
Agrandissement : Illustration 1

Le 21 février 2018, le Tchad a obtenu de son créancier Glencore une remise à plat très avantageuse de sa dette. Après huit mois de bras de fer, le président Idriss Déby est finalement parvenu à faire plier la plus grosse société de négoce de matières premières au monde. L’intransigeance avec laquelle la multinationale a mené les négociations ne lui aura finalement pas été profitable. Au contraire, l’abnégation du président tchadien à faire valoir la légitimité de ses demandes a fini par payer.
Difficile de trouver rapport de force plus défavorable, entre d’un côté un État aux finances fragilisées par l’effondrement des cours du pétrole, devant de surcroît faire face à des menaces sécuritaires graves qui pèsent lourd sur son budget, et de l’autre une multinationale omnipotente qui commercialise aux conditions qu’elle impose les ressources minérales de dizaines d’États. La genèse même de cette dette a posé question : contractée quelques semaines seulement avant un retournement des cours, elle est passée d’une opportunité stratégique a un gouffre financier. Vu le poids de Glencore dans le commerce mondial des hydrocarbures, on peut se demander, comme l’a fait Idriss Déby il y a quelques mois, si le créancier était totalement ignorant de la conjoncture, et donc du caractère probablement insoutenable à terme du prêt qu’il accordait.
Le vainqueur de ce bras de fer n’est donc pas celui que l’on attendait. Une des raisons tient probablement à l’habileté politique d’Idriss Déby. La proportion de la dette sur le budget et l’économie du Tchad a fait que ce n’était pas pour lui simplement une négociation commerciale mais bien un enjeu politique et stratégique. Le président tchadien a donc probablement mobilisé le vaste réseau diplomatique qu’il a patiemment su construire pour appuyer sa position de négociation. Il est intéressant de noter que l’ensemble du processus s’est déroulé à Paris, et non dans les bureaux suisses ou londoniens où siège la multinationale. Et ce alors que la France s’appuie de plus en plus sur le Tchad dans le cadre de sa stratégie sahélienne. C’est impossible à affirmer avec certitude, mais il ne serait pas surprenant d’apprendre que la France, dont plusieurs banques ont été impliquées au plus haut niveau dans le processus de négociations, a contribué à pousser les débats dans le sens d’Idriss Déby.
Ainsi, l’engagement sans faille dans la lutte contre le terrorisme du président tchadien aurait produit là un dividende inattendu. Idriss Déby n’a de cesse de construire un Etat fort au Tchad, voilà un nouvel exemple de sa réussite.