"Depuis quelques temps, en France, on n'arrête plus de se faire engueuler, rapport aux années 70. Et qu'on a fait fausse route, et qu'est-ce qu'on a foutu avec la révolution sexuelle, et qu'on se prend pour des hommes [...] on se demande où est passée la bonne vieille virilité, celle de papa et du grand-père, ces hommes qui savaient mourir à la guerre et conduire un foyer avec une saine autorité. [...] On se fait engueuler parce que les hommes ont peur [...] C'est tout de même épatant, et pour le moins moderne, un dominant qui vient chialer que le dominé n'y met pas assez du sien..."
"Prétendre que les hommes et les femmes s'entendaient mieux avant les années 70 est une contrevérité historique. On se côtoyait moins, c'est tout"
"Enfantez dans des villes où le logement est précaire, où l'école démissionne, où les enfant sont soumis aux agressions mentales les plus vicieuses, via la pub, la télé, internet, les marchands de soda et confrères. Sans enfant, pas de bonheur féminin, mais élever des gamins dans des conditions décentes sera quasi impossible. Il faut, de toute façon, que les femmes se sentent en échec. Quoi qu'elles entreprennent, on doit pouvoir démontrer qu'elles s'y sont mal prises. Il n'y a pas d'attitude correcte, on a forcément commis une erreur dans nos choix, on est tenues pour responsables d'une faillite qui est en réalité collective et mixte."
"Le pouvoir qu'un état malade octroie est forcément suspect."
"Les hommes dénoncent avec virulence injustices sociales ou raciales, mais se montrent indulgents et compréhensifs quand il s'agit de domination machiste. Ils sont nombreux à vouloir expliquer que le combat féministe est annexe, un sport de riches, sans pertinence ni urgence. Il faut être crétin, ou salement malhonnête, pour trouver une oppression insupportable et juger l'autre pleine de poésie."
"Le capitalisme est un religion égalitariste, en ce sens qu'elle nous soumet tous, et amène chacun à se sentir piégé, comme le sont toutes les femmes."
"Le monde économique aujourd'hui étant ce qu'il est, c'est-à-dire une guerre froide et impitoyable, interdire l'exercice de la prostitution dans un cadre légal adéquat, c'est interdire spécifiquement à la classe féminine de s'enrichir, de tirer profit de sa propre stigmatisation."
"Ils aiment à parler des femmes, les hommes. Ça leur évite de parler d'eux. comment explique-t-on qu'en trente ans aucun homme n'a produit le moindre texte novateur concernant la masculinité ? Eux qui sont si bavards et si compétents quand il s'agit de pérorer sur les femmes, pourquoi ce silence sur ce qui les concerne.? [...] Ils veulent qu'on parlent d'eux, à notre tour, peut-être ? Par exemple, ils veulent s'entendre dire à quoi ça ressemble, vu de l'extérieur, leurs viols collectifs ? On dirait qu'ils veulent se voir baiser, se regarder les bites les uns les autres, être ensemble en train de bander, on dirait qu'ils ont envie de se la mettre. On dirait qu'ils ont peur de s'avouer que ce dont ils ont vraiment envie, c'est de baiser les uns avec les autres. Les hommes aiment les hommes."
"Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s'agit pas d'opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l'air."
Virginie Despentes