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Billet de blog 26 févr. 2023

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Macron cherche-t-il à renverser la République ?

Cela en devient presque effrayant : le Président de la République use d'un cynisme gigantesque pour justifier sa réforme. Ses propos - loin d'apaiser la situation - nous entraînent-ils vers la fin de la République ?

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C'est le lieu où il faut être en cette fin février. Le salon de l'agriculture a ouvert ses portes cette semaine. Passage obligé pour tous les politiques voulant s'adresser, plaire au monde rural, à la France des campagnes ponctuellement méprisée et souvent ignorée. Dans le but de "renouer" avec les français, d'aller "au contact" de la population, le Président de la République s'est donc lui aussi rendu à cet événement afin d'améliorer  sa côte de popularité, au plus bas depuis trois ans. Ce moment, souvent consacré à la consommation des produits du terroir, à quelques verres d'alcool permet souvent aux politiques de compenser - c'est en tout cas ce qu'ils doivent s'imaginer - une absence de considération et de gestes envers cette population souvent abandonnée (manque de services publics, entreprises fermant les portes les unes après les autres, manque de soins médicaux etc). C'est aussi et assez souvent une occasion de voir des dérapages. Tout le monde garde en mémoire le célèbre "casse-toi pauvre con" de Nicolas Sarkozy (alors Président) à l'encontre d'un citoyen.
Si le fondateur d'En Marche! ne s'est pas donné à ce genre de bassesse, il a tout de même eu le droit à l'opposition d'un citoyen puis à une sortie pouvant pousser à une forte colère.

Tout d'abord, un militant écologiste est venu mettre en cause le politique quant à son manque d'action face au dérèglement climatique. La réponse d'Emmanuel Macron a été évidemment de renvoyer le militant à son refus du débat, à son "manque de cohérence". Celui-ci rappelait justement que rien n'était entrepris et que la Convention Citoyenne pour le Climat avait été gentiment étouffée et ses conclusions enterrées. Macron préfèrerait se faire "engueuler" comme il dit mais qu'il y ait un débat. Il aurait même pu parler de Grand Débat mais il n'est pas sûr que les français acceptent de se faire rejouer cette entourloupe, surtout venant de quelqu'un qui n'a pas fait de campagne électorale, se cachant opportunément derrière la guerre russo-ukrainienne. Peu importe tout cela, peu importe les militants écolos tirés par les cheveux, plaqués au sol.

C'est ensuite une autre phrase du Président qui m'a incité à écrire ce billet. C'est sans doute celle-ci qui attirera plus l'attention médiatique. En effet, tout le monde se fiche à court terme du péril climatique et s'intéresse plutôt à la crise sociale ambiante. Cela n'est pas injustifié mais on oublie trop souvent que les deux peuvent se relier. Bref, Emmanuel Macron a voulu défendre sa réforme des retraites  en étant toujours plus cynique. "Quand vous parlez à un éleveur qui ne sait pas ce que c'est un jour férié, qui ne sait pas ce que c'est un samedi ou un dimanche où il peut se reposer, il trouve ça juste. C'est une réforme de justice aussi pour ça". Après qu'un journaliste lui ait demandé si cela le rassurait il a embrayé : "Je n'ai pas besoin d'être rassuré, par ailleurs elle crée du mécontentement chez d'autres, ça fait plaisir à personne de travailler un peu plus longtemps. Donc je sais qu'il continuera à y avoir des contestations, je dis aussi que c'est un chemin qui rapproche les situations. C'est ce qu'il faut pour le pays. Voilà, donc moi je continue de convaincre et d'aller au contact".

Le président utilise démagogiquement le sort des éleveurs souvent abandonnés dont on connaît la situation difficile - de trop nombreux agriculteurs se suicident à cause de leur situation financière ou de leur isolement. Il compare deux choses incomparables. Le travail d'un agriculteur dans une année, sept jours sur sept, qui ne peut pas forcément s'arrêter de nourrir ses bêtes un jour férié. Il met cela dans la balance avec sa réforme des retraites, toujours impopulaire et qui concerne l'allongement du temps de travail dans la vie. La confédération paysanne a sûrement mal compris la réforme puisqu'ils appellent à des mobilisations de fait "injustes" si on écoute le Président. Le fait que les éleveurs aient des conditions de travail difficiles légitime donc le fait que les autres travaillent deux ans de plus. On a le droit en somme à "hey, vous allez pas refuser de travailler deux ans de plus, regardez les éleveurs ils travaillent beaucoup et ils ne se plaignent pas". Cette intervention est d'un cynisme révoltant et digne d'une tirade d'un café des commerces. Tout d'abord parce qu'il ne me semble pas que les éleveurs soient épargnés par cette réforme, ensuite parce qu'elle culpabilise toujours plus les français à travailler plus, enfin parce qu'elle méprise des métiers pénibles qui ne sauraient être exercés deux années supplémentaires. Rappelons que de nombreux français sont dans une situation de "ni ni" ni emploi, ni retraite.

Encore une fois, le Président essaye de diviser les français pour gagner. Il fait ainsi monter la tension dans le pays. Les opposants à la réforme seront d'autant plus remontés et ils éprouveront encore plus de ressentiment si la Réforme est adoptée.

J'en reviens donc à mon titre : Macron cherche-t-il à renverser la République ?

Cette question me semble pertinente. Macron est-il un révolutionnaire dans l'âme comme le prouverait son livre pour la campagne de 2017 ? Désire-t-il être renversé par un mouvement de masse, peut-être violent ? Après tout, n'avait-il pas déjà provoqué la crise des gilets jaunes ?
Macron cherche-t-il à faire élire le Rassemblement National (RN) en faisant monter sciemment la résignation, le ressentiment, le dégoût. Veut-il que les citoyens soient tant dégoûtés par leur impuissante opposition qu'ils se rabattent sur la peste brune afin de dégager (partiellement) ce néolibéralisme déconnecté de la réalité du pays ?

Il fait monter la colère, ignore les volontés du peuple, les craintes des citoyens. Il devrait "réparer le pays, avoir de la tendresse pour le pays" comme le dit si bien François Ruffin. Pourtant, il lui fait tellement de mal, mène une politique qu'il sait impopulaire, qui fait monter l'extrême droite. Il sait tout cela mais il s'en lave les mains. Il préfère donner la légion d'honneur à des milliardaires n'étant absolument pas exemplaires. Pour lui, ce qui se passera à la fin de son quinquennat ne le concerne d'ores et déjà plus.
Macron l'a expliqué : "En 2027 je ne serai pas candidat, je ne serai donc pas comptable de ce qui arrivera"

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