Ce matin, à peine un quart d'heure de métro parisien et 3 mendiants...
Je vois bien ce que cette courte phrase recèle de violent et de tragique. Dans le métro, bien assis et concentré sur la lecture de l'autobiographie du poète slameur Abd El Malik, je suis heurté à trois reprises par le discours poignant de personnes cherchant réconfort et argent pour tenter de vivre cette journée le plus dignement possible.
L'une tente de vendre des petits livres sur l'histoire du métro -"108 ans de richesse historique!" la conviction n'enrobe pas son discours, comment pourrait-il en être autrement? Le deuxième lit une lettre reçue récemment pour lui signifier qu'il ne pouvait bénéficier du statut de travailleur handicapé -ce qui n'aurait pas été la panacée lui aurait au moins apporté un peu d'argent tous les mois, régulièrement. Le troisième est un père de famille vivant seul avec sa fille de 16 ans : "Je n'ai pas de travail et je me résous à venir ici pour gagner un peu plus".
Des mendiants ? Au sens littéral oui, mais quand la mendicité révèle en fait la misère de notre "économie développée", on ne peut accepter ce mot. Ils sont d'abord des hommes et des femmes que l'économie et les structures publiques -voire la famille et la chance- ont laissé de côté.
Trois personnes dont il faudrait comprendre tout le parcours avant de pouvoir aller plus loin en analyses et hypothèses. Trois situations qui sont le signe d'un profond malaise social.
J'ai levé le nez bien sûr, mais je n'ai fait que sourire. Un peu d'humanité fait du bien, mais je n'ai donné ni argent, ni ticket resto, rien. Ma pensée et mon corps étaient gelés par la tristesse, accaparés par la crainte que ces trois personnes ne parviennent pas à vivre cette journée dignement.