Au cours des dernières élections européennes, le moins qu’on puisse dire est que le régionalisme n’a pas fait recette. Certes François Alfonsi a fait un score honorable en Corse, à la tête d’une liste labellisée Régions et Peuples solidairesqui comportait majoritairement des nationalistes corses et un zest occitan, savoyard.. et berbère mais, sur le continent, dans les autres régions de la circonscription du Sud-Est où il avait choisi de se présenter, sa candidature n’a suscité que haussement d’épaule et indifférence fatale : le poids de ses amis de Corse (le thème infantile au sens propre de l’ «enfant du pays ») et son choix populiste, façon F N, de jouer la carte du vote protestataire en comptant sur la désaffection des électeurs à l’égard des « partis traditionnels », n’ont pas suffi à le faire élire et à réitérer l’exploit de Max Simeoni en d’autres temps.
Comme lot de consolation, le candidat malheureux a été porté par les siens à la tête de l’Alliance Libre Européenne qui compte traditionnellement dans ses rangs, parmi les partis régionalistes européens qui la composent, le PNC (Parti national corse) de Femu a Corsica et du néo-clan des Simeoni. Pour sa publicité et celle du mouvement, le président Alfonsi a choisi la Corse pour accueillir à Venzolasca l’université d’été et le congrès de cette fédération et la presse locale s’en est fait l’écho de manière anodine.
De l’eau dans le gaz entre les verts et les régionalistes
Difficile de rebondir dans ces conditions, sans mandat et à partir de ce strapontin en ne bénéficiant plus de l’apport des Verts qui ont constitué leurs propres listes sans faire la place qu’ils attendaient aux régionalistes « purs et durs » contraints de se présenter seuls devant des électeurs aux yeux desquels leur cause, trop étriquée, n’est pas apparue comme prioritaire. François Alfonsi, signe de ce rejet, pour ne pas parler de rupture, s’est vu préférer un ancien chevènementiste… un comble qui l’a amené à claquer la porte pour jouer sa propre carte.
Selon lui, les Verts ne sont plus ceux de la génération Larzac qui, sous la houlette des charismatiques Cohn Bendit et José Bové, portaient à bout de bras la cause régionaliste. Ils se sont politisés et ont dès lors d’autres préoccupations prioritaires que celle de la défense des identités régionales. On en a vu les conséquences en Corse même où le (plutôt la) secrétaire général des Verts, « entrée en politique » a pris du champ par rapport aux nationalistes, navigant entre la liste « de gauche » Renucci aux municipales d’Ajaccio et l’aliiance avec François Tatti à Bastia, composante de la triade contre nature qui a porté aux manettes Gilles Simeoni, ce qui ne manqua pas de provoquer des remous dans son camp tant du coté des « natios purs et durs » que de celui des écolos traditionnels réticents à l’égard de ce genre d’engagement politique. Natios et écolos ne cheminent plus main dans la main, c’est un fait et c’est une bonne chose.
Demandez le programme !
Ce sont là des données dont il faut tenir compte pour comprendre le durcissement de la cause nationaliste que nous avons déjà évoqué à propos des positions de J.-Guy Talamoni et de Corsica libera qui, rejetant la ringardise de la revendication autonomiste, s’inscrivent ouvertement dans la logique frontale du droit du peuple corse à disposer de lui-même. Le PNC dont François Alfonsi est membre de l’exécutif et, ces derniers temps, le principal éditorialiste du journal Arritti, est-il en train de faire sa mue et de ne plus avancer masqué comme il l’a fait jusque-là, façon Edmond Simeoni, ayant recours au préchi-précha moralisateur d’un nouveau Gandhi (il n’est pas le seul sur ce terrain !) apôtre de la non violence, vantant les vertus du dialogue, de l’apaisement, de la démocratie, d’une autonomie et d’une solution politique négociées.
Assez de bla bla bla ! Alfonsi affiche clairement la couleur. Il reprend les revendications en cours de coofficialité de la langue, de statut de résident et d’inscription de la Corse dans la constitution, mais il se fait plus incisif en faisant sien le programme de son groupuscule Régions et Peuples Solidaires (combien de divisions ? ), celui des régionalistes intrangisants, rejetés par les Verts eux-mêmes pour leur sectarisme et leur courte vue face aux problèmes qui se posent avec acuité en ces temps de crise. Le voile est levé, la fumée se dissipe. Il serait temps que nos élus régionaux, obnubilés jusque-là par des considérations purement électoralistes, réagissent et nous disent s’ils veulent vraiment continuer à faire un bout de chemin ensemble avec ces nationalistes anti- français et anti-républicains qui revendiquent ouvertement :
-une autonomie complète, ce qui les différencie de la position de Corsica Libera mais qui peut aussi bien être considéré comme une étape vers l’indépendance.
-le droit du peuple corse, comme pour « d’autres peuples sans Etat », à une reconnaissance politique (c’est ce qu’ils entendent par « inscription de la Corse dans la constitution »), donnant à croire que c’est aussi ce que désire un Camille de Roccaserra qui s’est imprudemment avancé sur cette revendication ambigüe qui peut aussi bien être une coquille vide qu’une bombe à retardement…
et, suivant le slogan porteur du moment mis en avant aussi bien par Corsica Libera et par le PNC :
-le droit à l’autodétermination
A croire que les expériences en cours et les échéances prévues pour l’Ecosse, la Catalogne et la Nouvelle-Calédonie ont fait tourner la tête de nos nationalistes accrochés à ces modèles qui leur donneront du grain à moudre dans les mois à venir (à commencer par l’échéance de la fin du processus de «dévolution » écossais le 18 septembre dont ils vont sûrement nous rebattre les oreilles). Sans doute espèrent-ils, suivant l’autre formule à la mode lancée par Paul Giacobbi à propos de la réforme constitutionnelle, pouvoir « prendre le train en marche », perspective de plus en plus improbable, soit dit en passant, compte tenu notamment de la fragilité du gouvernement Valls II.
Ils oublient simplement qu’on ne peut pas mettre tout et n’importe quoi dans les mêmes wagons et qu’il sera facile le moment venu de dénoncer des comparaisons saugrenues qui ne tiennent pas compte des contextes historiques et culturels particuliers auxquels pourtant ils se disent sensibles, eux qui vantent régulièrement les mérites des diversités en fustigeant la soi-disant uniformité " a l’uso francese "
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