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Billet de blog 26 décembre 2016

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L'expo Milano 2015 vu par un Français du monde

Article publié en Septembre 2015

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Roland Poupon est ingénieur agronome (ENSIA - Agro Paris Tech) et docteur en géographie (Université Toulouse II – Le Mirail). Après avoir été le premier expatrié français en Asie d'un grand groupe français de distribution, il est aujourd'hui consultant international dans les filières agricoles et alimentaires. Français du Monde, il nous parle ici de sa visite à Expo Milano 2015. 

Exposition universelle, cela sonne un peu comme un grand dossier de l’illustration, une vielle France au-delà des mers. En l’occurrence c’est au-delà des Alpes, tout à fait actuel, de mai à octobre à Milan sur une thématique agricole et alimentaire. Consultant en la matière, je me suis senti comme une obligation professionnelle de la visiter, pour rester dans l’air du temps, veiller sur les tendances du moment. Je voulais voir comment les pays d’Asie du sud-est présentaient leur paysannerie et leur cuisine voire, on peut rêver, comment ces pays prennent en compte les enjeux ou difficultés de l’heure : la pauvreté et l’exode rural, la faim, la durabilité etc…

Arrivé sur site, c’est comme on le sent, on aime ou pas, on trouve tant de choses que forcément il y a matière à s’émerveiller ou à s’irriter. A observer les sourires béats d’un enfant ou d’un senior devant une pièce d’artisanat d’Iran ou du Vietnam, la bonne humeur est contagieuse, mais c’est à se questionner si tout le monde vit à l’heure de la globalisation, d’internet et des vols low cost.  

Qu’importe ! La foule est bon enfant, je me suis laissé aller, emporté par l’atmosphère. C’est vrai, les exposants se donnent du mal à présenter leur pays sous le meilleur jour. Les pavillons nationaux tentent et parviennent à mélanger modernité et tradition tant pour l’architecture que pour le vif du sujet, à savoir l’alimentation du XXI siècle. L’air est à la fête avec des couleurs à foison; des musiques, traditionnelle, classique, électronique, aptes à satisfaire tous les goûts, confèrent un fond sonore varié et une explosion d’odeurs plus alléchantes les unes que les autres au travers des restaurants ou estaminets du monde entier contribuent à parachever l’ambiance festive. Mais que de monde, de files d’attente, et il fait chaud, très chaud….

Et que de lieux communs, de déjà vu ou de portes ouvertes enfoncées. Bon, on trouve matière pour jouer à notre sport national de râler mais il y en a pour les yeux, le nez et les oreilles, et le cerveau. 

© Roland Poupon

L’expo de Milan atteint ses objectifs. C’est un succès populaire, avec des centaines de milliers de visiteurs, sans doute des millions sur les six mois, avec de plus quelques succès politiques économiques et diplomatique. Cette fin de mois, il y a les rencontres : Union européennes - ASEAN, permettant tant aux officiels qu’aux hommes d’affaires de nouer des relations. Loin de l’image d’Épinal des expositions vitrine de l’innovation ou de la colonisation telle que l’on s’imagine celles du XIX siècle, celle de Milan a pour objet de lancer des dynamiques tant pour la Lombardie que pour le monde et sa sécurité alimentaire. 

© Roland Poupon

Les pavillons d’Asie du sud-est continentale, entre Birmanie et Vietnam se sont donnés comme trait d’union la culture du riz, comme en opposition à l’Asie du Sud-est Insulaire (et péninsulaire). Si Singapour ou les Philippines n’avaient pas de pavillon, la Malaisie, l’Indonésie ou Brunei ne focalisaient guère sur cette thématique rizicole, Timor Leste s’est même rangé, non sans légitimité, au sein du groupe des pays liés au café cacao.  

© Roland Poupon

© Roland Poupon 

© Roland Poupon

Manifestement les « petits pays » Birmanie, Cambodge, Laos, Timor, se sont vus offrir des pavillons standards clé en main, alors que les « grands » ont investi dans des bâtiments personnalisés; celui de l’Indonésie étant particulièrement excentré, rangé parmi les pays musulmans.

Mais l’aménagement de tous les pavillons n’était guère sensationnel et pour le moins convenu, guère explicite sur leur politique alimentaire, bien plus attachés à cultiver leur image convenue que présenter une thématique nationale bien construite.

La Malaisie faisant sans doute exception avec une analyse en 4 compartiments de la forêt primaire, à la culture de l’hévéa puis celle du palmier huile avant d’arriver et conclure vers les nouvelles technologies et la mode. 

© Roland Poupon

Les autres sont restés sur la culture du riz (la pêche en Indonésie) et le tourisme nourrir le monde et attirer les visiteurs vers Angkor ou le lac Inlé voire Bali, sans oublier quelque touches politiques avec un portrait du dirigeant ça et là.

En observant plus attentivement, on a pu voir une apparition de nourritures alternatives comme les indications géographiques protégées, style AOC ou Label rouge de chez nous, du café de Doi Tung en Thailande (qui n’avait pas omis de coller une épicerie à son pavillon), au poivre de Kâmpôt du Cambodge, mais cette agriculture durable n’était guère au centre des présentations, pas franchement absente mais comme aux marges du discours. 

© Roland Poupon

© Roland Poupon

© Roland Poupon

Il est vrai que le ton général de l’expo est à la durabilité, mais pour ce qui est de l’Asie du sud-est, pas de message explicite pour évoquer l’usage abusif d’intrants tant en aquaculture que dans l’élevage ou l’agriculture, le recours à de la main d’œuvre exploitée voire asservie dans l’industrie ou la pêche ou la déforestation et l’épuisement des ressource halieutiques par une agriculture prédatrice sans parler d’une riziculture génératrice de méthane second facteur identifié comme responsable du réchauffement climatique d’origine humaine .

Difficile de savoir si ces présentations nationales ignorant ces faits sont une bonne chose, comme quoi ces pays ont compris qu’il fallait remédier à ces travers, ou au contraire une preuve d’aveuglement face à ces mauvaises pratiques.  

© Roland Poupon

© Roland Poupon

© Roland Poupon

Au demeurant, l’ambiguïté de l’exposition est générale,  entre fast food et slow food, universalité et nationalisme. Cette diversité, somme toute révélatrice des points de vue sur l’agriculture d’aujourd’hui.

Mais il faut dire qu’il n’est pas aisé de mettre en avant une vision contestataire au milieu de pavillons officiels financés par des états et sponsorisée largement par le régional de l’étape l’entreprise multinationale Ferrero, plus connu sous le nom de sa principale marque Nutella.

Pour ma part ce n’est pas chez Ferrero ou parmi les pavillons sud-est asiatique que j’ai passé le meilleurs moment de ma visite mais au pavillon lombard avec un petit verre de vin de Franciacorta…….

Si vous passez par Milan, il vous reste un mois… 

© Roland Poupon

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