(par Francis Pomponi)
Soyons clairs et affirmons tout haut ce qu’on s’applique systématiquement à passer sous silence ou à contourner : légalement l’enseignement des langues régionales, pas plus pour le corse que pour le breton ou l’auvergnat, ne saurait avoir un caractère obligatoire… il ne peut être que facultatif. Nous défions quiconque de produire un texte officiel qui dise le contraire et les délibérations de la CTC n’y changeront rien.
Contentons-nous, parmi bien d’autres, de rappeler le texte du Conseil constitutionnel conditionnant l’adoption de loi portant statut particulier de la Corse de 2002, texte suivant lequel «si l’enseignement de la langue corse est prévu dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, il ne saurait revêtir pour autant un caractère obligatoire ni pour les élèves ni pour les enseignants. ». Il est dit également sous une autre forme que « l’article concernant l’enseignement de la langue corse n’est pas contraire au principe d’égalité ni à aucun autre principe constitutionnel à condition qu’il revête tant dans son principe que dans ses modalités de mise en œuvre un caractère facultatif ». Et on pourrait multiplier le nombre de rappels sur ce principe émanant du même Conseil constitutionnel ou de Conseil d’Etat.
Qu’en est-il en réalité ? Une circulaire du rectorat à propos des 3 heures de corse inscrites légalement dans le programme scolaire du primaire décrète que « Les familles feront connaître leur choix en début d’année par les modalités habituelles de correspondance. L’école prendra toutes dispositions pour proposer à ceux ou celles qui ne suivraient pas cet enseignement d’autres activités, dans le cadre de la gestion de l’hétérogénéité des besoins par l’équipe pédagogique » Ce qui revient à demander aux familles qui ne veulent pas inscrire leurs enfants dans l’apprentissage de la langue corse (pensons en particulier aux familles « continentales ») d’en faire la demande expresse et en bonne et due forme par écrit… avec la crainte pour certains de se faire remarquer. N’est-ce pas indirectement rendre de fait cet enseignement obligatoire ? Ne serait-il pas plus simple, moins retors et plus conforme à la loi de dire que l’apprentissage de la langue corse est facultatif ?
Déjà dans une question écrite au gouvernement Paul Loridant (J.O Sénat du 02/03/2000 p 733) évoquait la circulaire du recteur de Corse adressée au secrétaire d’Académie indiquant que pour la prochaine rentrée l’enseignement de la langue corse devait figurer sans aucun commentaire)dans l’emploi du temps des classes de sixième, c’est-à-dire sans préciser le caractère facultatif de cette matière et, en fonction de ce courrier, il appartenait déjà aux familles ne souhaitant pas que leurs enfants étudient le corse de le manifester par lettre auprès du chef d’établissement.
Voilà plus de 10 ans - encore à propos de ce type de circulaire rectorale concernant l’enseignement du corse en sixième - dans son article déjà cité de l’Express, le journaliste Eric Conan parlait de « hold-up linguistique » là où nous-mêmes avons employé l’expression de « circulaire scélérate ». Dans ce même article Eric Conan mettait explicitement en cause des élus influents qui faisaient pression sur le rectorat en demandant au représentant du ministre de mettre en sourdine le caractère facultatif de cet enseignement. Pour d’autres régions, le Conseil d’Etat a déjà tranché.
Cette situation peut évidemment être portée en Corse devant le tribunal administratif, mais il serait plus simple, plus efficace et plus clair que dans un premier temps le ministre de l’Education veille à sanctionner ces formes de circulaires rectorales qui n’ont d’autre but que de contourner la loi. C’est une question-réponse que France-Corse pose ouvertement au ministre de l'éducaiton nationale.
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