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Billet de blog 15 mai 2008

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Anne Nivat, une journaliste à saluer... l’occasion de digressions constructives sur le métier de journaliste

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A peine l’ai-je aperçue -belle femme regardant Jean-Jacques Bourdin avec complicité- que je l’ai reconnue. A peine l’ai-je aperçue que je me suis dit : « Vas-y, il faut que tu lui parles, tu as des choses à lui dire ». Je m’approche donc et entame la conversation. Elle est là, devant moi, me dit qu’il faut être naturel, qu’elle n’est pas une icône. Bien d’accord ! Toutefois je la vouvoie, laissant une distance.

« Bravo pour ce que vous faîtes ! » Le compliment n’est pas feint, elle m’impressionne. Les terrains de guerre l’attirent, et elle en tire toujours des admirables papiers. Qui ose encore aller ‘s’exposer’ en Irak, en Afghanistan et en Tchétchénie ? Rares sont ces journalistes courageux, toujours curieux après plus de 20 ans de métier. <!--break-->

Beaucoup de journalistes restent ‘assis’ : le reportage de terrain, point trop n’en faut – ou alors il faut éviter de quitter les villes-, le reportage de guerre, il en faut encore moins. Le journalisme ‘assis’ est devenu une habitude des entreprises de presse. Plusieurs raisons à cela : les restrictions budgétaires qu’impose la crise de la presse quotidienne, et l’exigence d’économies de la part de groupes médiatiques possédant plusieurs supports ou d’entreprises aux reins moins solides s’alignant sur les pratiques de leurs puissants concurrents.

Le multi-cartes paie à court terme

La mode managériale est à la formation de ‘journalistes multi-cartes’, capables de transformer la matière emmagasinée de différentes manières. Les journalistes du XXIe siècle doivent jongler -quoi de plus normal- avec le son, l’image, l’écrit et la photo. L’Internet est le lieu idéal pour intégrer les papiers multimédias.

Il y a cependant deux risques : le premier est social, lié aux conditions de travail ; le second est journalistique, lié à la qualité de l’information délivrée. L’entreprise fait incontestablement des économies à court terme en promouvant le ‘journalisme multi-cartes’, mais est-ce vraiment rendre service à son business à long terme ? Si l’information est trop rapidement produite, digérée et déclinée sur plusieurs supports, il n’est pas certain que l’information soit celle que les citoyens attendent.

La désaffection pour la presse quotidienne vient peut-être de la baisse de crédibilité qu’ont directement engendrée des supports plus publicitaires qu’informatifs –les gratuits Direct matin, Direct soir, Métro ou encore Sport pour ne citer qu’eux. Réduire la qualité de l’information à court terme pour des besoins financiers, c’est réduire sa crédibilité auprès des citoyens. Certains dirigeants de presse le comprennent, tous les autres restent sourds à cette remise en question d’une politique commerciale et financière… financièrement efficace. La logique de compétitivité par la réduction des coûts vaut pour l’industrie manufacturière –alimentaire, automobile, aéronautique, etc.- mais vaut-elle pour la presse ?

Retour à Anne Nivat

La digression éloignant naturellement du sujet, revenons-en à Anne Nivat. Elle était devant moi, sa robe longue épousant sa svelte silhouette. Elle est la journaliste qui vient de rédiger Bagdad, zone rouge. Les cocktails et elle, ça fait deux, mais la sincérité et elle ne font qu’une. Elle a su rester indépendante, elle a par exemple su quitter Libération au bout d’un an. Libre, toujours en éveil, aux antipodes du journalisme actuel qui est assez routinier, reproducteur et trop ‘auto-censureur’. A force de ne vouloir décrire que les faits –facts, only facts- on perd la hauteur de vue permise par le travail d’analyse. Analyser c’est réfléchir, raisonner, soupeser, contredire, défaire, refaire, réfléchir encore et aboutir –toujours provisoirement.

Je n’érige pas Anne Nivat en contre-modèle, l’honnêteté intellectuelle voudrait même que je décortique son livre point par point. Mais je suis honnête : je n’en ai pas le temps. Anne Nivat garde en tout cas, plus de 20 ans après ses débuts, une fraîcheur du métier et la fraîcheur déontologique : passion, indépendance, amour des gens, naturel dans les relations avec les sujets de reportage, refus des pressions, précision des citations, détail des descriptions, autocritique, critique constructive. Elle ferait une excellente intervenante dans les écoles de journalisme. Appelez-là !

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