai rien contre notre bon seigneur dévoué Bernard vis-à-vis de ce don dont il gratifie ces chers sous-traitant de l’État (indispensables) que sont les Restos du Cœur, hormis 2 choses :

     -il ne paie pas assez d’impôts en France au vu de la richesse qu’il y produit et donc ne joue pas le jeu de la solidarité nationale, il crée donc        indirectement de la pauvreté.

     -la rémunération de ces salariés, c’est-à-dire de ceux qui produisent « ses » richesses, est bien en-dessous de ce qu’elle pourrait être eu égard       à la quantité de richesses que « ses » employés produisent par personne!

Laissez-moi vous saluez bassement, ô monseigneur Arnault, nostre bienfaiteur et artisan de la prospérité française, acteur admirable de la filière du luxe, industrie de haute valeur indispensable à notre éclat international et à notre survie !

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