La SNCM… dossier complexe et récurrent que nous n’avions pas l’intention d’ouvrir à nouveau, tant il s’agit d’un feuilleton à rebondissement constant, avec de nombreux épisodes tournant régulièrement autour d’un scénario à plusieurs voix : celles des marins, des actionnaires de la société, de la CTC, de la Corsica Ferries, des socioprofessionnels…, de l’Etat… et même de l’Europe, un cocktail explosif en vérité, résultant d’engagements ou d’intérêts difficilement compatibles.
Nous nous y résolvons pourtant car il semble bien que nous en soyons à un tournant décisif qui signe l’arrêt de mort de « la compagnie des bateaux blancs », qui nous est familière mais qui n’est pas forcément à l’abri de toute critique. L’élément nouveau, c’est qu’après avoir tergiversé, même l’Etat est sur le point de signer cet arrêt de mort, en se rangeant à la solution d’une liquidation judiciaire qu’il a voulu éviter, alors qu’il n’avait pas les moyens, ni même le droit de le faire, compte tenu des contraintes « européennes » qui ne peuvent être contournées. Il fallait le dire avant et ne pas laisser s’installer de vaines illusions… C’est ce qu’allèguent à juste raison les syndicats de marins et d’officiers de la marine marchande, sans forcément faire état des pressions et des chantages qui expliquent -mais n’ excusent pas- les tergiversations au sommet qui n’ont fait que retarder l’échéance.
Haro sur l’Etat (français)
Il ne nous appartient pas de traiter de l’ensemble de la question, et encore moins de peser entre les différentes responsabilités qui sont à l’origine du gâchis actuel, mais, en la circonstance, un certain nombre de données ne peuvent pas, de notre point de vue, être passées sous silence, car elles sont révélatrices de tout autre chose. Que des marins bloquent les ports et que les socioprofessionnels s’insurgent car cela pénalise leurs activités… c’est du déjà vu… Et qu’il en résulte des affrontements entre les deux partis… idem !
Mais déjà c’était devenu plus piquant lorsque le différend s’est signalé au sein même de la « famille » nationaliste. Souvenons-nous des marins du Syndicat des Travailleurs Corses (STC) ou encore du médiatique « pirate des mers », dirigeant d’un syndicalisme indépendantiste, Alain Mosconi, s’opposant à des producteurs et entrepreneurs corses de même bord idéologique ! Pour masquer le différend interne aux nationalistes, la solution fut vite trouvée et on en est encore là aujourd’hui plus que jamais : Gavroche en son temps chantait « si je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau », lamentu facilement transposable : si les choses vont mal en Corse ce ne peut être que la faute à l’Etat français !
Commode façon de se dédouaner, surtout lorsqu’ on porte de lourdes responsabilités. Pensons à l’incompétence en la matière des services ad hoc de la CTC et à son chef de l’exécutif qui a joué toutes les cartes, y compris celles consistant à réclamer argent et bateaux à l‘Etat pour fonder une compagnie régionale qui aurait vocation à régler le problème, conformément au douillet principe d’autonomie et à l’adage : « donnez-nous les moyens nécessaires et laissez-nous gérer nos affaires en toute liberté ». Cela n’a pas marché ! Mais, en pastichant « ce que dit l’autre à la télé », n’entend-on pas le président Giacobbi entonner l’antienne : « l’Etat ? Je l’aurai un jour, je l’aurai » !
Il semble bien que l’enfant gâté de la République comme dit le ministre Cazeneuve, en soit là: Après les insultes (tous des imbéciles !), les caprices et les bouderies récentes à l’égard des autorités, voilà le temps venu des injonctions : « l’Etat n’a qu’à banquer ! » comme le titre Corse-Matin, et la dernière trouvaille de notre ingénieux « enfant roi »… (de Corse s’entend !) consiste à assigner celui-ci, et à le faire assigner par les socioprofessionnels qui ont à déplorer des pertes pour fait de grève au nom de « la non-assurance de la liberté de circulation maritime »… Ce qui ne devrait pas empêcher le même président de mêler sa voix au choeur des vierges effarouchées, qui déploreront éventuellement des « brutalités policières » inhérentes à la coercition et à l’intervention des forces de l’ordre pour assurer la dite liberté de circulation. Pour l’heure la CTC et son président sont du côté des socioprofessionnels, mais si les choses tournent mal pour les marins ? Ce sera la faute à l’Etat !
Le retour de Saint Simeon le stylite
Il n’est pas étonnant que certains médias locaux soient déjà sur cette position, à l’affût de « bavures » policières : « un coup de trop » clame Corse-Matin à propos de l’expulsion manu militari de ceux qui s’apprêtaient à occuper la préfecture, comme cela s’est vu en d’autres occasions. Halte à la répression ! Manif ! défilé ! pancartes et slogan libertà ! L’arsenal est prêt à instrumentaliser l’« incident de Bastia » .
Il est vrai que les socioprofessionnels en question ont fait de leur propre initiative appel au maire de Bastia, Gilles Simeoni, comme médiateur et que celui- ci était prêt à assumer cette valorisante mission ! Un Simeoni à Bastia… un autre à Ajaccio… quand ne c’est pas le fils, c’est le père, le « vieux fusil », qui intervient et qui, sans aucun mandat régulier, est reçu à la CTC, au même titre que les groupements professionnels, en tant que « représentant de la société civile ». C’est énorme ! L’info n’est donnée que par Corse Matin et mérite d’être vérifiée: Nous n’avons pas souvenir de quelque scrutin ayant élevé le nouveau « Saviu d’Asco »… (pardon.. du Niolo) à cette auguste fonction, et nous invitons nos fidèles internautes à faire savoir s’ils se sentent représentés au titre de la société civile par le président de l’association Aleria 1975.
Notre allusion à cette autre titulature n’est pas innocente, et correspond à la réactualisation d’un ancien projet que nous avions dénoncé en son temps dans les colonnes de France-Corse… celui d’ériger une stèle pour commémorer les tragiques événements d’Aléria comme l’acte fondateur de « la révolte contemporaine des Corses », suivant l’argumentaire justificatif rédigé par son président en forme de profession de foi nationaliste.
Voilà plus de deux ans déjà, nous considérions que c’était faire offense aux deux gendarmes morts en la circonstance « victimes de leur devoir », et encenser l’origine d’un cycle de plus de 30 ans de violence qui furent un malheur pour la Corse. Déjà à propos de la stèle à ériger, nous suggérions qu’elle soit surmontée de l’effigie d’Edmond Simeoni à la manière de saint Simeon le Stylite campé sur sa mémorable colonne… Le calendrier s’accélère… la simeonimania est en marche: Ouvrez l’œil chers compatriotes, « corsi e francesi », suivant notre devise, l’opération de distillation de la haine envers l’Etat devient inquiétante.
France-Corse
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