A l’occasion de son passage à l’émission Cuntrastu, Jean Zuccarelli a annoncé qu’une liste de la « Gauche républicaine » sera présente en décembre prochain à l’élection de l’Assemblée de Corse. On peut se réjouir de savoir qu’une liste va défendre des idées qui visent à maintenir la Corse au sein de la République, sans ces exceptions qui lui donnent une place de plus en plus marginale au sein de celle-ci.
Mais on ne peut masquer les craintes que suscite la confusion dans laquelle baigne l’île du point de vue politique. On l’a bien vu à Cuntrastu, et certains lecteurs de France-Corse l’ont relevé : en participant pendant cinq années à l’exécutif, Jean Zuccarelli a été nécessairement associé à tout ce que celui-ci a proposé y compris, donc, le pire : « coofficialité », « statut de résident » et, dans une moindre mesure, PADDUC. Comme un ministre, un conseiller exécutif est solidaire de ce que le « gouvernement » auquel il appartient propose ; il ne peut s’en démarquer et doit, selon le mot célèbre de Jean-Pierre Chevènement, fermer sa gueule ou démissionner.
Certes, J. Zuccarelli a manifesté, parfois, son soutien au groupe dont il est issu. Mais il n’a jamais été en mesure, coincé qu’il était à l’exécutif, de prendre résolument la tête des opposants aux dérives crypto-nationalistes orchestrées par Paul Giacobbi. Et il a dû laisser les trois élues du groupe ferrailler seules, avec essentiellement pour armes leurs convictions, après que François Tatti a été écarté de la présidence de celui-ci, suite à l’alliance baroque passée à Bastia pour sortir les sortants (sauf lui évidemment).
Au final, on ne peut pas ne pas constater l’affaiblissement du camp républicain déserté par nombre de ceux qui s’en réclamaient en 2010. On a parlé de la défection de F. Tatti, dont les convictions républicaines ont un peu pâli depuis son aventure bastiaise, mais que devient Paul-Marie Bartoli qui ne manquait jamais, autrefois, de clamer ses convictions avec une faconde vigoureuse ? Et comment interpréter, à l’occasion du vote sur l’adresse au gouvernement incluant la demande d’amnistie, l’alignement de l’ensemble de la droite sur Paul Giacobbi (quelle ironie au moment où la plupart prétendent être « Les Républicains » !) ? La résistance de J. Zucarelli n’en est que plus méritoire. Et avec l’annonce de sa liste, il devrait pouvoir désormais affirmer plus fermement ses positions.
Mais, disons-le clairement : il y a péril en la demeure. Non pas que l’idéal républicain ait disparu en Corse. Mais parce qu’il ne trouve plus guère à s’incarner dans des élus de premier ou de second plan. Or on sait que, dans l’île plus que presque partout ailleurs, l’élu attire l’électeur autant qu’il est porté par lui. Les plus belles idées, les analyses les plus brillantes, les projets les plus réalistes ne recueillent qu’un succès d’estime, quand il suffit à un élu local, plus apte à gérer son électorat que les affaires de l’institution qu’il dirige ou représente, de figurer sur une liste pour y attirer les quelques centaines de voix qui font les petits ruisseaux dont se gonflent les grandes rivières.
Dès lors, il semble assez vain de chercher à constituer une liste par de simples tractations classiques en piochant dans un camp : celui de la gauche ou celui de la droite. L’heure n’est plus aux clivages nationaux ; elle est plutôt au rassemblement de tous ceux qui ont en commun un refus ferme et définitif de toute dérive aventureuse, et une volonté de maintenir la Corse au sein de la République comme une collectivité à part entière. Seul l’appel au peuple républicain – qu’il soit de gauche ou qu’il soit de droite – peut créer une dynamique : pourquoi pas sous la forme d’Assises ou d’Etats généraux ?
Le chemin qu’il faut aujourd’hui emprunter est celui que les nationalistes ont pris il y a plusieurs décennies : celui de la conviction sans considérations électoralistes, de la défense d’idées claires et d’arguments tranchants. Il est plus que temps de poser les véritables enjeux, ceux du devenir de la Corse : dans la République ou hors de la République… En mettant enfin en avant – ce qui n’a quasiment jamais été fait jusqu’ici, favorisant ainsi les mensonges et omissions nationalistes – l’intérêt que les Corses ont à ce que leur île reste ce qu’elle est – une collectivité territoriale de la République française – et le danger que les dérives actuelles portent en elles… Avec des chiffres et des comparaisons internationales (Sardaigne, Sicile, Malte …) propres à éclairer le peuple de Corse sur la réalité de la situation de notre île, trop souvent peinte en noir et trop souvent dénigrée.
On pourra alors espérer que certains élus cesseront de se laisser aller vers ce qui leur paraît un avenir tout écrit par un vent de l’histoire (celui d’une Corse toujours moins française) dont l’expérience a prouvé, maintes fois, qu’il change souvent de sens, et qu’un sursaut les convaincra de se ressaisir enfin.
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