Cet ancien élu fait un état des lieux on ne peut plus réaliste :
"Gabegie des poubelles en Dordogne :
Réflexions sur une démarche pragmatique …
Je me suis rapproché du groupe de réflexion du Collectif dès la création de l’Association AMCODD*, dans le but d’apporter mon éclairage d’ancien élu municipal qui avait été confronté, dès l’origine, aux mesures autoritaires ayant conduit à la discutable situation actuelle en matière de collecte des déchets dans notre département. J’y ai rencontré une équipe de personnes volontaires, de tous horizons, mais déterminées à apporter leur implication personnelle pour obtenir, des instances concernées, la correction d’anomalies techniques constatées par les premiers éléments du déploiement du nouveau processus retenu, le réexamen de leur impact financier supporté par les usagers et la mise en cohérence du dispositif avec les besoins réels identifiés qu’il est légitime d’attendre d’un service public.
Car le sentiment qui lie l’ensemble des adhérents au Collectif est, avant tout, le constat d’une perte de la qualité du service public, en dépit de l’émergence de nouvelles contraintes punitives.
Il convient, en effet, de rappeler qu’auparavant, le traitement des ordures ménagères dépendait, à la satisfaction quasi générale, d’organisations pilotées à l’échelon municipal, au plus proche des usagers ; soit en régie communale, soit, par le truchement d’un marché public, confié à un prestataire choisi. Ces dispositions permettaient notamment aux maires d’adapter la nature des prestations aux spécificités de leurs administrés, tant au plan des configurations d’urbanisme que des situations sociales particulières, tout en conservant la maitrise financière de la prestation, validée par un budget municipal annexe, lui permettant de décider lui-même de l’assiette du taux de la redevance communale correspondante.
Deux décisions nationales autoritaires sont venues perturber cet équilibre : le transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence de la collecte des ordures ménagères, qui découle de la Loi NOTRe*, et l’objectif de la réduction drastique du volume des déchets enfouis d’ici à 2025, par complaisance avec la notion d’écologie punitive. La première décision s’est traduite par l’adoption quasi générale de la TEOM*, simplificatrice mais génératrice d’iniquités, en lieu et place des redevances municipales adaptées. La seconde a provoqué l’adhésion inconséquente de la plupart des intercommunalités au SMD3*, lui délaissant la charge de la prestation, sans réelle volonté d’en formaliser les directives en amont, ni d’en assurer le contrôle de l’exécution ; le Syndicat mixte offrant une solution « clé en main » pour satisfaire à l’objectif, s’en s’auto-attribuant le monopole. C’est donc une solution uniquement technocratique qui a été mise en œuvre, sans que les élus de terrain aient eu le loisir d’introduire dans la démarche les considérations de bon sens et de solidarité appropriées à leurs communes ; ils sont devenus captifs du système, y compris ceux qui le redoutaient, mais qui, ayant perdu leur autonomie de décision, ont vu leurs voix, généralement minoritaires au sein des intercommunalités, absorbées par le manque de discernement du plus grand nombre, ou ceux qui ont adhéré aux sirènes de la mutualisation, alors qu’elle s’est traduite par une hydre tentaculaire sans efficacité probante.
Fort de ce pouvoir usurpé, le SMD3 a développé, à marche forcée, son dispositif, ne laissant qu’une très faible marge de manœuvre d’adaptation aux spécificités locales.
Dès la mise en place des premières mesures, l’AMCODD, a identifié un nombre significatif d’anomalies du processus, rapporté par une part de plus en plus importante des usagers et adhérents du Collectif. Sans être exhaustive, la liste de ces dysfonctionnements concerne aussi bien certains défauts techniques des containers entrainant des difficultés d’emploi, notamment vis-à-vis des personnes âgées ou handicapées, qu’une répartition inadaptée au mitage de l’habitat rural du nombre et des emplacements des nouvelles aires de collecte, ainsi qu’un rythme imposé de dépose des ordures incohérent avec la vie active des particuliers ; sans parler de l’oubli du traitement des besoins spécifiques des visiteurs de passage, déterminants pour nos territoires touristiques. Et surtout, ces dispositions ont adopté, comme principe idéologique, l’abolition de la collecte en « porte à porte », y compris en milieu urbain, alors qu’elle est la formule la mieux adaptée à l’ensemble des besoins, en particulier aux exigences de l’hygiène domestique de l’habitat collectif.
Ce constat est de plus en plus partagé par des élus de proximité, singulièrement les maires, qui voient progresser les réactions de leurs administrés ; soit les contestations de ceux qui, ayant déjà subi les désagréments du nouveau dispositif, ont pu en identifier les défauts, soit les craintes de ceux pour lesquels l’échéance de la mutation approche. Par ailleurs, ils se trouvent dans l’obligation de prendre à leur charge communale le traitement de l’hygiène de la proximité des aires de collecte et des dépôts sauvages qu’engendrent ces nouvelles contraintes punitives et coercitives, en venant accroître les effets déjà problématiques des incivilités.
C’est pourquoi, l’AMCODD s’est investie dans l’action, selon deux axes :
- une campagne d’information « grand public », tant par internet que par tractage, organisation de manifestations ouvertes et participation active à des débats thématiques publics,
- et une action ciblée en direction du SMD3, des élus et des hautes instances départementales, qui s’est traduite par des courriers officiels, des entretiens particuliers et une représentation effective à des réunions de responsables.
Cette implication du bureau et des membres opérationnels de l’association, soutenue par certains élus, a, en premier lieu, permis de hisser l’AMCODD à un niveau reconnu des instances concernées, sans pour autant parvenir pleinement, comme elle le souhaite, à celui d’interlocuteur privilégié auprès du SMD3, afin de faire partager le plan d’action séquencé qu’elle propose et que j’ai contribué à définir en privilégiant la concertation plutôt que la radicalité ; il se décline ci-après :
- décréter un moratoire sur la poursuite du déploiement des nouvelles dispositions de collecte programmées, plutôt que de s’enferrer dans la continuation de la mise en place des errements constatés ;
- dresser la liste exhaustive des anomalies et difficultés identifiées dans les secteurs déjà impactés par ces dispositions ;
- analyser ce retour d’expérience pour rechercher et établir les mesures correctives appropriées ;
- définir, en cohérence, un « cahier des charges » de la prestation attendue, validé par les élus intercommunaux en responsabilité (rattrapage de l’omission d’origine !) ;
- reprendre le déploiement du futur dispositif selon les nouvelles modalités qui découlent de l’approbation de ce processus de réflexion.
S’il convient d’observer que le SMD3 a accepté de reconnaitre le bien fondé de certains des griefs soulevés, il est regrettable qu’il n’ait pas encore admis l’intérêt « gagnant/gagnant » d’adopter la démarche constructive proposée par l’AMCODD ; gageons que nos efforts de persuasion combinés à la montée des réprobations des usagers et au bon sens retrouvé des élus de terrain permettront d’atteindre cet axe de progrès.
Par ailleurs, et pour aborder le problème financier de l’affaire, l’AMCODD désapprouve le principe de la « redevance incitative » qu’il est envisagé d’adopter à court terme, dans la mesure où les intercommunalités y perdraient toute maitrise budgétaire au profit décisionnel du seul prestataire, donc au détriment de leurs administrés ; des exemples comparables appliqués à d’autres territoires en témoignent.
Enfin, si je partage la nécessité du tri et l’orientation prônant la réduction du volume d’enfouissement des déchets, je reste dubitatif sur l’objectif excessif avancé pour 2025, … en dehors du bénéfice des ressources financières punitives qu’apportera l’application des pénalités déjà prévues par l’évolution programmée de la TGAP*. Ce qui est certain, c’est que la cible utopique retenue ne peut être atteinte par les seules mesures coercitives qui découlent du processus arbitraire du SMD3…
En lieu et place de l’enfouissement, ne faut-il donc pas s’interroger sur la pertinence de l’élimination des déchets non recyclés par les procédés modernes d’incinération ?
Un ancien élu de terrain
- AMCODD : Association des Mécontents de la Collecte des Déchets en Dordogne
- Loi NOTRe : Loi portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République
- TEOM : Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères
- SMD3 : Syndicat Mixte Départemental des Déchets de la Dordogne
- TGAP : Taxe Générale sur les Activités Polluantes "