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Billet de blog 29 décembre 2015

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Un devoir d'humanité (N°2)

Retour d'un second voyage à Calais

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Chasse à l'homme, rafles et déplacements à Calais. Contrevenant aux propos tenus lors de sa "visite" à Calais ville – et non dans la « jungle » - mercredi 21 octobre, le Ministre de l'Intérieur planifie dès le lendemain de manière musclée les rafles de migrants aux alentours de la "jungle". Des déplacements sont organisés. Les empreintes digitales sont prises par force. Les escortes aériennes sont effectuées par des avions de l'armée et ont remplacé le jet privé (1 million 1/2 d'euros par an) pour accroître massivement le nombre de personnes déportées. La chasse à l'homme se déroule à Calais.

300 gendarmes et 160 représentants des forces spéciales s'ajoutent désormais aux 225 premiers déjà présents et aux 440 pour les forces spéciales déjà sur place. Soit 460 gendarmes et 665 représentants des forces spéciales = 1 125 personnes ... 1 représentant des forces de police pour 6 réfugiés. Arithmétique implacable. La Cimade publie un communiqué alarmant.

Jeudi 22 octobre, nouveau voyage à Calais de Florence et Michelle (Rwanda avenir). Eclaircie sur l’autoroute. A l’arrivée à Calais une file d’au moins 50 camions au ralenti… Sur le bas-côté de très jeunes garçons inspectent les camions, espérant s’y glisser… Bruine et pluie sur la jungle, zone de non droit, inondée, inhospitalière, près des usines classées Seveso. Nous retrouvons les enseignants de l’Ecole laïque du chemin des dunes. Près de la voiture des jeunes hommes frigorifiés, trempés, chaussés de tongs demandent : « Shoes ? Jackets ? ». Les enfants qui circulent n’ont pas davantage de bottes ni vêtements chauds. On parle avec Virginie, Dany. On remet à l’Ecole laïque du Chemin des Dunes 70 dictionnaires trilingues (français, anglais, arabe), quelques livres pour les enfants. On rencontre Alpha de l’école des arts et métiers. On part vers la maison des femmes et des enfants, on rencontre Liz. On donne des bottes et vêtements chauds. Puis à Jungle Books (la bibliothèque), une vingtaine de dicos à Mary qui en donne aussitôt à deux hommes qui fréquentent la bibliothèque. On passe près du campement des nouveaux arrivants, venus d’Irak, vivant dans le plus grand dénuement. Beaucoup d’enfants. On rencontre Zimako, l’instigateur de la première école (Chemin des dunes, sous une tente). Une nouvelle et grande école est en construction : deux pièces – une pour les enfants, une pour les adultes. Le tout avec des palettes pour murs. Médecins sans frontières remblaient avec des cailloux les chemins inondés et impraticables. Nous retournons vers l’Ecole, chemin des Dunes. On bavarde un moment avec Alpha, on visite l’école des arts et métiers, on parle du projet de cinéma pour les réfugiés. Il demande des dictionnaires. Il en reste 10. Il est vraiment heureux de les recevoir. Pour beaucoup, c’est une chance pour se faire entendre.

Le long du chemin qui borde la jungle des cars de CRS passent à intervalles réguliers et rapprochés.

Quand on repart, on voit les groupes de jeunes et d’hommes avec un petit sac au dos, un duvet à la main. Ils partent – comme tous les soirs dans l’espoir d’atteindre l’Angleterre…

Sur la route du retour, nous voyons les escortes terrestres se dirigeant sans doute vers le Mesnil-Amelot, près de Roissy.

Dimanche 25 octobre, tout s’aggrave encore. L’Auberge des migrants informe que « la police/le gouvernement bloquent systématiquement l’accès à la jungle pour les véhicules non immatriculés dans la région (ONG locales) ». Le week-end étant le moment où les Britanniques ou les Belges viennent à Calais pour apporter de l’aide ou assurer des distributions, le but de cette manœuvre est donc bien de priver les migrants d’un support indispensable et précieux. Sous prétexte de « désengorger » Calais, les arrestations se poursuivent tout particulièrement aux abords du tunnel sous la Manche. Elles sont suivies de déportations ou de conduite dans des centres de ré/détention.

Lundi 26 octobre. Le Secours catholique, Médecins du monde et plusieurs demandeurs d’asile déposent un référé-liberté devant le Tribunal administratif de Lille, dans le but de contraindrelegouvernement à prendre des mesures urgentes sur le bidonville de Calais où tentent de survivre 6 000 migrants. Leur mémoire de cent pages documente :

-          La violation permanente des libertés fondamentales

-         Le droit au respect de la vie

-         Le droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants

-          Le droit à l’asile

Des mesures prioritaires sont demandées à la Préfecture, à la mairie de Calais et à l’Agence régionale de santé :

-          Réquisition de bâtiments inoccupés pour garantir le droit d’hébergement d’urgence

-          Distribution de repas en quantité suffisante

-          Installation de 24 points d’eau, de 50 toilettes et douches, 25 bennes à ordures

-          Déblaiement immédiat des bennes de déchets

-          Enregistrement sans délai des demandes d’asile

-          Développement de l’accès aux soins à l’hôpital de Calais et sur le camp

Il faut ajouter sans risque d’erreur que tous ceux et celles qui survivent dans la jungle sont victimes d’un quadruple traumatisme.

Rejoignez les initiatives de solidarité, les bénévoles et les associations !

Paris, le 26 octobre

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