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Billet de blog 21 août 2009

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Dash Snow est mort

Dash Snow, photographe phare avec Ryan McGinley desTiny Vices de Tim Baber et jeune étoile montante du marché de l’art américain,  est décédé à New-York en juillet.

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Dash Snow, photographe phare avec Ryan McGinley desTiny Vices de Tim Baber et jeune étoile montante du marché de l’art américain,  est décédé à New-York en juillet.

Dash Snow est mort. Il avait 27 ans. Ce fils de bonne famille, agité et retord, neveu turbulent d’Uma Thurmann, passait pour être un artiste. Il s’était fait remarquer par ses graffiti et ses polaroïds, s’adonnait à la sculpture et au collage. Bref, c’était une icône prometteuse, arty, underground et borderline.
Le polaroïd lui allait bien. C’était l’outil adéquat, au charme désuet, pour montrer avec toute l’intimité requise, sa bande de copains déjantés. Voilà le spectateur, en voyeur – ou en touriste c’est égal – scrutant les errements, la fureur et la fièvre, l’abandon enfin de ces jeunes gens plantés dans des décors immondes chargés d’ennui. Rien d’exceptionnel dans ces amusements plein d’hystérie où pointe discrètement derrière l’anecdote, un peu de désespérance. Désespérance rapidement consumée dans des étreintes, des débauches et des beuveries.
Les polaroïds de Dash Snow sont un vertige trash situé entre le Larry Clark de Tulsa (1971) et Teenage Lust (1983), et la Nan Goldin de Ballad of Sexual Dependency (1986). Un portrait de jeunesse, mais aux couleurs pisseuses et lavasses de notre temps.

Le polaroid lui allait bien aussi pour sa rapidité, son instantanéité. Une fois qu’on a déclenché, il n’y a plus rien à attendre. L’image, disponible de suite, annihile toute tension vers l’avenir. Sa grande pauvreté menace d’être assommante et il résiste à faire oeuvre. Cette fulgurance, ce dédain du lendemain, conjugué avec l’ivresse de l’hédonisme nihiliste du début du siècle, donne toute leur richesse aux images de Dash Snow. La valeur du "snapshot" est de nature anthropologique. Le polaroïd a pour lui une certaine vulgarité. Quand son usage colle à la trivialité, il déploie alors toute la puissance esthétique de l'instantané. Cette adéquation du fond et de la forme sont les qualités plastiques des photographies de Dash Snow.
Outrance
La beauté de ses images ne tient ni dans leur formalisme, ni dans leur motif. Non, ses photographies tirent leur force, leur poésie – puisque c’est de cela qu’il s’agit – de cette outrance aussi agressive que bouleversante. En revanche – c’est le terme juste – elles sont un crachat jeté avec indolence aux visages des amoureux du travail, ceux qu’émeut le savoir faire et les images jolies, bref les amateurs de décoration.
On ne se souviendra sans doute pas de Dash Snow comme d’un grand artiste. Il y a peu de chance que ses œuvres, pleines de son sperme comme ses collages, passent à la postérité. Trop faibles, trop convenues, trop bouffonnes. Au mieux pourra-t-il finir comme personnage de l'industrie cinématographique. D'ailleurs, peut-être, ce jeune homme est-il devenu artiste par accident ou opportunité, ce qui revient au même. Certainement quelques commerçants bien intentionnés l’auront convaincu que cette bohème, allourdie de stéréotypes fatigués, pouvait être un placement séduisant. Éventuellement, aussi, donner un objet à sa sensibilité écorchée et rattacher les wagons avec une famille de célèbre mécène de l’art américain, les de Menil dont il s'était séparé à l'adolescence.

Dash Snow est mort d’une overdose d’héroïne le 13 juillet 2009 à Manhattan.

Les polaroids sont extraits de la série disponible sur Tiny Vices

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