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Billet de blog 31 juillet 2014

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Corse - L’ acte III de la décentralisation : Vers un jacobinisme régional ?

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Une fois voté à la Chambre des députés le nouveau découpage régional de la France, et le dernier arbitrage  rendu entre les nouvelles entités possibles, véritable jeu de dominos où chacun a avancé ses pions,  nous avons déjà relevé que  la Corse avait été absente du débat dès lors qu’il n’a pas été question de revenir sur son statut particulier qui a consacré sa séparation de la région PACA dont elle était partie intégrante. Est-ce à dire que cette réforme n’aura pas d’incidence sur elle ?

Etat ou région : le piège

Certainement pas. Nous allons nous retrouver être la plus petite,  la moins peuplée et parmi les plus pauvres des régions de France avec le risque que la solidarité nationale dont nous bénéficions  ne s’émousse. Déjà  la menace pèse à force de tirer sur la corde et de dénigrer l’Etat, mais on peut se demander si celui-ci pourra longtemps faire preuve de la même générosité à notre égard, alors qu’apparaitra mieux au grand jour que la Corse, région d’un faible poids au regard des autres, est, proportionnellement au nombre de ses habitants,  la mieux budgétisée.

D’ou vient l’argent ? Poser la question c’est y répondre : pour  l’essentiel de l’Etat et de l’Europe. Or, face aux mastodontes qu’on nous prépare  (Ile  de  France et région Rhône-Alpes en première ligne) soucieux prioritairement de  leurs propres intérêts, il apparaîtra encore plus que la Corse ne survit qu’en situation  d’assistée, quoi qu’en pense Jean-Guy Talamoni, leader de Corsica Libera*. Non pas que la solution soit celle de son retour à la région PACA, mais le processus d’une décentralisation qui aurait pour effet l’affaiblissement de l’Etat-nation au profit  de pseudo états-régions (la fameuse « Europe des régions » qui flatte les égos des « peuples de France »)  ne manquerait pas de creuser un peu plus les inégalités de richesse inter-régionales et se révèlerait  être un piège pour notre île. Attention à des réactions de type « Ligue du Nord » ou « république padane» comme en Italie et à la perception accentuée d’une « Corse mezzogiorno de la France ».. un boulet  pour les régions riches  engagées dans un processus de désétatisation.

La nouvelle architecture institutionnelle interne

Apparemment nous sommes entrés,  comme le Concordia**, dans des eaux plus tranquilles,  dès lors  que la « commission stratégique » a succédé à la « commission des compétences législatives et réglementaires »,  sous la présidence reconduite de Pierre Chaubon   (on a changé d’habit mais pas de chapeau ! ). Est-on revenu pour autant à la case départ ? Celle où l’inspecteur Colombani  qui, dressant en 2010 un état des lieux, présentait différentes solutions d’adaptation de l’architecture institutionnelle existante. Quatre ans déjà au cours desquels nos élus auraient pu se pencher sur cette question pratique d’ordre administratif au lieu de se lancer dans  des débats stériles à la recherche d’ « une solution politique » dans le sillage des nationalistes. Il est encore temps certes et la réforme nationale, l’acte III de la décentralisation, a déblayé le terrain en fixant les grandes lignes  d’une nouvelle architecture territoriale de la France.

L’ouverture de la composition de la commission aux présidents des  deux conseils généraux est de bon augure, de même que le choix comme base de réflexion du rapport Colombani, revu et corrigé, plutôt que celui de feu le professeur Carcassonne par trop favorable à une CTC hégémonique. On s’achemine, semble t-il, vers une collectivité  unique composée de 86 conseillers élus avec deux chambres électives dont une territoriale, garante du maintien de structures intermédiaires (conseils départementaux et/ou communautés de communes) entre la commune, cellule administrative de base et la puissante assemblée régionale. Il est trop tôt pour aller plus avant…. attendons pour y revenir le moment (octobre prochain ?) où la CTC remettra sa copie. Espérons pour l’heure que l’institutionnel prenne enfin le pas sur le constitutionnel … ce qui est loin d’être sûr ! C’est là la première observation que nous sommes amenés à faire, mais d’autres suivent sous forme de constats ou d’interrogations.

Nos inquiétudes

1. Il ne nous a pas échappé que, dans le rapport final de la CTC,  figurera immanquablement la mention suivant laquelle le statut particulier « toiletté » devra être consacré  par l’inscription de la Corse dans la constitution. Faut-il être têtu et borné pour s’accrocher à cette coquille vide mais d’une portée symbolique  néfaste qui risque de nous ramener à la case zéro !

2. Le  renforcement des pouvoirs de la collectivité unique ne peut être qu’inquiétant au vu de l’orientation des travaux de l’actuelle CTC, de sa boulimie de pouvoir et de sa tendance à se comporter comme un petit parlement. Jusqu’où les nouveaux élus régionaux sont-ils prêts à aller dans leur revendication de transfert de compétences, normatives, fiscales, réglementaires ou législatives ?  Derrière ces vocables juridiques et quelques peu hermétiques se cache une finalité très simple : échapper le plus possible à la tutelle de l’Etat pour soi-disant mieux « s’autogérer ».

Jean-Guy Talamoni dans son interview récente  dévoile sans ambages la ligne de mire en parlant de  processus de « dévolution »  (disons d’indépendance) à l’écossaise pour la Corse ! : «  nous n’accepterons jamais  le principe de la tutelle française sur notre pays » clame –t-il. Jusqu’où les élus de la prochaine mandature le suivront-ils ? Si l’actuelle majorité qui a été la caisse de résonnance des revendications  nationalistes est reconduite, il y a vraiment de quoi s’inquiéter, sans préjuger pour autant de l’arrivée  éventuelle d’une autre majorité.

3. Jusqu’où l’Etat, de son côté, est-il prêt  à aller dans la voie des concessions progressives qui nous ont conduit à l’impasse d’une marginalisation de la Corse par rapport au continent sous prétexte de prise en compte de ses spécificités géo-historiques… l’insularité, le cloisonnement du relief, l’histoire pour reprendre la trilogie chère au président Giacobbi…  mais  de quelle histoire s’agit-il ?  Celle de Paoli et de Ponte Novo plutôt que celle de deux siècles et demi  de vie française et d’intégration dans un espace national qui compte aussi bien des Bretons, des Niçois, des Savoyards, des Franc-comtois ou des Alsaciens qui, eux aussi, ont leur géographie propre, leurs patois et leur histoire régionale, mais qui n’en sont pas moins français. Que les représentants de l’Etat sachent  qu’ils ne doivent pas  seulement apparaitre comme des interlocuteurs extérieurs  venant périodiquement « négocier » avec des élus régionaux qui sont ce qu’ils sont, avec leur légitimité représentative mais aussi  avec les débordements inadmissibles qu’ils se permettent sans en avoir été mandatés  pour cela.

Les Corses  qui sont français attendent de l’Etat plus de présence, plus de fermeté et d’initiative et moins de pusillanimité  en matière de promotion des valeurs nationales. Il n’est pas normal que  la défense des fondamentaux soit le fait d’une structure associative  d’une audience certaine mais aux moyens limités.  Va pour l’encouragement de la langue corse à l école et le bilinguisme  -encore que cela ne nous apparaisse pas comme une mesure prioritaire ni même judicieuse- mais  les services de l’Education nationale , le Rectorat de Corse pour être plus précis, a-t-il mesuré les ravages que peuvent entrainer la valorisation du vecteur d’enseignement (le « prof de Corse » comme dit la chanson) au regard de son contenu. Est-il plus important de baragouiner un parler contrefait,  mode nouvelle, pour enseigner les mathématiques  ou l’histoire que d’avoir affaire à des spécialistes de la discipline qui ne soient pas tenus de  savoir parler corse ! Forme indirecte d’instaurer l’inadmissible  principe de corsisation des emplois ! Il  appartient à l’Etat, au ministère de l’Education nationale et au corps des inspecteurs généraux  de veiller au grain dans ce domaine plutôt que de faire semblant de croire au bien-fondé des revendications identitaires qui finissent, sur un autre registre, par coûter très cher à la nation  pour le bénéfice d’une minorité d’initiés  thuriféraires de la promotion de la lingua nustrale.

4 . Quand se rendra-t-on compte qu’ après avoir tant stigmatisé le jacobinisme centralisateur de l’Etat présenté comme une exception française, nous risquons de faire le lit d’un jacobinisme  régional  dont la CTC actuelle nous donne déjà une idée : les pleins pouvoirs à « une Région » boulimique de « compétences » aux dépens des structures « inférieures », communes, intercommunalités, départements, sièges d’une démocratie de proximité décentralisée, proches  du peuple et garantes des libertés locales, comme l’affirment « par expérience » les présidents Panunzi et Castelli qui, certes, défendent leurs pré-carrés mais avec des arguments  d’un bon sens certain ?***

5. Quand en finirons-nous avec cette volonté maladive de faire de la Corse un monde à part, une « région pas comme les autres », qui tient absolument à se singulariser et à ne pas être concernée par des dispositions nationales. L’unité dans la diversité ? Oui, mais  tout dépend de ce qu’on met dans la formule et il ne faut pas que cela tourne à la puérilité : la Corse nous rappelle-t-on est la seule à avoir actuellemnt des prérogatives normatives… si la réforme s’apprête à étendre ces dispositions aux autres provinces, il faudra, pour que notre île garde une  longueur d’avance, qu’on  lui donne autre chose ! On en est là !  « C’est idiot » comme dirait le président Giacobbi !

*Nous ne partageons pas l’optimisme béat de Jean-Guy Talamoni exprimé dans sa dernière interview suivant laquelle la Corse peut se suffire à elle-même et que le transfert à la CTC du produit des impôts payés par les Corses  y suffira ?

**Allusion quelque peu perfide -nous le reconnaissons-à la ridicule manifestation d’agitprop  lancée par Gilles Simeoni  qui voulut faire, avec le remorquage du Concordia, un remake de l’affaire des boues rouges de la Montedison, à grand renfort de pub et  en présence de la nouvelle  madonne  écologique ministre de la république n’éprouvant aucun état d’âme à agiter le drapeau à la tête de maure aux cotés d’un élu viscéralement et héréditairement anti français .

***Nous faisons là allusion aux propos du président Panunzi  satisfait d’être enfin associé aux travaux de la commission stratégique mais déplorant de se trouver en présence d’un dossier déjà ficelé à l’élaboration  duquel il n’a pas été appelé à participer .

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