Une fois de plus l’émotionnel et le factuel, le gros titre, l’image choc à la limite du montage photo et surtout la caisse de résonnance de la colère des mécontents et de « la sensibilité nationaliste » ont eu pour effet de noyer l’analyse et l’interprétation de l’événement au court et moyen terme. La presse à sensation l’a une fois de plus emporté sur la presse d’information et c’est bien entendu de notre « incontournable » quotidien, Corse-matin, que nous voulons parler.
Une presse expression de « la pensée unique »
Sans vouloir jeter l’opprobre sur l’ensemble de la gent journalistique, pas plus que sur les nombreux correspondants locaux qui font « remonter » l’information, ni sur les reporters photographes à l’affût d’instantanés… c’est la tête que nous visons et, en premier lieu le « faiseur d’opinion en chef » du journal qui s’est propulsé en commentateur de l’actualité et qui, sous prétexte de compatir avec les consommateurs « pris en otage » suivant l’ expression galvaudée, a cru bon, en la circonstance, de « monter à l’abordage » et de souffler sur les braises en tenant des propos outranciers.
Pour preuve son commentaire des incidents survenus à la préfecture de Haute-Corse. A lire son « billet du jour » on croirait avoir affaire à un éditorial d’Arritti, le journal des nationalistes dits modérés. Roger Antech s’en prend aux ministres qui manqueraient à leur devoir envers la Corse, aux sénateurs qui la bouderaient et au gouvernement qui n’aurait « pas pris la mesure du climat insurrectionnel (rien que ça !) qui monte dans l’île » et d’ajouter que ce mouvement ne se nourrit plus seulement de la lutte pour la libération nationale… le vent de révolte est économique et social ». Libre à M. Antech de penser et de s’exprimer comme MM. Simeoni et Angelini, mais libre à nous de lui faire savoir qu’un peu de retenue devrait s’imposer pour un journal en situation de monopole qui, représentatif de « la pensée unique », consacre si peu de place au pluralisme d’opinion.
On en trouve la confirmation dans un autre billet de même obédience idéologique et signé par Jean- Baptiste Croce. Ce dernier ridiculise les élus locaux qui harcèleraient la rédaction du journal pour faire connaitre leur point de vue… (rien que de très normal pourtant en régime de démocratie représentative !). Il se permet de renvoyer dans les cordes sur un ton péremptoire et méprisant ces élus « qui estiment que les réactions qu’ils adressent à la presse sont de véritables pépites d’or pouvant résoudre les plus épineux dossiers. Le problème est qu’ils ont tout faux et que leurs textes souvent truffés de fautes grammaticales laissent littéralement pantois ». Et, plus arrogant encore il évoque « leur misérable prose exclusivement fondée sur des poncifs et autres stéréotypes de bas étage ». Mais M. J.-B Croce, responsable de l’agence bastiaise de Corse-Matin, qui affiche une telle morgue, mesure-t-il l’irritation que suscitent ses insipides « billets » aussi engagés que ceux de son rédacteur en chef, mais beaucoup moins bien écrits, et d’une lourdeur telle en matière de pensée et d‘expression, qu’ils indisposent le lecteur ? Ce ne sont pas des pépites d’or mais de gros cailloux qu’il voudrait nous faire avaler au quotidien !
Faire bouger les lignes
Pourtant on peut constater dans certains médias un frémissement nouveau qui bat en brèche « la pensée unique » et qui prend du champ par rapport au « politiquement correct » dans lequel on voudrait nous immerger. Nous lisons volontiers les éditoriaux souvent caustiques d’Aimé Pietri dans le Journal de la Corse et les articles critiques et nuancés de G.-X Culioli dans le même hebdomadaire, même s’ils ne reflètent pas la ligne de pensée de France-Corse. Nous avons par ailleurs été agréablement surpris par le mensuel Corsica (n°177 de juillet) : cette fois, pas d’assassinat, ni d’attentat ni de portait de voyou à « la une » sous prétexte que « ça fait vendre », mais une page de couverture plus sobre et, à l’intérieur, de bons articles. Certes une place y est encore faite à la question périmée du statut de résident, mais la parole y est donnée aussi à ceux qui condamnent cette « arnaque utile ».
Mais surtout on appréciera l’analyse qui est faite du processus de mise à mort de la SNCM qui a retenu par ailleurs notre attention. On y trouve une analyse rigoureuse de la question, et des hardiesses dont France-Corse pensait avoir l’apanage, concernant par exemple le président Giacobbi « qui n’en est pas à un mensonge près » et qui « dans l’euphorie de sa victoire sur Marc Dufour » prépare le lancement de sa compagnie régionale, sous la forme d’une SPL (Société publique locale) « qui serait non seulement propriétaire des bateaux mais aussi gestionnaire avec la possibilité de privilégier l’emploi local, à savoir l’embauche prioritaire des personnels corses », ce que l’auteur de l’article, Ange Serpaggi, apparente à « un véritable appel au délit de favoritisme, à la prise illégale d’intérêts et à l’abus de bien social ». Le journaliste lève le voile sur les liens privilégiés entretenus par le président Giacobbi avec Alain Mosconi et « ses amis marins du STC » qui pensent ensemble à « un statut de compagnie maritime sur mesure pour la Corse », misant comme exécutant sur une CMN (Compagnie méridionale) où le STC est roi.
Enfin, last but not least, comme disent nos amis anglo-saxons, saluons le travail accompli par Alain Verdi, journaliste à FR3, qui a le mieux démonté le mécanisme qui nous pend au nez. Nous lui en sommes en partie redevables et son blog E pericoloso sporgersi ,que nous recommandons aussi à nos internautes, est le signe que le web est en train de gagner du terrain sur la presse écrite et le jour viendra où une nouvelle génération familière d’« ordis », de tablettes et de smartphones pourra mieux se tenir informée et s’affranchir du carcan idéologique de Corse matin, de RCFM et de FR3 Corse.
France-Corse
Pour consulter tous nos textes et faire connaitre votre point de vue : www.france-corse.fr
Pour nous écrire : redaction@france-corse.fr