Ne revenons pas sur l’affaire du drapeau, largement commentée par nos internautes ni sur la poussée de tension provoquée par la condamnation du gardien du SCB à deux matchs de suspension pour avoir arboré le drapeau corse sur le stade de Nice, après la victoire de son équipe… Nos internautes se sont largement exprimés sur cet incident en ramenant les faits à une juste mesure et en stigmatisant l’instrumentalisation qui en a été faite par les nationalistes, ce qui ne nous empêche pas de penser que, dans cette affaire, les responsables de la ligue de Football ont pu quelque peu manquer de discernement.
Dans ce contexte de puntiglio exacerbé est survenu un autre incident bien plus grave a nos yeux qui a consisté de la part des nationalistes et de leurs organes d’expression dont, pour la circonstance, Corse-Matin, à jeter une inquiétante et inadmissible fatwa à l’encontre du directeur et éditorialiste du journal l’Express, sur fond de règlement de compte d’un différend déjà ancien.
Vade retro satanas
Qu’en est-il exactement ? Christophe Barbier, puisque c’est de lui qu’il s’agit, une des figures de proue du journalisme politique « parisien » et représentatif de ce qu’il est convenu d’appeler notre élite nationale, (Normal Sup oblige !) volontiers jalousé et vilipendé par nos folliculaires provinciaux parce qu’il ose empiéter sur leurs modestes platebandes et s’élever au dessus de leur vision localiste des choses, a été amené, par suite d’une véritable cabale à la Hernani, à renoncer à se produire en tant que comédien sur la scène du théâtre d’Arte mare « par crainte d’incidents » et « manque de sérénité », comme l’ont mis en avant les organisateurs du spectacle dans un communiqué lapidaire . Vade retro satanas ! ont crié les ayatollahs de l’identité corse à l’encontre de celui qui, hasard de circonstance, devait jouer le rôle de Talleyrand, le diable boiteux, dans la pièce libellée Le Souper. On en a froid dans le dos ! Alors même que Christophe Barbier avait donné son accord pour un débat public et démocratique sur le thème de l’image de la Corse et des Corses dans les médias, on l’a interdit de scène.. C’est là une atteinte grave à la liberté d’expression que France-Corse condamne fermement.
Non au lynchage médiatique ! Oui à la pluralité d’expression !
Aux origines du différend mis en avant par les tenants de la pensée unique, la mise en cause de divers éditoriaux de Christophe Barbier taxés d’anti-corsisme. Certes l’auteur reconnait lui- même le ton quelque peu provocateur de certains de ses écrits et le justifie de manière cavalière en arguant que sans un brin de provocation un édito tourne vite à l’eau tiède. De fait, certains de ses propos sont irrecevables, notamment lorsqu’il dérape sur de la violence en Corse pour considérer qu’elle est génétique (ce qui ne va pas sans rappeler la triste allusion au chromosome corse faite par Poniatiowski !). Nous pouvons en revanche le suivre lorsqu’il y voit une marque culturelle, à condition de préciser que « ce trait d’archaïsme » s’est émoussé avec le temps sous l’effet du processus de civilisation des mœurs, même s’il reste encore beaucoup à faire. Nous avons déjà apporté notre contribution à ce débat dans un éditorial antérieur.
Faut-il pour autant vouer aux gémonies Christophe Barbier et accepter sans mot dire qu’il soit frappé d’une fatwa d’ostracisme ! Ce journaliste s’est exprimé dans d’autres éditoriaux en des termes très pertinents à propos de la Corse. Traitant ainsi du projet du statut de résident, remisé depuis au magasin des accessoires, il a su retourner contre eux l’argumentation des nationalistes et conclure que le slogan « la Corse aux Corses » était discriminatoire et l’expression d’une forme de racisme anti-continental. Nous n’avons rien à ajouter ni a retrancher à l’éditorial du même Christophe Barbier à propos du « non au référendum sur l’indépendance de l’Ecosse » :
« La démocratie a-t-il écrit à ce propos, ce n’est pas seulement flatter les fièvres, c’est aussi réfléchir à ce que l’on fait, aux tenants et aboutissants pour le futur. Que la leçon de l’Ecosse serve à tous… aux Flamands, aux Catalans et chez nous aux Basques, aux Bretons et aux Corses et à tous ceux qui rêvent d’irrédentisme. Que la raison l’emporte sur « le repli égoïste et narcissique » et de recommander dans un pays fort « le principe de solidarité dans un vivre ensemble qui accepte les faiblesses de l’autre en apportant chacun ses qualités au pot commun ».
Non, le personnage quel que soit son positionnement politique ou idéologique qui n’est pas ici en cause, ne mérite pas ce lynchage médiatique contraire au sens de l’hospitalité corse due, rappelons-le, même à son ennemi dans notre tradition. Toutes choses étant égales par ailleurs et sans vouloir faire de Christophe Barbier le Salman Rushdie du moment, cette fatwa d’exclusion témoigne du danger que fait peser sur la Corse l’intolérance, le nombrilisme et un nationalisme aussi désuet qu’excessif, attributs des régimes totalitaires introvertis et xénophobes.
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