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Au nord de la Pologne, la lagune de Vistule et sa presqu’île sont séparées en deux par une frontière commune avec la Russie, que survolent librement les nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs de la région. Elle oblige pourtant les petits bateaux de pêche qui survivent encore tant bien que mal de leur activité à naviguer dans les eaux territoriales russes pour pouvoir accéder à la mer Baltique. Un territoire en déclin économique qui profite pourtant d’un soutien européen tant sa richesse naturelle est exceptionnelle et semble prometteuse pour le développement du tourisme.

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Le 15 février dernier, malgré la présence de militants écologistes, c’est dans cette zone que le parti conservateur Droit et Justice, au gouvernement depuis 2015, a fait abattre 25 hectares de forêts en à peine quelques jours, à grand renforts de forces de police.
Les Amis de la Terre et sept ONG de protection de l’environnement ont aussitôt dénoncé ce chantier dans une lettre adressée à la Commission Européenne le 27 février. « Malgré l’opposition du gouvernement local, des habitants et des nombreux militants sur place, le gouvernement régional à donné son feu vert à la construction d’un canal navigable traversant trois sites classés Natura 2000* » peut-on y lire.
Comme l’explique Maria Staniszewska, membre de l’ONG polonaise Polish Ecological Club, le voïvode de la région de Poméranie** (équivalent d’un gouverneur ndlr), qui a donné l’ordre d’abattre les arbres, « se défend en avançant que le projet permettra aux navires d’éviter les eaux russes, non sécurisées, et de développer l’économie navale de la région ».

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Des actions illégales aux implication environnementales catastrophiques
Comme l’alertent les militants écologistes mobilisés sur place et les signataires de cette lettre, si les travaux venaient à être autorisés, l’impact serait catastrophique pour cette zone. Car la lagune d’eau douce serait alors envahie par de l’eau de mer, ce qui bouleverserait complètement son écosystème. « C’est sans parler des activités de dragage et de la construction d’un port d’attente qui impacteront également l’écosystème de toute cette zone » peut-on lire. Il faut dire que parmi tous les oiseaux migrateurs qui viennent en Europe pour l'été, un quart se reproduisent en Pologne, en particulier dans la région des lacs.

Une telle atteinte à la faune et la flore n’empêche pourtant pas le projet d’être taxé d’illégalité à plusieurs niveaux, comme le précise Maria Staniszewska : le gouvernement n’a jamais finalisé l’étude d’impact dont nous avions pointé les insuffisances en décembre 2018, d’un point de vue légal, l’étude d’impact environnemental est inexistante et le projet est donc complètement illégal ». Comme l’ajoute Adrian Bebb, des Amis de la Terre Europe, « le chantier du canal est aussi illégal au niveau européen puisqu’il traverse trois zones Natura 2000 protégées par l’Europe, et pour lesquelles le gouvernement nationaliste Droit et Justice et les investisseurs n’ont pas obtenu d’autorisation d’exploitation ».
Un saccage écologique assumé sur fond d’escalade nationaliste
Les rapports entre le parti nationaliste au pouvoir et l’Europe sont tendues sur de nombreuses questions politiques, ce dernier ayant promis à ses électeurs de recouvrir sa souveraineté nationale. Une position qui semble se traduire par un jusqu’au boutisme et une stratégie de l’autruche avec la commission européenne.
Comme le rapporte le site web Warsaw Business Journal, le 20 décembre 2018, le rapporteur de la commission avait déjà envoyé une lettre au gouvernement Polonais dans laquelle il lui demandait de cesser tous travaux jusqu’à ce que les inquiétudes concernant la conformité de l’étude d’impact environnementale ne soient dissipées. Une mise en garde qui n’a pas empêché l’abatage de ces arbres. Une autre réunion avec le commission européenne s’est déroulée le Vendredi 1er mars pour discuter du problème expliquait Adrian Bebb à Reporterre, et d’ajouter : « les représentants du gouvernement Polonais ont simplement avancé qu’ils pensaient qu’il n’y aurait pas d’impact environnemental ».

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La commission européenne a réaffirmé vendredi dernier sa désapprobation ainsi que la nécessité d’arrêt des travaux dans l’attente de nouveaux éléments. Mais outre le suivi du dossier, aucune mesure concrète n’est sortie de cette réunion. Ainsi, seule l’étude d’impact environnemental de la commission environnement de l’UE pourra déterminer si oui ou non l’affaire devra être portée devant la cour de justice européenne.
Face à la décision de tripler l’abattage d’arbres dans la forêt de Bialowieza, dernière forêt primaire d’Europe, c’est cette même cour qui en 2018, avait fait reculer le gouvernement conservateur en le menaçant d’une astreinte d’au moins 100 000 euros par jour. Reste à savoir si les même causes auront les mêmes effets.
*Le réseau Natura 2000 rassemble des sites naturels ou semi-naturels de l'Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelles qu'ils contiennent (source Wikipédia)
** Région dans laquelle se trouve la lagune et la presqu’île de Vistule