
La liste en est trop longue pour qu’on puisse espérer en démonter les mécanismes en un seul éditorial. C’est toute une rubrique qu’il conviendrait d’ouvrir sur cette thématique, mais l’exercice rebute tant on a l’impression en ce domaine d’enfoncer des portes ouvertes et de donner de l’importance à ce qui ne suscite d’ordinaire que mépris, haussement d’épaule ou franche hilarité.
Voila pourtant que les topoi, même les plus ridicules, d’une idéologie surannée, sont réactivés dans l’ivresse d’une victoire électorale que l’on espère passagère, tandis que les nouveaux capi du « troisième clan » pérorent à la tribune, façon matamore pour l’un et sous des airs de ravi de la crèche pour l’autre qui annone d’un ton monocorde « le catéchisme de papa ». Peuple corse, nation corse, langue corse ( trilogie de triste mémoire) et recours rituel au qualificatif galvaudé d’historique employé pour célébrer l’événement reviennent en boucle dans les propos et les écrits du moment, produisant un effet d’overdose. Dans le jargon de la CTC où les néologismes de « mandature » et de « gouvernance » font flores, c’est maintenant de « gouvernement corse » qu’il est question, « comme au temps de Paoli », « juste retour des choses » nous dit JG Talamoni qui plonge ses regards vers un lointain passé pour célébrer le « père de la patrie corse » qui s’est trouvé de nouveaux pères fondateurs.
Un piètre pastiche de serments célèbres
Mais qu’en est-il de cette grotesque mise en scène du serment prêté par les élus nationalistes sur la Giustificazione, la bible des Corses insurgés contre les Génois au XVIIIème siècle ! Comment ne pas penser au serment du jeu de paume, à cette vraie journée historique du 20 juin 1789 où, à Versailles, les représentants des provinces de France déjà constitués en assemblée nationale bravèrent l’autorité royale et jurèrent, comme l’illustre le célèbre tableau de David, de « ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides », serment où les nationalises corses substitueraient volontiers « jusqu’à ce que la Corse soit inscrite dans la constitution » !
Ou bien JG Talamoni , nouveau Mirabeau sans la même magie du verbe, a-t-il voulu nous faire croire par mimétisme de la scène du 23 juin qui suivit le jour du serment de jeu de paume qu’il était entré dans l’hémicycle par « la volonté du peuple » et qu’il n’en sortira que par « la force des baïonnettes » ? Chi lo sa … C’est fou de voir combien, plus ou moins directement, les nationalistes corses, certes à travers le prisme de l’Antiquité, singent la Révolution française tout en la dénigrant (patrie en danger, fête de la nation version Mona Ozouf, héroïsation et « sacrifice » des « patriotes », manie constitutionnelle, décorum cérémonial, hymne et drapeau..)
Faut-il penser, toujours en forme d’exorcisme, à la non moins fameuse cérémonie du champ de Mars du 14 juillet 1790, et au serment par lequel les fédérations des différentes provinces du royaume (la nation bretonne, provençale, ou corse, comme on désignait alors les provinciaux ) jurèrent de ne plus se reconnaitre comme bretons, provençaux ou corses et de se fondre en un seul peuple, le peuple de France libéré des chaînes de l’Ancien régime et de se réunir au sein d’une même nation au sens donné par l’abbé Sieyes à ce nouveau concept ?
A-t-on voulu, plus proche de nous, faire oublier par cette mascarade de serment prêté par un quarteron de séparatistes réunis en comité restreint, le serment de Bastia où, le 4 décembre 1938, devant la menace grandissante de l’impérialisme mussolinien et à la suite du discours menaçant de Ciano à la chambre des faisceaux aux cris de Nizza, Tunisia, Corsica nostra, des milliers d’insulaires se sont dressés comme un seul homme pour prêter à Bastia le serment de « vivre et de mourir français » avant de réserver un accueil triomphal au président du conseil Daladier venu pour saluer leur patriotisme face au péril extérieur ?
Dio vi salvi regina : Le God save the Queen des nationalistes
Il nous faudra sans doute revenir sur le concept de nation ethnique, manière corse, porteur du germe du nombrilisme et de la xénophobie, à la différence du vivre ensemble à la française dans le respect des différences de chacun pourvu qu’elles n’empiètent pas sur le domaine public au sein d’une république « une et indivisible », point fort de « l’exception française » qui nous satisfait pleinement. Arrêtons-nous plutôt sur l’instrumentalisation, faite par les nationalistes, de la Vierge Marie et sur le pseudo hymne corse.
Rendre hommage à la vierge Marie protectrice des Corses n’a rien de choquant en soi sur une terre d’élection du culte marial à travers les âges. Allons jusqu’à dire qu’il est libre aux nationalistes d’en avoir fait depuis deux à trois décennies leur hymne remplaçant, pour se démarquer quelque peu des irrédentistes, mais sans y réussir vraiment, le culombu de la Muvra et du Petru Rocca de l’entre-deux-guerres.
Mais, ce qui nous choque, c’est de vouloir nous l’imposer et ce qui nous attriste est de constater que la classe politique corse dite péjorativement traditionnelle, de droite en particulier, tombe dans le piège et, hors église et dans ses meetings, s’empare du Dio vi salvi regina sous prétexte de ne pas le laisser aux nationalistes, alors qu’elle contribue par là à l’ériger au rang d’hymne de l’ensemble des Corses !!! Et quand on pense que cela ne repose historiquement sur rien, que la consulte de 1735 soi-disant fondatrice de cette consécration n‘a jamais existé, qu’elle n’existe en rêve que sur la base d’un texte apocryphe et qu’il n’a jamais été question d’hymne national corse sinon dans l’imagination des nationalistes, on concevra qu’il est temps de faire litière de cette mystification et de divulguer ce que tout historien ou tout érudit sérieux sait très bien mais n’ose pas toujours dire.
Soyons tolérants et abandonnons aux nationalistes leur God save the Queen, tout en continuant à célébrer pour notre part la vierge Marie dans sa sphère religieuse qui, précisément au nom de la laïcité (inventée par Pascal Paoli nous dit JG Talamoni !) ne doit pas déborder sur la sphère publique. Nous ne sommes ni aux Etats-Unis pour jurer sur la Bible ni en Angleterre pour implorer Dieu de protéger quelque roi de Corse, qu’il s’appelle Théodore, Paul ou Gilles, le dernier en date des prétendants.
Et comment ne pas interpeller le recteur de l’académie de Corse (pas celle des rois de Corse singeant l’Académie française) qui, en connaissance de cause, se prête à cette imposture, allant jusqu’à admettre qu’à l’école (mais pas au catéchisme) on apprenne le Dio Vi salvi regina aux élèves du primaire plutôt que la Marseillaise au mépris des textes officiels.
Il est vrai que cela s’inscrit dans une continuité et que nous avons eu l’occasion de mettre en cause ce même recteur toujours en exercice qui, par le biais d’une circulaire scélérate, a rendu de fait obligatoire l’apprentissage du corse en violation flagrante du texte régissant le statut particulier de l’île qui édicte que cet enseignement ne peut être que facultatif. Attendons-nous à une nouvelle offensive des nationalistes sur la question et restons attentifs aux réactions du gouvernement dont les déclarations « apaisantes » du premier ministre Valls n’augurent rien de bon : sans être des va-t’-en-guerre nous ne savons que trop ce que peut recouvrir le mot apaisement pour avoir connu des amnisties à répétition et des reculades successives face aux rodomontades des nationalistes.
Sur la question de la langue…
Sur la question de la langue, faut-il attendre que le gouvernement réagisse, lui qui, contrairement à ses propres dispositions, tolère qu’un président d’Assemblée régionale s’exprime publiquement en dialecte, poussant la provocation jusqu’à distribuer la traduction en français aux journalistes et à quelques élus, et non des moindres, chantres de la « langue corse » dont ils ne comprennent souvent que le sabir d’RCFM.
Merci Monsieur Fillon d’avoir été le seul élu national « de poids » à réagir aussi clairement et aussi fermement à cette entorse aux textes officiels et à l’ insulte faite à la France dans le discours de JG Talamoni que nos élus, au lieu de se lever et de quitter la séance, semblent avoir gobé religieusement sans même avoir à avaler leur salive. Verrons-nous le représentant de l’Etat , sur ordre venu d’en haut, donner rang de cité à « l’hymne corse » comme au drapeau à la tête de maure dans les cérémonies officielles, alors même que le nouveau président de l’Exécutif de la CTC jette ostensiblement l’écharpe tricolore sur la table lorsqu’en tant que maire de Bastia il célèbre un mariage !
France-Corse
Pour consulter tous nos textes et faire connaitre votre point de vue : www.france-corse.fr
Pour nous écrire : redaction@france-corse.fr