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Billet de blog 21 février 2015

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La Corse partie intégrante de la nation française : Quand les anti-lumières contestent l'Histoire !

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Ci-dessous, la libre opinion d’Adrien, l’un de nos fidèles lecteurs.

Le 8 décembre, le buste de Pascal Paoli avait été choisi par l’Associu di i Parenti Corsi (APC) pour commémorer à Bastia « A festa di a Nazione ». Selon la photo de Corse-Matin, une vingtaine de participants – beaucoup d’enfants – étaient rassemblés pour déposer au pied de la statue une plaque où était gravé : « A Corsica un hè mica un departamentu francesu ma una nazione vinta chi a da rinascia » (La corse n’est pas un département français mais une nation vaincue qui va renaître).

Pour qui connaît l’indéfectible attachement de Paoli aux idées de la Révolution française – et ce en dépit de l’épisode du Royaume anglo-corse -, la manifestation anti française organisée par l’APC paraissait inconvenante en ce lieu. A Paoli qui avait fait siennes les grands principes des Lumières qui ont inspiré la Révolution – les hommes sans distinction d’origine, de race ou de religion -, le président de l’APC avait, quelques mois auparavant, opposé que les Corses doivent « rejeter le droit du sol français pour le droit du sang qui est notre conception historique de la communauté corse (…) une communauté charnelle ayant une terre, une langue, une culture, son atavisme propre. » L’exact contrepied de Paoli ! Exit « la communauté de destin », sur la base de liens politiques qui avaient uni dans la nation française « un agrégat de peuples désunis », Corse compris, selon le vœu des paolistes. Exit « la communauté de destin » que les séparatistes nous servent aujourd’hui et qui n’est que le cache-sexe d’une xénophobie rampante.

Citoyenneté versus identité

Dominique Verdoni, professeur de l’Université de Corse, nous avait déjà servi une version plus élaborée de cette doctrine aux accents maurrassiens :  » La Corse », nous expliquait-elle, doit « sortir de l’universalisme jacobin » (…) Force est de constater que la notion de citoyenneté dans son acception trop universelle, qui procède par abstraction des différences au nom de principes d’égalité, ne parvient pas à éluder les inégalités, ni la volonté des individus de voir reconnaître leurs spécificités ». L’universitaire en concluait qu’il fallait procéder à de « …nécessaires réajustements en terme de citoyenneté. Car toute affirmation identitaire consacre l’éclatement de la citoyenneté universaliste – présentée au mieux comme un vœu pieux, au pire comme un mensonge – au profit des liens primordiaux, intensément vécus et ressentis, noués à l’échelle du particulier : le sentiment religieux, l’appartenance ethnique, l’usage commun d’une langue. » (1)

Comme le montre l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance de Corse-du-Sud dans un éditorial récent parue sur son site http://www.resistance-corse.asso.fr/fr/editorial/latavisme-et-le-droit-du-sang-un-air-de-deja-vu , cette même doctrine qui a « un air de déjà vu », a trouvé un débouché politique en Europe dans l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie avec l’avènement de régimes qui, avec l’aide des collaborateurs autochtones, ont semé le désastre. Et il y a bien dans ces propos de l’APC et de son dirigeant (par ailleurs membre de Femu a Corsica) un relent de cette idéologie déclinée dans l’entre-deux-guerres par les irrédentistes corses tombés sous le charme de l’Italie fasciste. La France était pour eux une marâtre, « A Francia matrinia ». A quoi les Corses, quasi unanimes, proclamaient leur volonté de rester Français contre les prétentions annexionnistes de Mussolini. Ce fut la motivation principale et fédératrice de tous les courants de pensée de la résistance insulaire, la clé du succès de l’insurrection libératrice.

Lumières et anti-lumières

Est-ce à dire que sept décennies plus tard on puisse faire référence sans précautions à cette France, à cette Corse, à ces Corses des années de guerre ? autrement dit, qu’on puisse avoir la même grille de lecture aujourd’hui que celle de nos compatriotes des années 40 ? Non! parce que le monde a beaucoup changé depuis et « parce que le passé ne peut pas contenir tout le présent » disait Marc Bloch. Mais il complétait : « …sans la connaissance du passé, le présent est inintelligible » (2). Alors faisons retour sur le passé.

Dans les circonstances tragiques de ces années de guerre, alors qu’à son issue, beaucoup de frontières on bougé, les Corses ont validé le choix fait en 1789 d’être coparticipants de la Révolution française ; et ce faisant, la petite nation corse vaincue par les troupes de Louis XV deux décennies plus tôt, fusionnait dans la nation française faisant des Corses non plus des sujets du roi de France mais des citoyens. On peut tenir pour sûr qu’en s’extrayant de l’aire géopolitique du Mezzogiorno, en devenant partie prenante de la Révolution, en devenant partie constitutive de la nation française et en faisant leurs ses principes, Paoli et les Corses ont fait « …le choix volontaire d’hommes par lequel l’individu relativise sa particularité pour se hisser à un premier degré d’universalité, écrit Jacques Muglioni. La nation n’est pas réductible à la somme provisoire et incertaine de terroirs repliés sur eux-mêmes. Bien plus, le citoyen d’une république doit apprendre (…) que la nation n’est pas le terme », et ajoute-t-il : « Quel qu’aient pu être presque aussitôt les dérives que l’on sait [Paoli en pâtit], par exemple le glissement – faut-il dire inévitable ? – de la défense républicaine vers la guerre impérialiste, la Révolution fut une grande lumière jetée sur l’histoire universelle. » (3) Les principes proclamés sont devenus I-NOU-BLI-ABLES, en ce sens que ce qui advient après est jugé en vertu des principes proclamés, serait-ce pour condamner la France quand elle les a bafoués.

« La grande Révolution était telle qu’elle ne pouvait pas appartenir au peuple français comme sa propriété. Dans l’ordre de l’esprit, il n’y pas de filiation obligée » (4). C’est vrai pour les Lumières comme pour les Anti lumières : la preuve en Corse.

 (1) « Histoire de l’école en Corse. La Corse au carrefour d’une méditerranéité euro-arabe ». Ed. Albiana p.548

(2) Marc Bloch.  » L’Histoire, la Guerre, la Résistance. Ed. Quarto Gallimard.

(3) Jacques Muglioni. « L’école ou le loisir de penser » Ed. CNDP. p. 186

(4) Ibid. p.199

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