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Billet de blog 30 avril 2020

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L’ECONOMIE DE MARCHE MONDIALISEE, SEULE RESPONSABLE DU COVID 19

Le COVID 19 serait-il responsable de la crise économique mondiale? Allons voir plutôt du côté d'un modèle économique s'auto-détruisant.

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Dès le 11 mai 2020, la France connaîtra un déconfinement progressif et territorialisé, nous a annoncé mardi 28 avril 2020, dans son intervention à l’Assemblée Nationale, Mr Edouard Philippe, chef de notre gouvernement.

Cette décision reposerait sur une Stratégie Nationale visant à Protéger, Tester, Isoler. 

Mais, parce qu’encore une fois, ce gouvernement ne nous dit pas tout avec autant de transparence qu’il ne s’en vante, la finalité, semble davantage être fondée sur les moyens mis œuvre pour une reprise économique rapide. 

Ne nous leurrons pas sur ses annonces, notamment autour de la reprise de l’école comme facteur de justice sociale. Il s’agit bien de remettre au travail les parents et confier à l’Education Nationale, la garde de leurs enfants. Comment honorer leur double mission de mise en place des gestes barrières et d’enseignement ? En imaginant le temps dévolu à la mise en place de normes d’hygiène et de protection, on se demande quel temps il restera aux activités scolaires.

Pour expliquer le retour au travail, Edouard Philippe a employé le mot « écroulement » face à la situation économique du pays. Enfants et parents devront alors activement participer à l’effort de guerre.

Il apparaît, dans le discours politique et médiatique que cet « effondrement », cette crise, trouverait son origine dans l’apparition de la pandémie liée au virus COVID 19.

NE PAS CONFONDRE SYMPTOMES ET ORIGINES

Le COVID 19 a effectivement plongé le monde entier dans un chaos : 220 000 morts à ce jour, des centres hospitaliers débordés, un chômage record, une famine en constante progression, y compris dans les pays dits « développés » etc.

Ce virus n’est pas une cause mais un symptôme : tout comme la fièvre est signe d’infection et l’infection est la conséquence d’une bactérie ou d’un virus.

Non, le COVID n’est pas la cause de cette dégringolade économique, il en est le révélateur.

A l’heure où la science peut modifier le cours la nature (humaine, environnementale…) pour répondre à des besoins (pathologies graves, assistance médicale à la procréation, modification génétique des organismes…), pensons-nous vraiment qu’elle puisse se faire mettre à l’amende par un virus ? 

On l’aura compris dans le discours du premier ministre, les scientifiques seraient, à demi-mot, les responsables de la pénurie de masques. Dans un premier temps, ils auraient préconisé un usage du masque uniquement pour les équipes soignantes sans diffusion à la population qui n’aurait sût en faire bon usage. Mais voilà que depuis quelques semaines, ils auraient indiqué que les masques complèteraient les « gestes barrières » devenant ainsi indispensables. Le gouvernement, axant son discours sur le recueil des « préconisations de terrain », se défendrait alors d’être le seul responsable dans ce défaut d’approvisionnement des masques. 

Je ne dis pas, par-là, qu’il faille prendre pour argent comptant chaque parole scientifique (ni se référer au seul discours médiatique polémique et anxiogène). J’enjoins chacun à toujours vérifier les enjeux économiques sous-jacents. Cependant, et dans le contexte, quand on observe nos voisins asiatiques, largement concernés par plusieurs épidémies, il est aisé de comprendre qu’un masque permet de se protéger et protéger autrui.

Ainsi, cessons de chercher des coupables quand ils ne sont que des agents. 

Notre système économique s’écroule seulement du fait d’un choix de modèle économique fragile, précaire et dysfonctionnant : l’économie de marché mondialisée.

L’ECONOMIE DE MARCHE MONDIALISEE : UN SYSTEME ECONOMIQUE FRAGILE ET PRECAIRE

L’économie de marché mondialisée, pour faire court, c’est lorsque seulement quelques personnes, quelques groupes, dans le but d’accroître leurs richesses, mettent au pas le fonctionnement des pays. 

Ceci passe par l’actionnariat (le fait de posséder des parts de sociétés afin d’en obtenir une rémunération croissante, les dividendes). Pour augmenter leurs rentes, les actionnaires contraignent les entreprises à réaliser des choix stratégiques en vue de « booster » les bénéfices. Afin de  développer et surtout honorer les exigences des actionnaires, les entreprises vont limiter les charges (personnel, fonctionnement, matières premières, distribution) pour augmenter les recettes. Pour se faire, et parce qu’elles sont les raisons d’être du Produit Intérieur Brut d’un pays, indicateur de la production de richesses donc de croissance économique, les entreprises, à leur tour, développeront des arguments pour faire pression sur les gouvernements. Il s’agit pour elles de faciliter leur exercice (fiscalité, législation du travail et du commerce entre autres).

Ce modèle repose également sur la spécialisation, à partir des ressources locales, rendant les pays interdépendants : certains développent l’agriculture, d’autres l’industrie automobile, d’autres encore l’industrie textile etc. Pour que les pays puissent commercer, chacun possède des arguments qui sont autant de pressions, les embargos par exemple.

Ainsi, dans la perspective de se développer économiquement, chaque pays dépend des autres et c’est là où le bât blesse : cette interdépendance accentue les inégalités liées aux ressources des pays. Il y aurait donc des Pays Développés et des Pays en Voie de Développement. Bien que la terminologie soit obsolète pour la Banque Mondiale (1) , il n’en reste pas moins que les pays ne sont pas égaux en termes de croissance économique : il y a donc les pilleurs et les pillés. 

Grâce au COVID 19, nous voyons, effectivement, que la terminologie n’est plus adaptée puisque même un pays « riche » peut s’écrouler quand il ne possède plus ses propres moyens d’autonomie. 

On a pu le constater, ces dernières semaines, à travers le scandale de la pénurie de masques : le manque d’approvisionnement est certes lié, prioritairement, à un souci d’économie d’investissement de notre ministère de la santé mais également, parce que nos derniers gouvernements ont délibérément choisi d’en délocaliser ou d’en cesser définitivement la production (comme ce fut le cas pour l’usine de Plaintel, plus gros producteur européen jusqu’en 2018, à la suite du désengagement des gouvernements français (2) ). Tels des chiffonniers, lorsque les masques furent indispensables pour protéger les populations, les pays se les sont arraché. Ce sont évidemment les plus riches qui en ont obtenus le plus.

Force est de constater que l’équilibre d’un modèle économique fondé sur la mondialisation est précaire : lorsqu’un élément vient en perturber le fonctionnement, alors chaque pays s’effondre. 

Pour le consommateur, la mondialisation lui permet d’accéder à une forme de consommation « démocratisée ». Le français pourra manger des tomates en plein mois de décembre (malgré le fait qu'il ne possède pas le climat de saison propice à ce genre de culture), l’ouvrier pourra s’offrir un smartphone et pourra voyager low coast. Ceci est dû à une concurrence accrue entre les entreprises. Pour que cette concurrence serve les caprices des consommateurs, les entreprises utilisent différents leviers : les coûts de production (travailleurs, matières premières, frais structurels…), les coûts de distribution (transports…). 

Aussi, lorsque le français savoure sa salade tomates mozarella le 23 décembre, s’achète un smartphone ou part en voyage à l’autre bout de la planète pour quelques centaines d’euros, il aura non seulement participé à une agriculture intensive utilisant des pesticides, incité le transport polluant et, sûrement, collaboré avec des entreprises proposant des conditions de travail délétères (le travail des enfants par exemple).

LA MONDIALISATION A L’ORIGINE DE LA CRISE MONDIALE SANITAIRE

Revenons donc à cette poignée de personnes qui tirent les ficelles de l’économie mondiale. Pour asseoir leur hégémonie financière, la maîtrise de la nature et de l’homme est nécessaire. Pourtant, voyons de plus près l’hypothétique origine de la pandémie mondiale liée au COVID 19.

Les virus ont toujours existé. Sauf à l’occasion de quelques épidémies historiques, il nous a toujours été possible de les maîtriser grâce aux recherches scientifiques permettant l’élaboration de vaccins et de traitements.

Certains animaux, comme les chauves-souris ou les pangolins sont des « hôtes » pour ces virus, constituant des « réservoirs de virus » (3) , c’est-à-dire qu’ils les transportent. Ces animaux évoluent dans des milieux naturels : grottes, arbres, forêts tropicales, des savanes etc. Là où, normalement, l’homme ne se trouve pas. 

Sauf que, depuis l’apparition de l’économie de marché mondialisée, telle que nous la connaissons aujourd’hui, soit depuis le milieu du XXème siècle (4) , l’homme empiète considérablement sur la nature pour étendre ses activités. Il déforeste, utilise des produits chimiques pour optimiser son agriculture, rejette dans l’air ou dépose dans et sous la terre des produits toxiques pour assurer ses transports ou alimenter son industrie. 

Si la terre existe depuis 4,543 milliards d’années, qu’elle a connu les dinosaures puis accueilli les hommes, nous pouvons penser qu’elle possède encore quelques ressources, malgré toutes celles qu’on lui a ôtées, pour récupérer ses droits. Ainsi, dans un effet de ricochet, si l’homme pense pouvoir la maîtriser, la planète, elle, trouvera les moyens de continuer à exister. Aussi, lorsque l’homme déforeste et braconne, il ne peut que recueillir les conséquences de ses actes : les animaux, privés de leur espace de vie, tenteront d’en trouver de nouveaux parmi ceux des hommes. Les chauves-souris gagneront les villes pour s’abriter, les pangolins braconnés déposeront chez l’homme les virus transportés etc.

En tuant ces espèces puis en les consommant, l’homme invite alors de nombreuses maladies : le principe de l’arroseur arrosé. 

Aujourd’hui, le COVID 19, ayant fait 220 000 décès dans le monde (5) (ces chiffres ne concernent pas les décès collatéraux liées aux pénuries de soins dans les autres services hospitaliers) n’a pas plus tué que le Choléra (plusieurs millions de personnes par an), la grippe espagnole (entre 50 et 100 millions de personnes entre 1918 et 1919), le VIH (à ce jour plus de 36 millions de morts) (6) ou encore la grippe saisonnière qui provoquerait 650 000 décès par an (selon l'OMS).

Sa sur-médiatisation a simplement cristallisé les effets du libéralisme économique : un système économique ne peut reposer sur l’interdépendance entre les pays.

Le développement économique est intrinsèquement lié au développement social (moyens d’existences et accès à l’éducation), scientifique, industriel, agricole et culturel de chaque pays. Ces piliers apparaissent alors comme des indicateurs de richesses bien plus durables que le cours de la bourse.

A L’AUBE DE 2022, QUEL PROJET DE SOCIETE ?

Comment peut-on penser aujourd’hui à une reprise économique fondée sur une structure branlante ?

A l’aube de 2022, face aux constats qui sautent aux yeux de tout le monde depuis que ce confinement nous permet de prendre le temps de s’informer (et surtout vérifier nos informations), comment pouvons-nous accepter de pérenniser un modèle économique qui dégrade l’équilibre de la nature et asservit les populations en accentuant les inégalités sociales ?

Cette reprise économique, si chère à notre gouvernement, ne provient pas d’un élan philanthrope. Voyons nos gouvernants plutôt comme des « placements de produits » au cinéma, des agents économiques. Il s’agit donc pour eux, aujourd’hui, de rassurer ceux qui détiennent les capitaux afin de tisser des plans de carrière personnelle. 

A l’instar de Nicolas Sarkozy qui n’a eu de cesse, durant son mandat, de réformer au service de l’entreprenariat. Aujourd’hui, il possède des mandats d’administrateurs dans le groupe Lucien Barrière (Accor Hotels entre autres) présent au CAC 40 (7) .

N’oublions pas non plus que notre Chef d’Etat provient du monde de la banque d’affaires donc de la spéculation boursière. Et, si on le nomme le « Mozart de la finance » (8) on se doute aisément que son objectif n’est pas la justice sociale. Il s’agit pour lui de posséder le pouvoir lui permettant de placer ses pions et créer l’espace de jeu de ses partenaires.

A l’aube de 2022, et si nous souhaitons, comme nous exhorte notre premier ministre, faire preuve de « civisme et de responsabilité individuelle et collective », PROTEGEONS les intérêts du plus grand nombre, TESTONS un nouveau système économique, ISOLONS toutes les initiatives qui ne recherchent pas l’intérêt général.

Nous l’aurons compris, l’interdépendance économique entre les pays ne peut plus être la seule composante d’un système économique, car, lorsqu’elle ne peut être opérationnelle, anéantie la croissance de chacun des pays. Nous ne pouvons pas non plus rechercher une auto-suffisance nationale, terreau d’un discours extrémiste. Il nous faudra toujours rechercher des ressources qu’on ne possède pas et transmettre les nôtres.

L’interdépendance ne peut être comprise, donc, que sous l’angle social : les actions des uns ont un impact sur l’autre. D’ailleurs, aujourd’hui, nous percevons que si nous souhaitons être en bonne santé, nos seules initiatives sont incomplètes. Nous dépendons donc d’autrui qui, selon ses comportements, pourra nous rendre malade ou nous protéger.

L’interdépendance sociale devrait nous éclairer sur l’impact de l’homme sur la nature. Car c’est bien grâce à elle que nous pouvons exister en respirant et en mangeant, être ainsi en bonne santé.

Peut-être alors éluderions-nous l’architecture d’un projet de société fondé sur des valeurs communes durables au service d’un Vivre-Ensemble (vivre avec la nature aussi bien qu’avec les différents êtres humains) plutôt que sur des croyances précaires et subjectives ?

SOURCES

1- Le Figaro Economie « La Banque mondiale ne parlera plus des « pays en développement » » 20/05/2016

2- France Inter « Comment la France a sacrifié sa principale usine de masques"3/04/2020

3- Institut Pasteur « Maladie COVID-19 (Nouveau Coronavirus) 28/04/2020

4- Cairn « Néo Libéralisme et « économie sociale de marché : les origines intellectuelles de la politique européenne de concurrence (1930-1950) - François Denord – 01/01/2020

5- Alerte Covid-19

6- Passeport Santé « Les pires épidémies que le monde ait connues » source OMS

7- Capital « Nicolas Sarkozy prolongé chez Accor » 01/05/2019

8- Nouvel Obs -Rue 89 « Au fait il faisait quoi chez Rothschild, Emmanuel Macron ? » 21/11/2016asques » 3/04/2020

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