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Le président tchadien Idriss Déby s’est retrouvé mêlé bien malgré lui à une affaire judiciaire étrange, qui masque probablement une affaire économique et politique de grande ampleur. Le 20 novembre, deux anciens ministres (de Hong-Kong et du Sénégal) ont été mis en examen par un tribunal américain, soupçonnés d’avoir versé des pots de vin à des dirigeants africains (dont Idriss Déby) pour avancer les intérêts d’une entreprise chinoise, la CEFC China Energy. En ce qui concerne le Tchad, l’accusation ne semble pas très solide dès lors que cette entreprise n’a acquis aucun de ses actifs dans le pays à travers le gouvernement tchadien.
Prendre le risque diplomatique d’arrêter d’anciens ministres sur la base d’accusations fragiles pose question. Des éléments de réponse résident probablement dans la nature de l’entreprise visée in fine par ces poursuites. La CEFC China Energy, relativement inconnue il y a une dizaine d’année, est aujourd’hui un acteur de premier plan en Chine, mais aussi à l’international. Cette entreprise s’est en effet implantée dans de nombreux États jugés importants pour la stratégie d’expansion de la Chine.
Expansion commerciale, mais pas uniquement. La gestion des approvisionnements en énergie est un souci permanent des dirigeants chinois, et la CEFC China Energy a joué un rôle important en la matière ces dernières années, en diversifiant les fournitures de la Chine dans les domaines du pétrole et du gaz. L’entreprise est donc un compétiteur pour certaines entreprises américaines, mais elle apparaît surtout comme très liée au pouvoir politique chinois.
Les choses se sont accélérées à compter de septembre 2017, quand la CEFC a pris une participation de 9 milliards de dollars dans le géant russe des hydrocarbures Rosneft, plaçant l’entreprise parmi les plus gros acteurs de la production mais aussi du négoce de pétrole. Le rapprochement entre Russes et Chinois dans ce domaine stratégique a pris une tournure plus importante encore le 16 novembre, avec la signature d’un accord de fourniture de 12 millions de tonnes de pétrole par Rosneft à CEFC sur l’année 2018.
C’est au lendemain de l’annonce de cet accord que M. Ho, le principal mis en cause par le tribunal américain, a été arrêté. Difficile de n’y voir aucun rapport de causalité, difficile également de donner du crédit aux allégations proférées par les tribunaux américains à l’encontre du Tchad et d’Idriss Déby.