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Billet de blog 11 novembre 2008

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Média et démocratie : La liberté de la presse est-elle menacée au Canada ?

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Qui détient les médias au Canada? Public, privé, quels enjeux ? Le système canadien d’information permet-il suffisamment d’avoir accès à une information diversifiée et pluraliste? Existe –il des inquiétudes au sein de la profession ? De quoi s’agit-il quant on évoque la concentration de la propriété et la concentration du contenu rédactionnel ? CBC/Radio Canada : un service de l’Etat, mais !CBC/ Radio Canada est le radiodiffuseur public national du Canada depuis 70 ans. Avec ses 29 services offerts sur des plateformes comme la radio, la télévision, Internet, la radio par satellite, l'audio numérique, elle est considéré comme l’une des plus grandes institutions culturelles du pays, CBC/Radio se veut une « alternative » aux chaînes privées. Elle diffuse en anglais, en français et dans huit langues autochtones, ainsi qu'en neuf langues dans sa radio international (RCI) et dans huit langues dans son service de radio Internet (RCI viva) qui s'adresse aux nouveaux arrivants et aux futurs immigrants au Canada. Radio Canada fait face à des défis multiples. On peut citer en premier son ``indépendance`` vis à vis du pouvoir politique. Qu’il s’agit du processus de nomination des membres de son conseil d’administration, où plus étonnant, le fait de constater que les gouverneurs généraux du Canada, nommés par les libéraux depuis 1984 aient en commun, d'avoir fait carrière à Radio-Canada ou CBC, il s’agit de Jeanne Sauvé, Roméo Leblanc, Adrienne Clarkson et l’actuelle gouverneur Générale Michaëlle Jean. Autre défi, la bataille de la concurrence à laquelle se livrent les chaînes de télévision, TVA, TQS, Radio Canada à Québec comme ailleurs. C’est qui se passe dans les journaux télévisés, les émissions d’information, documentaires et reportages. Les chaînes de télévision interrompent régulièrement leurs programmes pour passer des pages de publicité. Elles doivent être rentables à tout prix, souvent au détriment de la qualité de l’information.Les médias d’information sont soumis plus que jamais aux impératifs économiques de leurs actionnaires privés et publics. Cela se traduit par l’obligation de rapporter plus de recettes publicitaires, liés aux audiences, les plus élevées possible, pour générer des profits commerciaux. C’est dans ce contexte que se joue l’hyper concurrence, entre les stations de télévision qui sont en compétition directe pour attirer un public attrayant pour les annonceurs.Le privé : Qui détient les médias? Qui contrôle l’information ?Depuis les années 1960, la concentration de la presse écrite s'accentue au Canada. Dans le monde des médias, ce concept renvoie à une double dimension, la concentration de la propriété des médias et la concentration du contenu rédactionnel. Les uns après les autres, les journaux sont achetés par des grands groupes privés pour qui la presse ne représente souvent qu'un investissement parmi tant d'autres. Le taux de concentration de la propriété des médias Canada est l’un des plus élevés parmi les pays industrialisés. C’est ainsi que des congloméras tel que Hollinger, TorStar, Bell Globemedia, Can West Global, BCE et Quebecor contrôlent 70% des quotidiens du pays. Disposant aussi d’un large réseau de radio et télévision, qui décide du contenu des nouvelles livrées chaque jour aux canadiens.Seul, le groupe Hollinger détient directement ou par le biais de ses filiales Southam, Sterling ou Unimédia 58 des 105 quotidiens au Canada, soit plus de 42 % du tirage global.La récente acquisition du réseau de télévision CTV, par le géant des télécommunications BCE, offre un autre exemple de concentration. En effet ce groupe actif dans la distribution de signaux télévisuels par satellite devient propriétaire du plus important réseau privé de télévision au Canada.Au Québec, en se portant acquéreur du groupe Vidéotron, Quebecor devient propriétaire de TVA, le numéro un de la télévision, en plus de sa présence dans le secteur de la télédiffusion avec le réseau TQS. Quebecor, qui publie des quotidiens, des hebdomadaires, des magazines, est également présent dans les secteurs de l’imprimerie et de la distribution.

Au Canada anglais, le groupe Can West Global, qui gère le réseau TV Global, possède des grands quotidiens et trois stations de télévision dont BCTV dominant largement le marché de la télévision.« Manifeste pour une information de qualité »

Les grands groupes médiatiques misent sur une information commune pour l’ensemble de leurs plateformes de diffusion. Une convergence de plus en plus dominante ce qui a pour conséquence de centraliser la collecte, le traitement et la diffusion des informations. C’est ce qu’on appelle ici la concentration du contenu rédactionnel.Les régions canadiennes souffrent particulièrement de ce phénomène. Ainsi, les radios et les quotidiens régionaux sont submergés d’informations « réseau » auxquelles les communautés qu’elles sont supposées servir ne peuvent s’identifier. Un autre aspect de cette concentration est la réduction des effectifs des journalistes dans les rédactions et les bureaux de correspondants à l’étranger. La précarité s’installe dans la profession et les journalistes s’inquiètent de leur statut.« Les empires médiatiques qui pratiquent la convergence sont en train de faire disparaître la masse critique des journalistes qui sillonnaient nos communautés et le monde pour rapporter l’information vitale au plein épanouissement de notre démocratie » s’indignent les signataires d’un « manifeste pour une information de qualité » Ce manifeste, une initiative qui se veut citoyenne, a été lancé le 25 janvier dernier, récolte de plus en plus de signatures auprès du public canadien. Très critique envers la politique du CTRC, l’organisme chargé de réglementer les réseaux de radiodiffusion et de télécommunications du Canada. Les initiateurs du manifeste soulignent qu’ « en imposant un nouveau code d’indépendance journalistique, le CRTC vient encourager, voire accélérer, la fusion des salles de nouvelles d’un même propriétaire » L’absence dans ce code d’une condition exigeant l’autonomie des activités de collecte d’information est déplorable et périlleux pour l’exercice de la profession et la liberté de la presse.Intérêt public/intérêt privé :Les journalistes veulent briser le silence Ce code « d’indépendance journalistique » approuvé par le CRTC, a été initié par le « Conseil canadien des normes de la radiotélévision » un organisme privé crée par les patrons des médias et groupe de presse.Cette approbation fait réagir les syndicats des journalistes. Pour la fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), le CRTC « aurait du continuer à réguler lui-même l’indépendance entre les salles des nouvelles d’un même propriétaire » Pour la fédération nationale des communications (FNC- CSN) « il est insensé qu’un organisme dont les membres sont des propriétaires de médias privés canadiens définisse et régisse un élément déterminant de la démocratie, soit la diversité de l’information »La qualité de la vie démocratique est intimement liée à la qualité et à la diversité des voix en information. En interpellant les politiques, les journalistes canadiens demandent un arbitrage entre la logique commerciale et la logique démocratique. L'information doit privilégier l’intérêt public et non l’intérêt financier. Des voix s’élèvent dans le monde de la presse, de la culture et de la recherche universitaire pour défendre la démocratie et le pluralisme et tirer la sonnette d’alarme face au poids du pouvoir financier .Il est à noter que la politique actuelle du CRTC se concentre sur l’intérêt public dans les aspects culturels et économiques de la radiodiffusion, au détriment des nouvelles et de l’information. C’est un des facteurs qui expliquent laréduction, voir la disparition d’émissions d’information à la radio et à la télévision privés au Canada.Le problème n’est pas seulement la fiabilité d’une information, mais le rétrécissement des sources d’information. Difficile d’être sûr d’avoir tous les éléments nécessaires à une bonne perception du sujet. On peut traiter un sujet sous des angles multiples. Aucune source ne peut les couvrir tous. C’est là où se situe le risque de la concentration des médias ; la diminution de la diversité des points de vues et l’accès à la pluralité.Médias et démocratie ; un enjeu de société !Les journalistes canadiens entament une longue marche, en faveur de l'indépendance des médias des puissances financières et pour la défense des conditions d'exercice de leur métier. La FNC, syndicat représentant sept mille professionnels des médias et des industries culturelles et regroupe la majorité des journalistes syndiqués des grands médias écrits et électroniques au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, compte agir pour faire en sorte que cette bataille devienne un enjeu de société et de débat national dont les politiques devraient prendre part et assumer leur positionnement. C’est le début d’un grand défi auquel est confrontée la société canadienne.Pour la présidente du FNC Chantale Larouche, " beaucoup reste à faire sur ce terrain » Convaincue que tous ensemble, ils sauront agir pour préserver la mission fondamentale du journalisme. "Nous sommes capables de faire avancer cette cause, dans nos salles de rédaction, dans nos assemblées syndicales et auprès du public »

Face à l’exigence de plus de démocratie, plus de diversité et de pluralisme dans les médias, désormais, le débat est ouvert dans ce grand pays nord américain. Et si on reconnaît à l'État en général sa légitimité pour une intervention visant à réguler le secteur des médias, des désaccords se dévoilent quant aux formes que doit prendre cette intervention. Certains, affirment que les seules règles à appliquer sont celles régissant l'ensemble des secteurs de l'économie. D'autres, plaident pour des mesures spécifiques au domaine des médias.


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