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Billet de blog 18 septembre 2014

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Corse - France - Ecosse : un questionnement biaisé

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Nous sommes à la veille du résultat du référendum écossais, moment important, historique même –nous en convenons sans ambages- pour le devenir du Royaume-Uni, suivant que l’Ecosse reste au sein de l’union Jack scellée en 1707 ou qu’elle s’en sépare, « prenant son indépendance » et rompant ainsi avec 300 ans de vie commune au sein d’un même Etat-nation... car c’est bien, dans cette dernière éventualité, de cela qu’il s’agit pour ceux qui considèrent que l’ethnicisme culturel  et les réminiscences historiques sont les seuls et vrais critères opposables au sentiment et à la réalité d’unité nationale qui s’est imposée avec le temps et qui repose sur la volonté du « vivre ensemble » (better together disent les partisans du no) .

Les limites d’un comparatisme analogique

A propos des poussées identitaires qu’ont connues et que connaîtront encore les Etats-nations, voire les Empires, comme ce fut le cas de l’empire austro-hongrois au lendemain de la Grande Guerre avec la vogue wilsonienne du mouvement des nationalités, ou encore la Russie au lendemain de la chute du mur de Berlin, il convient de se défier de généralisations hâtives et de comparaisons purement analogiques qui sont porteuses d’interprétations erronées et/ou d’instrumentalisations grossières.

Quoi de commun entre la Corse et l’Ecosse ou d’autres « pays » traversés par des courants indépendantistes  qui entendent agir au « nom des peuples sans Etat » ? Ce qui peut réussir au sein du Royaume-Uni dont se détacherait une Ecosse liée à l’Angleterre par un pacte d’union et partie prenante du même ensemble que l’Irlande et le Pays de Galles, n’a aucune chance de « gagner » à l’échelle d’un ancien département français  érigé en région : leurs passés respectifs, leur dimension et leur statut , leur démographie, leur économie n’ont rien de commun  et s’avancer en profondeur sur ce terrain pour en faire la démonstration nous paraît parfaitement inutile tant tout cela saute aux yeux.

Ce qui est concevable  pour l’Ecosse, ancien royaume ayant entretenu des relations privilégiées mais parfois difficiles avec l’Angleterre et mené contre elle des combats d’égal à égal parfois victorieux,  n’a pas son équivalent dans la France républicaine née en tant que nation en 1789 et confirmée l’année suivante au champ de Mars à Paris  lors de la fête de la Fédération (que nous commémorons chaque année le 14 juillet  ). Edinburg  a des allures de capitale et non de simple chef-lieu de province, Glasgow est un pôle économique qui vit de son activité essentiellement industrielle et non  pas des subsides de l’Etat ; les Ecossais (5 millions d’habitants, il n’est pas inutile de le rappeler) ont leurs élus au  parlement de Westminster,  mais ils ont aussi leur propre parlement, un exécutif, leurs  ministres  et une large autonomie.

L’Ecosse a des richesses qui ne la rendent pas strictement dépendante de l’Angleterre. Elle peut avoir la  prétention de  voler de ses propres ailes,  encore que  ce potentiel ait ses limites  et que la rupture de ce « mariage de raison », pose des problèmes  en matière  de monnaie (livre sterling ou euro ?), d’activité bancaire et d’appartenance à l’UE : pour des raisons essentiellement, mais pas exclusivement, d’ordre économique, pour  des questions d’intérêt plus que d’idéologie, une  rupture totale est difficilement envisageable entre ces deux entités qui, il est vrai, ne sont pas à parité, l’Angleterre faisant encore figure de puissance dominante et bénéficiaire d’un échange inégal. Reste que ce sont là des éléments spécifiques  globalement peu transposables ailleurs.

Simeoni, Angelini et  Alfonsi revêtent le kilt et arborent la cornemuse !

D’aucuns pourtant  - et c’est plus  particulièrement le cas des nationalistes corses dits modérés dont nous voulons parler - avec le relais habituel d’une presse locale complaisante, nous rebattent les oreilles avec le modèle écossais... l’exemple à encourager et à suivre et ils  font de l’événement leur cheval de bataille. Les voilà comme dirait le Général qui sautent comme des cabris aux  cris d’  «Ecosse ! Ecosse ! Ecosse ! » et qu’ils y voient une occasion de poser « la question corse » (si question il y a !) « à l’échelle internationale » et en premier lieu au parlement européen qui a  pourtant bien d’autres préoccupations plus pressantes que de se saisir des rêves fumeux et passéistes  de l’Alliance des Peuples Libres d’Europe, dont est membre le Parti National Corse (Femu a Corsica) et à la présidence duquel François Alfonsi a trouvé un strapontin après sa non-reconduction comme député à Bruxelles.

Amusons-nous du spectacle des membres de la délégation du PNC en kilt et cornemuse en bandoulière qui a fait le voyage à Edinburg pour apporter son soutien au Yes et au « peuple écossais ». Ils ont été présentés et comme intronisés par l’assemblée de Corse pour accomplir cette mission qui ne va pas sans rappeler l’initiative saugrenue du président  Bucchini de recevoir en grande pompe dans l’’enceinte du Cours Grandval  une délégation d’indépendantistes kurdes, comme signe de message subliminaire de solidarité entre minorités ethniques « opprimées »  de Turquie et de France.

Même Paul Giacobbi, il est vrai avec plus de retenue et de finesse, tire parti de la poussée identitaire écossaise pour justifier son programme  d’inscription de la Corse dans la constitution et le statut de résident dont il est le père concepteur : « Attention, clame notre candidat déclaré à sa propre succession  à ceux qui nous dirigent, si vous ne me suivez pas, vous encourez le risque pour la Corse  d’une situation à l’écossaise ! On aura tout entendu de la bouche  d’un dirigeant qui tient par ailleurs à affirmer son appartenance à la famille républicaine des radicaux de gauche !

Vérité en deçà erreur au delà

Ca et là on se réclame  de la boutade du Général :  « Vive le Québec libre » et  plus sérieusement de son « oui à l’Algérie algérienne » devenue un temps le modèle d’un FLNC aujourd’hui moribond. On nous sort à nouveau le slogan rocardien  : « il faut décoloniser la province » à propos plus particulièrement de la Corse. Bientôt le cas de la Catalogne succédera au modèle écossais avec l’échéance en vue du référendum  du 9 novembre, si tant est que le gouvernement espagnol autorise cette consultation sans qu’il s’agisse, s’il le fait, d’un « déni de démocratie » (le slogan à la mode de Femu a Corsica), mais du simple respect de la constitution ibérique dont doit tenir compte le parlement européen.

Vérité en deçà, erreur au-delà disait Montaigne ;  tout n’est pas transposable d’un pays à l’autre et point n’est besoin d’être souverainiste pour rappeler que l’Europe n’a  pas pouvoir de tout faire de sa propre autorité… La fameuse exception française à l’assaut de laquelle se livrent nos diviseurs de tout crin, qui confondent république et jacobinisme ne repose pas sur du sable. Ces derniers auront beau prendre exemple sur ce qui se passe ailleurs pour l’importer en France, ils auront beau se réclamer d’ une décentralisation en marche qui ne comporte certes pas que  des aspects négatifs, il leur sera difficile de nous imposer un « landerisation » à l’allemande, un autonomisme à l’italienne et encore plus des indépendances à l’écossaise au sein de l’unité française. Des brèches ont été ouvertes certes - nous en convenons et nous le regrettons- mais nous contribuerons à les colmater.

L’impasse est au bout du tunnel pour les nationalistes qui, comme des roseaux plient au vent de l’histoire alors que résistent aux tempêtes ces chênes qu’ils veulent abattre pour en rester sur un registre gaullien. Vive le Royaume Uni ou vive l’Ecosse libre, peu nous chaut ! ? Nous n’avons aucune prise sur cet événement dont nous n’avons aucune leçon à tirer.... mais Vive aussi la France une et indivisible dont la Corse est partie intégrante !

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