
La crise économique que traverse le Tchad s’est accompagnée en 2016 d’un mouvement de contestation politique et social. Refusant les mesures d’austérité décidées par le gouvernement pour assainir les comptes publics, un certain nombre d’organisations ont enclenché un mouvement de manifestations et de grèves. Les étudiants et les fonctionnaires, durement touchées par les restrictions budgétaires rendues obligatoires par la crise, ont grossi les rangs des mécontents.
Beaucoup de commentateurs extérieurs affirmaient alors que la crise ne trouverait pas d’issue si les cours du pétrole ne repartaient pas à la hausse. La réalité s’est révélée très éloignée de ces clichés sur la gouvernance africaine. A travers un comité multipartite animé par le premier ministre, gouvernement et syndicats sont parvenus en avril dernier à un accord global après plusieurs semaines de discussions constructives. Le conflit social a été résolu par le dialogue et la concertation, et non par une répression aveugle.
En août dernier, Idriss Déby est allé plus loin, en ouvrant une concertation nationale sur la réforme des institutions de l’État à laquelle il a convié les principales figures de l’opposition tchadienne. Le but avoué de cette démarche était de présenter un front uni à l’approche de la réunion des bailleurs internationaux les 7 et 8 septembre à Paris. Une stratégie couronnée de succès car, à l’issue de la rencontre avec les bailleurs, Idriss Déby a obtenu 15 milliards d’euros de promesses d’investissements et d’assistance. Là encore, une illustration frappante de l’évolution de la pratique politique au Tchad.
A l’occasion de la publication d’un rapport d’Amnesty International cette semaine, beaucoup de médias, notamment francophones, ont dressé des parallèles entre la situation actuelle au Tchad et les pratiques d’Hissène Habré. Pour rappel, ce dictateur chassé du pouvoir par Idriss Déby a été condamné par le tribunal spécial de Dakar à la réclusion à perpétuité pour crimes contre l’humanité, en première instance et en appel. Plus de 40.000 Tchadiens auraient perdu la vie sur ses instructions, aux mains de services de sécurité totalement dévoyés. Cette comparaison totalement hors de propos pourrait faire sourire si elle ne renvoyait pas à la tragédie qu’a représenté le règne d’Hissène Habré. On notera simplement qu’affirmer que la liberté d’expression est mise à mal au Tchad dans un rapport présenté au public à N’Djamena ne manque pas d’ironie.