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Billet de blog 19 octobre 2023

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L'explosion de l'hôpital de Gaza – Décryptage

Des centaines de personnes auraient été tuées dans l'explosion de l'hôpital al-Ahli, dans la ville de Gaza. Cette explosion a fait grand bruit, selon les forces de défense israéliennes, il s’agit d’un tir de roquette raté initié par le Djihad islamique. Le Hamas accuse Israël. Qu'en est il? Nous allons passer en revue les informations connues à date pour mieux comprendre ce qui s’est passé.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Attaque du Hamas contre Israël : le rappel des faits

Une guerre sanglante a éclaté le 7 octobre dernier, avec un déferlement de violence sans précédent du Hamas qui a massacré les populations civiles israéliennes résidant dans les villages proches de la bande de Gaza ainsi que ceux participant à un festival musical.

Les Israéliens savent qu'ils ne peuvent pas considérer leur sécurité physique comme acquise. Mais rien dans les 75 ans d'histoire du pays n'aurait pu les préparer au carnage du 7 octobre. Les estimations du nombre d'Israéliens tués dans l'attaque du Hamas s'élevaient à +1400 tués, auxquels s'ajoutaient 3 300 blessés ainsi que 199 otages kidnappés à Gaza.

La grande majorité des personnes tuées et kidnappées étaient des civils - hommes, femmes, enfants et personnes âgées. Des familles entières ont été exécutées chez elles et plus de 260 ont été massacrées lors du festival musical en plein air, souvent au milieu d'actes de brutalité horribles de la part des terroristes.

Des chiffres sans précédent pour un pays dont la population dépasse à peine les 9 millions d’habitants. 

L’explosion de l’hôpital de Gaza – un empressement à blâmer Israël ?

Des centaines de personnes auraient été tuées dans l'explosion de l'hôpital al-Ahli, dans la ville de Gaza.

Dans les premières heures après l’explosion, les premiers communiqués blâmaient les forces de défense israéliennes les accusant d’avoir bombardé un hôpital civil. Dans une région où les fake news sont légion, il est critique d’être très prudent dans l’analyse de l’information.

Le Wall Street Journal a annoncé (source) que des analystes indépendants ont examiné les images accessibles au public de l'explosion survenue mardi à l'hôpital Al-Ahli et de ses conséquences. Ces analystes affirment que le site de l'explosion ne présente pas les caractéristiques d'une frappe avec une bombe ou un missile du type de ceux utilisés habituellement par Tsahal.

« Nous n'avons aucun des indicateurs d'une attaque aérienne, aucun », a déclaré Michael Knights, de l'Institut pour la politique du Proche-Orient de Washington, expert en question militaires et de sécurité.

L'évaluation de Washington selon laquelle Israël n'est pas à l'origine de l'explosion de l'hôpital s'appuie en partie sur des interceptions de communications et d'autres renseignements recueillis par les États-Unis, ont indiqué des responsables de la défense américaine.

La vidéo du tir de roquette initié juste avant l’explosion de l’hôpital

Les images des caméras de surveillance prises depuis le village de Netiv Haasara montrent un important tir groupé de roquettes lancées depuis le nord de Gaza, suivi d'une explosion massive dans la bande de Gaza, qui est celle qui a touché l’hôpital de Gaza

© Emanuel (Mannie) Fabian

Que savons-nous du nombre de morts ?

La nuit de l'explosion, une porte-parole du ministère de la Santé de Gaza a avancé le chiffre de 500 morts ou plus, chiffre que le ministère a ensuite changé en "centaines". Aucun chiffre n'a pu être confirmé de manière indépendante.

L'ampleur des dégâts semble incompatible avec l'affirmation du ministère de la santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, selon laquelle 471 personnes ont été tuées. Les responsables américains estiment que le nombre de morts se situe probablement entre 100 et 300 personnes.

Mohammad Abu Selim, directeur de l'hôpital Shifa, situé à proximité, a déclaré dans une interview quelques heures après l'explosion que 150 à 200 personnes tuées dans l'explosion avaient été transportées dans son hôpital, ainsi qu'environ 300 personnes blessées. Il a précisé qu'il n'avait pas de décompte officiel des morts en raison de l'état lamentable de nombreux corps.

L'armée israélienne a déclaré mercredi matin que le nombre de victimes avait été gonflé.

Il semblerait que le Hamas manipule délibérément les chiffres à la hausse même si près de 48h après l’explosion la non-implication des Israéliens ne fait plus débat, sans doute dans un espoir (vain ?) de masquer la sérieuse bévue du Djihad islamique.

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L'hôpital al-Ahli de Gaza le 18 octobre, au lendemain d'une explosion dont Palestiniens et Israéliens se renvoient la responsabilité. (ALI JADALLAH / ANADOLU VIA AFP)

Des accusations infondées qui se propagent dans tout le moyen orient

Les affirmations palestiniennes selon lesquelles Israël était responsable de l'attentat ont été reprises par plusieurs gouvernements du Moyen-Orient, ce qui a provoqué des manifestations de colère dans les rues de la région et a compliqué la visite du président Biden en Israël.

Lors de sa visite, le président Biden a déclaré que la version israélienne des événements semblait plus exacte, sur la base des informations qu'il avait reçues du ministère de la défense américain.

« D'après ce que j'ai vu, il semble que ce soit l'autre équipe qui ait commis l'attentat », a-t-il déclaré. 

Plus tard, à bord d'Air Force One, il a déclaré qu'il comprenait pourquoi les habitants de la région ne croyaient pas Israël, ajoutant qu'il ne suggérait pas que le Hamas avait intentionnellement pris l'hôpital pour cible. « Ce n'est pas la première fois que le Hamas lance des roquettes qui ne fonctionnent pas», a-t-il déclaré.

La réponse officielle de l’armée Israélienne suite à l’explosion

Mercredi, Israël a apporté la preuve qu'il n'était pas responsable de l'incident, qui aurait été causé par une roquette tirée depuis Gaza par le Jihad islamique palestinien.

Le porte-parole de Tashal, le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré lors d'une conférence de presse qu'il n'y avait pas eu de frappe israélienne dans la zone de l'hôpital. Mr Hagari a fait part de ce qu'il a déclaré être une conversation interceptée entre deux agents du Hamas non identifiés, indiquant que la roquette avait été tirée par des militants à partir d'un cimetière proche de l'hôpital.

Mr Hagari a déclaré que l'explosion a eu lieu sur le parking de l'hôpital et que le bâtiment de l'hôpital lui-même n'a pas subi de dommages structurels. Il a partagé une photo du parking incendié, précisant qu'il n'y avait pas de cratère profond sur le site de l'explosion indiquant une attaque aérienne. Mr Hagari a déclaré que le combustible de la roquette - le carburant qui propulse la fusée vers sa destination - explique pourquoi l'explosion fut si puissante.

« Le Jihad islamique est à l'origine des victimes de l'hôpital », a déclaré Mr Hagari. « Nous voulons un maximum de transparence, car nous prenons très au sérieux tout incident impliquant des civils » a-t-il ajouté.

Les éléments techniques recoupés grâce aux images sur le terrain

Un cratère peu profond dans un parking, qui apparaît dans une vidéo du site mercredi, a été cité par Israël comme preuve que l'explosion n'était pas une frappe aérienne.

Illustration 3
Elle permet de reconnaître l'angle de prise de vue de la photo du parking, notamment relayée par le compte @OSINTtechnical. (GOOGLE EARTH)

Blake Spendley, un analyste en sources ouvertes de renseignements a déclaré que ce type de dégâts correspondait davantage à une boule de feu provenant d'une roquette qu'aux types d'armes utilisées par l'armée de l'air israélienne, telles que les bombes guidées de type « Joint Direct Action Munition » (JDAM).

« Une roquette à courte portée provoque plus de dégâts », a-t-il déclaré. « Avec une bombe comme la JDAM, l'énergie dégagée par l’explosion est énorme avec moins de déperditions en chaleur, en feu ou en lumière. Certaines caractéristiques des Palestiniens tués lors de la frappe m'ont amené à penser que l'impact a provoqué beaucoup plus de feu que l'énergie intrinsèque consécutive à l'explosion ».

D'autres analystes sont du même avis.

Michael Knights, de l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, expert en question militaires a déclaré que la scène montrait « très clairement qu'elle avait été touchée par une boule de feu roulante » (source). La cause la plus plausible, selon Mr Knights, est le carburant d'une roquette, ce qui correspond à l'explication de l'armée israélienne selon laquelle une roquette s'est mal déclenchée.

Nathan Ruser, analyste à l'Australian Strategic Policy Institute, a déclaré sur X (ex Twitter) que la scène montrée sur les photos « ne correspond pas à une frappe aérienne et n'est pas compatible avec les affirmations selon lesquelles plus de 500 personnes ont été tuées ».  

Nathan Ruser, analyste à l'Australian Strategic Policy Institute, a déclaré sur X (ex Twitter) que la scène montrée sur les photos « ne correspond pas à une frappe aérienne et n'est pas compatible avec les affirmations selon lesquelles plus de 500 personnes ont été tuées ». © Nathan Ruser

La communication du Hamas suite à l’explosion

Le Jihad islamique a accusé Israël de vouloir « se soustraire à sa responsabilité dans le massacre brutal qu'il a commis ». Le groupe militant a qualifié de « fausses et sans fondement » les accusations israéliennes selon lesquelles il serait responsable.

Peu après l'explosion, l'ambassadeur palestinien auprès des Nations unies, Riyad Mansour, a rejeté les affirmations israéliennes selon lesquelles il n'était pas responsable. « Maintenant, ils changent l'histoire pour essayer d'accuser les Palestiniens. C'est un mensonge », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au siège des Nations unies.

Le Hamas a également imputé l'explosion à Israël, la qualifiant de « crime de génocide », et s'en est pris aux États-Unis et aux pays occidentaux pour leur soutien à Israël.

Des manifestations ont éclaté mercredi dans plusieurs pays du Moyen-Orient, soulignant la profonde méfiance à l'égard des affirmations et des preuves d'Israël.

« Personne ne croit à ce récit dans cette partie du monde », a déclaré le ministre jordanien des affaires étrangères à NBC News. « Essayez de trouver quelqu'un qui va y croire dans cette partie du monde », a-t-il ajouté.

Quelques heures après la visite du président Biden, Israël a déclaré qu'il avait accepté la demande du président américain d'autoriser l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza via l'Égypte.

La réaction des officiels Israéliens suite à l’explosion de l’hôpital

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a publié un communiqué dans lequel il a déclaré : « Le monde entier le sait : ce sont les terroristes barbares de Gaza qui ont attaqué l'hôpital de Gaza, et non les forces de défense israéliennes. »

« Ceux qui ont cruellement assassiné nos enfants assassinent également leurs enfants. »

Le président Isaac Herzog a qualifié les accusations selon lesquelles Israël aurait frappé l'hôpital de « diffamation sanguinaire ».

« Un missile du Jihad islamique a tué de nombreux Palestiniens dans un hôpital de Gaza, un endroit où des vies devraient être sauvées », a tweeté le président Herzog.

« Honte aux médias qui avalent les mensonges du Hamas et du Jihad islamique, diffusant dans le monde entier une diffamation du sang du XXIe siècle. Honte aux vils terroristes de Gaza qui font délibérément couler le sang des innocents », a-t-il écrit.

Avant et après qu'Israël ait nié son implication, les pays arabes et musulmans ont accusé Israël d'avoir mené une attaque contre l'hôpital. Ils n'ont pas modifié leurs déclarations.

La réaction du monde arabe suite à l’explosion de l’hôpital

L'explosion de l'hôpital a aggravé une situation déjà difficile dans la région.

Mercredi, des manifestants se sont rassemblés en Iran, en Jordanie, au Koweït, en Égypte, en Tunisie et en Cisjordanie, où ils se sont heurtés aux forces de sécurité de l'Autorité palestinienne.

Au Liban et en Irak, des manifestants ont tenté de franchir les barrières de sécurité menant aux ambassades des États-Unis et de France, en scandant « mort à l'Amérique » et « mort à Israël ».

Les décès survenus à l'hôpital ont incité la Jordanie à annuler une réunion prévue à Amman avec le président Biden et les dirigeants égyptien, jordanien et palestinien pour discuter de la situation à Gaza, a déclaré mercredi le ministre jordanien des affaires étrangères.

Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a quitté la Jordanie et est retourné en Cisjordanie, ont indiqué de hauts responsables arabes.

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