A la lecture du journal français Le Monde du 29 mai dernier, on apprend, non sans étonnement, qu’il ne resterait rien au Tchad des années fastes du « boom pétrolier », et que l’essor tchadien tiendrait plutôt du mirage.
Il est évident que l’effondrement des cours du pétrole en 2015 a heurté de plein fouet la campagne d’investissements pilotée par le gouvernement d’Idriss Déby, ainsi que les tentatives, réelles, de diversification de l’économie tchadienne.
La conjonction de deux autres facteurs extérieurs n’a fait qu’aggraver la situation :
- une pluviométrie beaucoup plus faible que d’habitude deux années de suite, avec de lourdes conséquences sur les rendements agricoles ;
- et l’insurrection jihadiste aux frontières du Tchad qui a paralysé les échanges, alors que l’agriculture pastorale tchadienne est avant tout tournée vers l’export.
Donc oui, le Tchad souffre d’une crise économique dure et multifactorielle. Mais non, la manne pétrolière de la décennie écoulée ne s’est pas évaporée ! Tous les domaines prioritaires de développement ont connu des améliorations tangibles. La capacité de production électrique a été multipliée par 18 en une dizaine d’années ; l’accès à une eau de qualité a été augmenté de plus de 20%, et plus encore en ville ; la mortalité infantile et juvénile a considérablement baissé (-20% et -18% respectivement) ; le réseau routier a été étendu et renforcé pour faciliter les flux de marchandises. Sans parler des efforts sectoriels spécifiques, concernant par exemple la filière coton.
Alors certes, la dépense publique a été divisée par deux en deux ans, certes, cela n’est pas allé sans causer des dégâts, sociaux en particulier. Mais il faudrait ajouter, pour être tout à fait honnête, qu’avant d’en arriver à ce recul, au cœur d’une crise intense, c’est par dix que le budget de l’Etat tchadien a été multiplié depuis le début des années 2000. Et qu’un bon nombre des fonctionnaires qui voient leur indice salarial gelé aujourd’hui remplissent des offices qui n’existaient tout simplement pas il y a quinze ans.
La situation du Tchad est difficile. Retrouver le chemin d’une croissance forte (le Tchad a connu une croissance de près de 7% jusqu’en 2014, et alignait plusieurs pics à deux chiffres les années précédentes) nécessitera encore beaucoup d’efforts, d’autant plus que les principales causes conjoncturelles de cette crise existent toujours. Mais occulter, dans une série d’articles à charges, près de quinze ans d’investissements et de progrès réels et tangibles me semble une entreprise par trop légère pour un quotidien dit de référence.