Emmanuel Poilane, directeur général de France Libertés – novembre 2017
Ce n’est pas un scoop, les nouvelles sur le front du changement climatique sont mauvaises. Elles vont même en s’aggravant selon le dernier rapport des Nations Unies, car nous sommes encore loin du compte. L’accord de Paris n’a pas apporté toutes les solutions, loin de là. L’urgence se fait de plus en plus pressante ; le climatologue Jean Jouzel alertait cet été : « nous n’avons que trois ans devant nous [pour agir]».
Pendant ce temps, les États se montrent incapables de prendre collectivement la mesure du risque. Nous assistons, année après année, à des discours où chacun communique avec force et conviction sur ses engagements. Pourtant, le décalage entre la parole et les actes est grand. Face à la faiblesse des actions concrètes des États, il est difficile de croire que le changement climatique est la priorité ou même l’une des priorités des gouvernements de la planète. Durant la dernière intervention télévisée de notre Président le 15 octobre 2017, la lutte contre le dérèglement climatique n’était simplement pas au programme.
La finance mondiale, quant à elle, prospère. C’est l’économie financiarisée qui tient le gouvernail des décisions du monde, aveugle du danger qui guette la vie sur Terre.
Les évènements climatiques extrêmes de 2017, des incendies incontrôlés (Portugal, Espagne, Canada) à une saison cyclonique dévastatrice, n’ont pas l’air d’alerter les décideurs outre mesure. Combien de morts faudra-t-il pour que nos États comprennent que la seule réelle urgence de ce siècle est la lutte contre le changement climatique ?
Le temps presse aussi pour nos démocraties. En laissant la situation se dégrader, nous courrons le risque d’être soumis à une dictature mondialisée de la lutte contre le changement climatique pour tenter de sortir l’humanité de ce mauvais pas. S’il est effectivement trop tard, nous passerions de la dictature de l’argent à celle du climat.
Dans le monde connecté dans lequel nous vivons, il est évidemment possible de faire autrement et sans attendre. Nous pouvons espérer, car si chaque citoyen se mobilise demain pour signifier aux politiques que l’urgence n’est pas la croissance mais la construction d’un monde respectueux de la planète et de l’humanité, la lutte contre le changement climatique sera bien engagée.
De nombreuses associations autour de la planète portent des recours juridiques contre leurs États et contre de grandes entreprises multinationales climaticides, afin de peser concrètement sur les politiques publiques. Comme c’est le cas en Belgique, les citoyens français auront la possibilité de s’associer à ces recours devant les tribunaux. L’expression citoyenne ne se limite pas aux pétitions elle peut être directement actrice des évolutions du droit qui permettront une meilleure prise en compte de l’urgence climatique et de la transformation nécessaire par nos politiques, nos entreprises et nos services publics.
Incapable de sombrer dans le cynisme, je veux toujours croire que ce rebond est possible et que nous saurons collectivement le provoquer avant qu’il ne soit trop tard.