Lettre ouverte adressée au Ministre de l'Agriculture à propos de la Politique Agricole Commune (PAC).
Signez la petion
http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2013N43295
Monsieur le ministre, cher camarade,
Les récentes élections partielles ont montré l'impatience et la déception d'un grand nombre de nos compatriotes devant les lenteurs du changement promis.
S'il est un domaine où ce changement est pourtant bien à l'œuvre, c'est celui dont tu as la charge. Nous avons écouté avec intérêt et espoir tes prises de position en faveur d'un autre modèle, celui de l'agro-écologie.
Au niveau européen, l’accord intervenu sur la nouvelle PAC entre institutions européennes le 26 juin dernier nous paraît aller dans le bon sens. En outre, cet accord laisse aux Etats d’importantes marges de manœuvre et nous donne ainsi l’opportunité de montrer en quoi un gouvernement à direction socialiste défend mieux qu’un autre l’environnement, la justice sociale et l’emploi.
Il nous reste jusqu’à la fin août pour préciser notre déclinaison socialiste de la PAC. En France comme dans les autres pays de l’Union, la définition d’une autre politique agricole, c’est maintenant !
Par-delà les avancées que nous saluons, comme par exemple le paiement redistributif, le paiement vert, le supplément d’aides aux Jeunes ou encore le soutien couplé, plusieurs ambiguïtés de cet accord appellent notre vigilance.
Ainsi, concernant le premier pilier, celui des paiements directs aux surfaces agricoles, un point crucial est la possibilité de choisir, d'ici 2019, entre une convergence totale de l’aide directe de base de la PAC (une valeur commune à tous les hectares) et une convergence limitée à 60% de la moyenne nationale.
Cette latitude est l’occasion rêvée de montrer ce qu’est une politique de gauche en matière agricole. Ne la gâchons pas ! Et coupons l’herbe sous les pieds du FN en accordant à l’agriculture paysanne la reconnaissance de son travail
Autre avancée importante : l’aide directe de base sera accordée à tous les secteurs de l’agriculture y compris l’arboriculture et le maraîchage bien que désormais sans conditions. Tous… sauf la viticulture ! Il est à craindre en effet que les vignerons ne puissent pas bénéficier des aides du premier pilier. C’est sous l’en-tête du 2ème pilier de développement rural (investissements, restructuration…) que sont classées, en France uniquement, les aides à ce secteur, la filière commerciale viticole ayant la prétention de s’accaparer la totalité de la PAC dans ce domaine.
En réservant la PAC à ce 2ème pilier, et bien sûr sans plafond par dossier, l’on permettrait aux négociants d’y émarger non seulement pour les nombreux châteaux qu’ils exploitent mais aussi pour leurs sociétés de négoce. Si cette décision est maintenue, la PAC viticole risque d’être accaparée par quelques milliers de négociants et leurs alliés au détriment de prés de cent mille vignerons.
Pourtant la France a signé les clauses de l’OMC qui lui interdisent de subventionner sa filière commerciale viticole. En risquant de contrevenir aux lois du commerce mondial, elle s’expose à la multiplication de plaintes « anti dumping ».
Au contraire, les aides à la surface sont compatibles avec les règles de l’OMC. Pourquoi en priver les viticulteurs ?
Dans d’autres secteurs importants, les réformes en cours risquent de nous laisser sur notre faim. Ainsi, pour l’élevage, la convergence de l’aide directe de base ne permettra un transfert au profit de l’élevage, notamment extensif, que si elle est totale.
La convergence totale de l’aide directe de base permettra également une redistribution territoriale vers les zones rurales défavorisées
Quant aux céréales, les méthodes actuelles de production, notamment dans la Beauce, sont connues pour être catastrophiques du point de vue de la préservation des sols. Pourtant, les céréaliers d’Île de France échappent toujours au verdissement à travers l’aide directe de base. Nous voulons voir depuis notre TGV des bosquets et des bandes enherbées et fleuries.
Notre souci partagé, à nous socialistes, est que les agriculteurs respectueux des territoires et de ce qu’ils produisent soient favorisés, d’autant plus qu’ils sont créateurs d’emplois non délocalisables. C’est pourquoi nous demandons que tous les agriculteurs puissent bénéficier de ces aides plus justes.
Nous sommes conscients de la persistance dans les esprits des vieux schémas de pensée, ceux de l’agriculture conventionnelle. Nous savons le poids des lobbies. Nous savons le courage et la détermination qu’il faut pour oser changer la donne. Pour toutes ces raisons, Monsieur le ministre et cher camarade, nous t’appelons à ne rien céder sur l’indispensable réorientation des aides pour plus de justice et une meilleure préservation de la nature, conformément à nos valeurs socialistes partagées.