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Billet de blog 23 juillet 2014

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Corse : Les rapports Etat/région - une partie de « poker menteur »

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Une ministre de la décentralisation avenante, à l’écoute et armée de patience – et il lui en a fallu beaucoup pour entendre les litanies successives des représentants des petits « groupes parlementaires » [sic] de la CTC, faisant suite aux homélies du président de l’Assemblée (heureusement pas nationale) et du président de l’Exécutif, égal à lui-même dans  un de ses numéros d’auto-suffisance qu’il affectionne.

Rhétorique et sémantique

C’est certain…, la rhétorique  de la ministre tranche avec celle  de son collègue de l’Intérieur qui, plus abrupte et plus directe, ne s’embarrasse pas de fioritures pour aller à l’essentiel lorsqu’il s’agit de la Corse et des états d’âme de certains de ses élus régionaux. Le propos passe mieux, la tension retombe et « l’échange » se fait plus facilement : la sémantique n’est pas la même : elle adopte, en caressant quelque peu l’auditoire dans le sens du poil, « les signifiés » d’identité, de spécificité, d’insularité et tente d’en définir les contours, mais sans pour autant s’aligner sur le sens et la portée que leur donnent ses interlocuteurs.

La ministre a rendu hommage à la langue corse  et  donné le  feu vert à la création d’un Etablissement Public Régional chargé de la valoriser… « ça ne mange pas de pain » dira-t-on, mais cela fera manger un peu plus les « culturaux » qui en ont déjà fait  leur fromage. L’histoire régionale a été évoquée au prix d’idées reçues : Pascal Paoli chantre du « principe d’égalité »… même J.-Guy Talamoni s’est inscrit en faux contre ce cliché en « reprenant » la ministre !

Avec habileté, Mme Lebranchu a contourné les obstacles, privilégiant les voies d’approche techniques et institutionnelles plutôt que constitutionnelles, prônant le bilinguisme pour mieux rejeter la coofficialité, conseillant le recours aux moyens existants pour améliorer ou adapter certaines dispositions (en matière de foncier et de fiscalité notamment), plutôt que de s’engager dans la voie sans issue  d’un « statut de résident » ou de la reconnaissance d’un pouvoir législatif extravagant, et elle n’a pas manqué de dire que les questions soulevées à propos de la Corse ne différaient pas systématiquement de celles qui se posent ailleurs sur le continent.

Elle s’est par ailleurs dite prête à « travailler » en concertation avec les élus et le comité stratégique piloté par l’intraitable  Pierre Chaubon, toujours aux manettes avec son idée-fixe de changement constitutionnel. Apparente  concession verbale  faite sur ce point par Mme Lebranchu,  qui a déclaré que le gouvernement y serait favorable si une majorité suffisante se dégageait au parlement pour enclencher la procédure. A chacun de lire entre les lignes !

A propos de la « la coquille vide »

Ce changement de ton, plutôt que de fond, de la part  de la représentante du gouvernement en charge de la décentralisation a suffi pour que  Corse Matin, qui avait déjà titré abusivement sur un nouveau « processus Matignon », considère que Mme Lebranchu  avait « recollé les morceaux » ( !) ou encore « éteint le feu » ( !), en ouvrant enfin la voie de l’inscription de la Corse dans la constitution… cette « coquille vide » comme la définit le ministre Cazeneuve, qui, comme sa collègue, minimise imprudemment, selon nous, la portée symbolique que pourrait revêtir une telle décision, et l’utilisation subversive qui pourrait en être faite par les nationalistes  pour aller plus avant.

Plus méfiant et flairant peut être un marché de dupes là où certains saluent  « la reprise prometteuse d’un dialogue interrompu », Corsenet, autre media « engagé » qui joue des coudes pour  se faire une place sur la toile (autre signe  – disons le  en passant -  de l’avenir de cette formule  qui grignote peu à peu des « parts de marché » aux dépens de la presse écrite et parlée), titre au contraire sur « le déminage raté de Mme Lebranchu » et stigmatise les « propos lénifiants » et « le discours sucré » de la ministre  qui , loin de rouvrir les portes du dialogue aurait  dit « Non sur tout ».

Non au processus de « néo-calédonisation »  de la Corse

Qu’en est-il des élus ? Ne faisons pas état de la langue de bois des nationalistes : avant qu’ils ouvrent la bouche on sait ce qu’ils vont dire et ils s’écartent rarement de leur vulgate bien rôdée. Les autres ont en général convenu que l’épreuve orale à laquelle s’était livré Mme Lebranchu était réussie. Même le président Giacobbi a baissé d’un ton par rapport à sa virulente philippique de la veille lancée contre l’Etat  (reconnaissons-lui le mérite de se différencier sur ce point des nationalistes en n’accolant pas l’adjectif de « français » lorsqu’il parle de l’Etat).

Avec une courtoisie conforme à notre bonne tradition française, il s’est montré amène et prévenant envers la ministre représentante d’un gouvernement que pourtant il exècre, bien qu’il  se situe lui-même dans les rangs de la majorité nationale. Tout naturellement il a tiré au maximum à lui les propos de la ministre, lui faisant dire plus qu’elle n’avait dit  (« elle a admis qu’il fallait réviser la constitutionfaux, Monsieurle président !)et il n’a pas pu s’empêcher de laisser libre cours à sa  suffisance en prétendant « démonter » point par point l’argumentation  élaborée « à Paris » (comme disent les nationalistes)  et dont a fait état  la ministre ; « c’est idiot »…, « c’est grotesque »…, « ça n’a ni queue ni tête »… Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : le président de notre petit Groland se considère comme seul détenteur du « vrai » et proclame à qui veut l’entendre qu’il ne faut pas « le prendre pour un  imbécile ». A nous de nous accommoder d’un langage si peu protocolaire  assorti des poncifs habituels sur l’insularité de la Corse « entourée d’eau de toutes parts » et sur la spécificité de son histoire, qui  justifierait un traitement particulier.

Parmi les autres réactions aux propos de la ministre,  relevons, pour la regretter, celle du député Camille Roccaserra qui a réitéré son vœu de voir « la Corse inscrite dans un article spécifique de la constitution » et déclaré qu’il s’emploiera  à rallier sur ce point ses collègues parlementaires . France-Corse de son côté oeuvrera  pour qu’on en reste au statut particulier actuel – qui, certes peut être amélioré pour plus d’efficacité – et  pour qu’ une réaction d’union républicaine évite qu’un pas de plus soit franchi dans la voie  de la « néo-calédonisation » de notre région.

D’autant que  nos élus récalcitrants réclament à l’unisson l’accroissement des moyens donnés par l’Etat tout en voulant  s’émanciper du pouvoir de contrôle de celui-ci sur leur utilisation. En vue des consultations (rejetons les expressions inadéquates de « négociations » ou d’ « accords » dont la presse locale raffole), le gouvernement devrait surtout prendre conscience de  l’avertissement que lui adresse Femu a Corsica par la voix d’un de ses dirigeants et porte-parole (J. Christophe Angelini), en réaction à l’intervention de la ministre lors de sa dernière visite à Ajaccio  : « Le peuple corse va, à un moment donné, exercer son droit à l’autodétermination ».

Une concession de plus… et de trop et cela sera ouvertement réclamé par les nationalistes au sein même de l’enceinte de la CTC… du moins c’est ce qu’ils espèrent.

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