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Billet de blog 11 novembre 2008

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Cap sur le nord, guerre froide en arctique : Les appétits se dévoilent, le Canada se prépare à la bataille !

Avec la fonte des glaces et le réchauffement climatique, les prémices d’une nouvelle guerre froide se dessinent entre les pays riverains de l’Arctique. La région présente un ensemble d’enjeux majeurs : stratégiques, politiques, militaires, économiques, énergétiques, et environnementaux. Le Canada se prépare à la bataille.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec la fonte des glaces et le réchauffement climatique, les prémices d’une nouvelle guerre froide se dessinent entre les pays riverains de l’Arctique. La région présente un ensemble d’enjeux majeurs : stratégiques, politiques, militaires, économiques, énergétiques, et environnementaux. Le Canada se prépare à la bataille. Dès l’été 2008, et après le lancement réussi De son satellite RADARSAT-2, Ottawa pourrait surveiller l’espace arctique grâce au « Polar Epsilon » un projet du ministère de la défense, qui s’inscrit dans l’agenda du réarmement du pays et appuie la stratégie pour le nord « le Canada d’abord » Le gouvernement du Canada est entrain de mettre en place une politique militaire envers l’arctique. Il a prévu de construire dès cette année, six à huit navires de patrouille armés et un port en eau profonde, dans l’extrême nord, avec un investissement de sept milliards de dollars. L’arctique, espace stratégiqueDu temps de la guerre froide, l’arctique constituait une espace stratégique entre l’URSS et les USA. La voix la plus courte pour un missile ou une fusée balistique. Il est vrai que cette voix n’a jamais été empruntée mais son éventualité a justifié la mise en place par les grandes puissances des systèmes de surveillance militaire. Sous les glaces de l’arctique, les sous-marins nucléaires des deux camps ont pris l’habitude de naviguer. Et la surveillance nord américaine fédérée (USA- Canada) sous un commandement intégré le NORAD, a constitué depuis les années 1950 le bras droit de l’OTAN dans cette région.L’Arctique est une mer froide, gelée et entourée de terres. Peu peuplé (1,6 million d’habitants) mais qui pèse lourd dans la géopolitique mondiale. Zone internationale dont huit pays sont susceptibles de réclamer la souveraineté. La Russie dispose de la plus grande côte sur cette mer. Le Canada est le second avec une côte très découpée et avec une multitude d’îles. Les USA y sont grâce à l’Etat de l’Alaska, le Danemark, présent via le Groenland, puis la Norvège, la Finlande, l’Islande et le Suède.L’arctique est doté de ressources naturelles de fort potentiel pour l’économie mondiale. Avec le réchauffement climatique, le sous-sol de l’arctique, attise désormais les convoitises. Et ce depuis que le US Geological Survey, l’agence américaine spécialisée dans les hydrocarbures, a estimé à 25% la masse des ressources mondiales non exploitées de pétrole et de gaz se trouvant dans le cercle polaire arctique, en plus des ressources minières tel l'argent, le plomb, le zinc, l’or, le diamant et même l’uranium, et plus précisément à proximité de la dorsale de Lomonossov (Russie)Selon les scientifiques et les climatologues, au rythme actuel de la fonte de la banquise, le passage se libèrera progressivement du nord-ouest et du nord-est de l'Eurasie à l'Amérique d’ici 2040. Le passage des navires internationaux serait possible pendant les mois d’été. En 2065, les routes maritimes de l’océan Arctique, très peu empruntées à ce jour, seraient ouvertes huit mois par an. Le canal de Suez et le canal de Panama verraient décroître sensiblement leur trafic maritime. Face à cette évolution, les pays riverains de l’arctique se préparent à la bataille.Le statut juridique de l’arctiqueComme tous les océans, l'Arctique est régi par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982), non ratifiée par les USA. Le texte fixe à 200 milles nautiques (environ 360 km) la zone économique exclusive (ZEE) qu'un Etat côtier, Canada, Danemark (Groenland), Etats-Unis, Norvège, Russie, contrôle le long de son littoral. Si l'un d'eux revendique des fonds marins situés au-delà, il doit démontrer, profils géologiques à l'appui, que ces derniers sont une prolongation de son plateau continental. Autrement, le principe de liberté en haute mer s'applique. Le Canada soutient que les eaux de l'archipel arctique, y compris le Passage du Nord Ouest, font partie de ses eaux intérieures, mais la partie avec la Russie, les USA et les autres pays nordiques se jouera d’ici 2013 devant les experts de l’ONU sur la base de la Convention sur le droit de la mer. Une convention qui permet l’élargissement des droits d’exploitation d’un pays côtier au-delà de la limite habituelle établie. Les Etats-Unis soutiennent qu'il s'agit d'un détroit international, vision partagée au sein de l'Union européenne.Prospection, calcul et tensionEn pleine année polaire 2007/2008, et avec un agenda scientifique international exceptionnel, regroupant 60 pays, 50 000 chercheurs et une innovation, la participation des populations autochtones en tant qu’acteurs et non plus en tant que sujets de recherche. Les russes et les canadiens se sont livrés l’été dernier à un show médiatique. Orchestré par Artour Tchilingarov, vice-président de la Douma en personne et censé démontrer le rattachement naturel du Grand Nord à la Russie. Stephen Harper, le premier ministre du Canada, a réagit sur le coup, en se déplaçant dans le nord et annonçant un programme militaire dont le coût global atteindrait 7 milliards de dollars.Le 24 juillet 2007, le brise-glace nucléaire Rossia, suivi du navire Akademik Fedorov, a quitté Mourmansk, port russe de la mer de Barents, en direction du nord. Considérée par le Kremlin comme une haute priorité, cette mission est chargée de collecter des données étayant les revendications de Moscou sur le pôle et 1,2 million de kilomètres carrés dans les fonds marins. A 4260 mètres de profondeur, deux sous-marins ont plongé et planté un drapeau russe. Cette expédition inédite, lancée par le Kremlin, visait d’abord à prouver que Lomonossov, la chaîne de montagnes sous-marine de 1800 km qui traverse l’Arctique depuis le l'île d'Ellesmere (Canada) et le Groenland danois jusqu’à la Russie, est le prolongement du plateau continental russe. Le développement de l’Arctique russe est en pleine évolution, la ville de Mourmansk, avec ses 330 000 habitants d’où est parti l’expédition russe est la plus grande ville du monde située au nord du cercle polaire. Mourmansk est actuellement au coeur d’un boom pétrolier et gazier. Gazprom, l’empire russe de l’énergie, est en train d’y développer le plus grand champ gazier au monde, doté de réserves deux fois supérieures à celles dont disposerait le Canada. Le 26 juillet 2007, le brise-glace canadien Amundsenlevait l'ancre à son tour pour une mission arctique de quinze mois. Au programme, les changements climatiques et leur impact. Utile pour la science, certes, mais aussi «pour la souveraineté du Canada sur l'Arctique», que le Premier ministre conservateur, Stephen Harper, défend bec et ongles depuis son arrivée au pouvoir. Dans la foulée il annonce la construction de six à huit navires de patrouille qui seront déployés, d'ici à 2013, dans le Grand Nord, et celle d'un port en eau profonde. Coût global: 7 milliards de dollars, afin de soutenir les prérogatives du Canada, en particulier sur le passage du Nord-Ouest. Une manière de rappeler à Moscou mais aussi à Washington qu'Ottawa n'est pas un acteur de seconde zone. Logique puisque tous les prétendants propriétaires veulent y être « acteurs de première classe »Dans la course au monde polaire, Moscou dispose d’une longueur d’avance. Elle dispose de 17 bâtiments à l'aise en eaux polaires. A défaut de pouvoir contrôler toute la longueur de ses côtes, il s’agit pour Ottawa de faire acte de présence dans l’espace de ce qui risque de devenir une voie maritime internationale.Stephen Harper, qui s’est rendu dans le nord canadien une semaine après l’implantation du drapeau russe déclara «l’Arctique canadien est au coeur de notre identité nationale en tant que pays nordique. Il fait partie de notre histoire et il représente le potentiel immense de notre avenir. Défendre la souveraineté de notre pays, rien n'est plus essentiel que de protéger l'intégrité territoriale du Canada, soit nos frontières, notre espace aérien et nos eaux » A qui appartiendra l’arctique ; nations ou multinationales !De nombreux éléments semblent contribuer à nourrir une logique de conflit entre les principaux gouvernements de la région, le Canada, les États-Unis, le Danemark, la Russie et l’Union européenne.Le gouvernement Harper multiplie les gestes témoignant de sa volonté de s’engager à fond dans cette bataille. Le nord canadien est la patrie des Inuits et communautés autochtones appelées premières nations. Elles s’identifient à cette terre qu’ils ont occupée durant des milliers d’années. Administrée par trois gouvernements territoriaux au Yokon, les territoires du Nord-ouest et le Nunavut, La configuration des clivages permettant de distinguer les amis des rivaux est bien différente de ce à quoi sont habitués les Canadiens. Ainsi, dans bon nombre de dossiers liés à l’Arctique, c’est à l’intérieur du camp occidental, sur qui s’est historiquement aligné Ottawa, que se trouvent les principaux rivaux du Canada, comme les États-Unis, le Danemark et l’Union européenne. Washington conteste la souveraineté du Canada sur le passage du Nord-ouest qui relierait l’Atlantique au Pacifique.Ce contentieux n'est pas nouveau. Mais il prend aujourd'hui une importance particulière en raison de l'émergence de voies navigables, de la présence des hydrocarbures, du calendrier des négociations internationales; ainsi que des problèmes d'environnement affectant le toit du monde. Outre la Russie et le Canada, deux autres pays, la Norvège et le Danemark, entretiennent des réclamations territoriales.
Il y a l'île de Hans, que le Canada et le Danemark se disputent depuis plus de trente ans. Le conflit entre la Norvège et la Russie sur la délimitation de leurs frontières maritimes respectives en mer de Barents. Moscou revendique la dorsale Lomonossov depuis 2001. L’ONU réclame des preuves. A Washington, des voix s'élèvent pour que les Etats-Unis ratifient la convention de 1982, à défaut, ils n'auront pas leur mot à dire.
Tandis que la banquise fond, les tensions politiques montent dans l'Arctique. La course à l’armement se poursuit et cyniquement les grands de ce monde font l’impasse sur les conséquences écologiques de l’exploitation du monde polaire. Et au-delà de décrire le monde sous l’angle des drapeaux, à qui appartiendra dans le futur proche l’arctique ? aux multinationales et compagnies pétrolières !

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