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Billet de blog 20 décembre 2009

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Achats de Noël, Copenhague et pauvreté. Lier ce qui semble ne pas être lié

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il fait froid, les gens se pressent, Noël approche et les consommateurs butinent.

Le modèle consumériste occidental atteint en la période des fêtes de fin d'année son acmé. Dans ce sinistre développement des relations commerçants-consommateurs, les seconds sont toujours le dindon de la farce, surtout pendant les fêtes. Les prix sont libres depuis 1986, et forcément ça donne des idées à ceux qui vendent ; les marges enflent.

Mais passé le débat sur les prix, il y a un sujet plus sérieux encore : que font les consommateurs pour tenter de réduire l'impact environnemental et social de leurs achats ? Pas grand-chose si l'on en juge par l'affluence dans les rues, les magasins et les transports parisiens ce dimanche 20 décembre. Les boutiques étaient pleines, leurs portes grand ouvertes malgré le froid extérieur (4°C), les systèmes d'air chaud pulsé fonctionnaient dans un merveilleux non-sens écologique. Dans les magasins de fringues bon marché, les T-shirts et sweat shirts venaient toujours du Bangladesh, de Chine ou du Sri Lanka. Entre l'usine du monde, qui trime pour peu de sous, et le propriétaire final du bien, le titulaire de la marque et le distributeur molletonnent leurs marges.

Si je témoigne de l'affluence, c'est que j'en faisais partie. Oui, j'en faisais partie, et pourtant je me sentais comme en dehors de ce monde-là. Si je m'étais laissé faire, j'aurais presque ressenti une angoisse de ne pouvoir repartir avec des tonnes de pochettes et sacs sous le bras. Pourquoi cette once de culpabilité, bien idiote quand on y réfléchit? Parce que je crois avoir été légèrement travaillé, malgré moi, par l'idéologie du consumérisme, l'esprit du "toujours plus" et du "j'achète donc j'existe".

Mais comme beaucoup de monde je suis capable de prendre du recul. Comme beaucoup, je ne suis pas un consommateur-type, qui sort son chéquier ou sa carte à l'envi, mesure sa satisfaction au nombre des cadeaux offerts et se fait piéger par l'engouement du moment -la dernière console, le dernier écran de télé haute définition, le téléphone pluri-multi-fonctions. Comme beaucoup, je réfléchis avant d'acheter : est-ce utile? cela durera-t-il longtemps? comment cela a-t-il été fabriqué?

Pourtant, comme beaucoup, je vais dans les magasins le dernier dimanche avant Noël... Pour me rendre compte encore que tout ça me repousse. Je suis contradictoire.

Aujourd'hui je n'ai rien acheté. On peut faire plaisir autrement que par des achats. J'aime mes proches, mais je pense leur offrir ma présence. La vie et les idées sont authentiques, c'est déjà ça. Ce monde basé sur l'argent, l'économie et la recherche du confort le plus poussé, m'ennuie.

Je ne suis pas déprimé. Non, juste attristé par ce que le lèche-vitrines a d'indécent alors qu'un milliard d'hommes meurent de faim, que des pauvres sont contraints de dormir dans la rue, là, à Paris, à quelques mètres des trottoirs bondés, par quelques degrés -au-dessus de zéro le jour et en dessous la nuit-, alors que les dirigeants du monde n'ont pas réussi à s'entendre à Copenhague pour lutter efficacement contre le déréglement climatique, qui provoquera des dégâts pour les plus pauvres. Tout est lié, les achats de Noël, les conditions de travail dans les pays pudiquement appelés "en développement", les puissants systèmes d'air chaud pulsé et l'absence de consensus pour limiter les prochaines conséquences du dérèglement climatique.

On n'aime pas entendre des propos réalistes -ou pessimistes c'est selon-, car on ne sait pas agir collectivement pour contrer les effets pervers de notre système. C'est aussi pourquoi ce billet se termine ainsi, sur une impasse.

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