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Billet de blog 27 février 2022

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Faux aliments : en finir avec la fraude alimentaire

Nous mangeons toutes et tous du faux pour de vrai. En France, la fraude alimentaire est un tabou. Il y a de faux aliments comme il y a de fausses clopes. Ces faux aliments, issus de petits trafics ou de la grande criminalité organisée, pénètrent nos commerces, nos placards, nos estomacs dans l’opacité la plus totale.

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Manger du faux pour de vrai : les scandales de la fraude alimentaire © foodwatch

D’après la Répression des fraudes (DGCCRF), un poivre sur deux n’en est pas vraiment (parfois coupé avec du sable, de la craie), un poisson sur deux est non-conforme (mensonges sur l’étiquette, soucis d’hygiène ou allergènes non-mentionnés), 43% des miels présentent des défauts de composition, de qualité ou sont faussement étiquetés français. Certains n’ont même jamais vu l’ombre d’une ruche tant ils sont adultérés chimiquement. Des tomates made in France proviennent en réalité de serres espagnoles. De la piquette est cachée derrière des étiquettes de grands crus.

L’opacité : un mauvais choix politique

Aucun rayon n’y échappe et les quantités dépassent l’imagination. En 2021, l’opération conjointe d’Europol et d’INTERPOL a mené à des saisies records de plus de 15.000 tonnes d’aliments et boissons illicites et au démantèlement de 42 réseaux criminels. 
La France n’est pas épargnée par la fraude alimentaire mais celle-ci est savamment occultée par nos autorités. Impossible de savoir si vous avez consommé ces produits frauduleux, sous quelle marque, en quelle quantité, où et depuis quand. La Cour des comptes a pourtant allumé à plusieurs reprises le ministère de l’Agriculture et le ministère de l’Économie : « Quelle qu’en soit la justification, cette situation est anormale ». 
Car des pays comme l’Irlande, le Danemark, l’Italie, la République tchèque, la Grande-Bretagne, ont, eux, mis en place depuis le scandale de la viande de cheval des stratégies de lutte contre la fraude alimentaire et consacrent des moyens à la hauteur de l’enjeu, en jouant la carte de la transparence à l’égard des consommateurs. Cette transparence est dissuasive pour les candidats-fraudeurs, elle redore la confiance mal en point des consommateurs et valorise les producteurs qui travaillent dans les règles de l’art. Pourquoi en effet respecter les règles si ceux qui les enfreignent ne sont jamais épinglés publiquement ? 

Cela vaut la peine de frauder

Sur le terrain, les moyens dédiés aux contrôles en France se réduisent comme peau de chagrin depuis des années. La grande majorité des fraudeurs passe donc à travers les mailles du filet. Quant aux quelques fois où ils se font attraper, cela se règle souvent par la négociation de transactions sans aucune publicité et aux montants inconnus ; l’affaire va rarement jusqu’aux tribunaux, sanctions ultimes. Ainsi le bio qui n’en est pas se voit tout simplement requalifié en conventionnel et est donc commercialisé comme si de rien n’était. Le risque est faible : ça vaut la peine de frauder. 

Et les industriels dans tout cela ? 

Ils gèrent la question en catimini. Il y a quelques années de faux cubes bouillons de grande marque étaient fabriqués dans un atelier clandestin aux portes de Paris mais en avez-vous entendu parler ? Les industriels savent mais se gardent bien de faire remonter l’information aux instances de contrôle puisqu’ils n’y sont pas contraints. De même, les distributeurs, pourtant légalement responsables de ce qu’ils commercialisent, ne sont toujours pas obligés de vérifier que leurs produits ne sont pas frauduleux. 

Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir

Enfin, les lanceurs d’alerte en France ne disposent pas d’un canal efficace lorsqu’ils sont témoins de fraudes alimentaires. La Grande-Bretagne, l’Irlande, l’Écosse, le Danemark ou l’Italie ont mis en place des systèmes qui permettent d’alerter : lignes téléphoniques – hotline, plateforme Web et messagerie électronique. Rien de tel ici, pas d’équipe pluridisciplinaire pour recueillir le « renseignement » pourtant inestimable, de l’avis des experts européens.

Nous avons le droit de savoir ce qui se cache réellement dans nos assiettes

Face à l’ampleur des fraudes alimentaires, l’opacité de nos autorités françaises – qui sont, sinon complices, complaisantes avec les contrevenants - est insupportable. Elle fait planer un doute persistant à chaque fois que nous achetons un produit. Il devient urgent d’aller au-delà des discours d’intention.

Par Ingrid Kragl, directrice de l’information de foodwatch et auteure de « Manger du faux pour de vrai. Les scandales de la fraude alimentaire » (éd. Robert Laffont)

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