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Billet de blog 9 juin 2010

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LORSQUE LES BENEVOLES FUIENT LES FEDERATIONS SPORTIVES

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Les associations rament, le monde surfe

Le terme de bénévole vient du latin benevolus qui signifie « bienveillant », de bene « bien » et volo « je veux ». Il semble donc que peu de bénévoles soient « animés de dispositions favorables » pour s’impliquer dans leurs fédérations sportives. Pourquoi ?

On peut avancer que la rapide professionnalisation du sport a accentué le fossé entre bénévoles et professionnels. Au final, les bénévoles ont le sentiment de ne pas être valorisés ou récompensés de leur investissement, et les professionnels reprochent à demi-mot aux bénévoles un manque de compétence. On peut également avancer l’hypothèse que le déficit de jeunes bénévoles est lié au sentiment que l’organisation n’est pas réellement en phase avec les valeurs affichées.

Pourtant, de nouvelles formes d’implication, d’engagements participatifs apparaissent selon d’autres modalités. Internet a apporté des modifications profondes du champ social (mode de communication, mode d’accès à l’information, modes d’organisation et de management des individus, des groupes et des systèmes). En tant que fait social, ces mutations concernent bien entendu, les pratiques sportives. L’attrait pour les activités de nature et pour des pratiques non organisées (plutôt non institutionnalisées) est extrêmement révélateur des modifications structurelles de nos sociétés. Le challenge pour le Mouvement Sportif consiste à inventer de nouveaux outils structurants plus respectueux des pratiquants de la base, et d'inventer des modes d’organisation et de fonctionnement plus appropriés.

Cultures communes et pratiques fragmentées.

L’analyse du champ des pratiques sportive révèle une culture fragmentée qui s’appuie sur une large diversité des pratiquants ainsi que sur une variété des modes d’organisation des sports. Bien que les activités s’organisent autour d’un centre d’intérêt commun,le réseau inter individuel se structure essentiellement par affinités selon l’âge, les lieux de pratique, le statut social, le métier… Ainsi le monde sportif s’organise autour d’une myriade d’associations extrêmement diversifiées.Si chacun se définit aujourd’hui par le choix de ses propres activités, peut-on encore parler de culture commune ? Ce n’est pas parce que je pratique lefootball, le rugby, le judo ou le surf que j’intègre une « culture commune » liée à l’histoire et aux valeurs de ces pratiques. Certains pensent qu’une culture de masse permet une cohésion sociale, et qu’une fragmentation porte le risque d’un appauvrissement culturel. La passion partagée d’un sport ne laisse nullement entendre que les sportifs se ressemblent, souscrivent aux mêmes valeurs et centres d’intérêt (en-dehors de leur activité), et participent à la constitution d’une culture commune. On ne peut pas analyser ce phénomène comme le déclin du sport, bien au contraire on assiste à une fragmentation, une mutation, une extension, à l'apparition de modes d’organisations qui sortent du cadre contraint dans lequel s’exerce le monopole des fédérations sportives.

La puissance de la curiosité humaine combinée à la quasi-infinité d’accès à l’information donne aujourd’hui à chacun la possibilité d’affirmer ses affinités, développer des relations,d’organiser son espace. Cette perte d’une culture unique s’enrichit alors d’une multitude d’expressions portées par des valeurs communes.

Selon Toni Négri, la multitude, ce n’est pas l’effacement des différences, c’est leur permanence, y compris dans les expériences de métissage et d’enrichissement mutuel. L’important serait alors de saisir l’élément culturel matriciel des pratiques sportives susceptible de porter au plus haut point la liberté des singularités dans la richesse de leurs relations réciproques. Cet élément matriciel prend sa source dans l’essence du jeu sportif et dont les règles fixent le cadre comme espace d’expression à préserver.

D’abord s’allier sur des valeurs

La prise en compte de cette fragmentation culturelle déclinée dans le tissu associatif constitue un enjeu essentiel pour les fédérations sportives. Il ne s’agit pas d’exclure, mais de penser jonction, jointure (venture). Au sens premier, « fédérer » consiste à « s’unir par l’alliance ». Il s’agit de créer un pacte autour de valeurs partagées. L’enjeu est donc de définir ces valeurs au regard de l’histoire des pratiques et proposer une plate-forme commune permettant la création de lien social et encourageant l’innovation. On voit bien là que si l’affichage des valeurs partagées par le monde associatif autour des valeurs sportives est une condition nécessaire pour fédérer les énergies, cela n’est pas une condition suffisante pour permettre l’expression de chacun en fonction de ses aspirations.

La difficulté majeure n’est donc pas seulement de définir des objectifs spécifiques en phase avec ces valeurs, mais de développer les outils pertinents permettant de promouvoir les valeurs affirmées ainsi que de créer les conditions d’un management adapté à l’environnement et aux moyens dont dispose la structure fédérale. Il est important que les valeurs affichées portent les associations. Si les fédérations souhaitent affirmer des valeurs cool et une proximité avec la base, cela suppose de créer les conditions permettant de favoriser les échanges et la convivialité et donc de mettre en musique les paroles et les actes. Les outils internet offrent aujourd’hui cette opportunité.

Encourager la participation des bénévoles

Le développement de nouveaux outils de communication plus collaboratifs pourrait permettre au monde associatif de reconquérir des bénévoles d’une autre nature (notamment les jeunes) et faciliter leur implication au sein de leur organisation.

En effet, de nombreux sites aujourd’hui se sont développés grâce aux contributions des visiteurs.C’est ce que l’on appelle la Peer Production. Des sites tels que eBay,Wikipedia, Craigslist, MySpace ou FaceBook pour citer les plus connus, ont été conçus pour que les internautes alimentent les contenus, tissent le réseau et proposent eux-mêmes les éventuelles modifications à apporter ou applications à ajouter. Plus ces réseaux ont du trafic, plus ces sites sont valorisés, plus les visiteurs peuvent être profilés, plus le système est dynamique, plus les entreprises seront tentées d’investir dans l’achat d’espaces publicitaires pour gagner en lisibilité.

La Peer Production prend ses racines dans l’idée simple et géniale de créer un espace attractif alimenté joyeusement et gratuitement par les visiteurs plutôt que de payer des employés pour créer et gérer des contenus. Il ne s’agit pas réellement d’une externalisation des ressources (outsourcing), mais d’alimenter le système par la base des pratiquants consommateurs (crowdsourcing). Dans une conception de self service et d’auto organisation, ce sont souvent les personnes les plus intéressées et les plus concernées qui sont les plus à même de définir ce qu’elles veulent et s’impliquer bénévolement dans le dispositif.

L’avantage du crowdsourcing n’est pas seulement économique, car ces bénévoles (les consommateurs) passionnés et enthousiastes peuvent également réaliser un meilleur travail que des employés. En effet, ceux qui utilisent et alimentent ces systèmes en contenus sont souvent bien informés,s’expriment clairement, et le plus important, sont crédibles auprès des autres utilisateurs. Collectivement, ces consommateurs disposent pratiquement d’une énergie et d’un temps infini. Seule la Peer Production comme production individuelle et singulière peut répondre à la demande d’expression de la diversité des niches, et se prolonger dans l’infini du Long Tail.

Les pratiquants évoluent aujourd’hui dans un monde où ils peuvent s’organiser eux-mêmes en réseaux en déterminant leur propre temps disponible, leurs propres lieux, leurs propres amis, leurs propres valeurs et leurs propres règles, sans être contraint d’entrer dans un moule fédéral contraint peu propice à l’expression des singularités et des valeurs de convivialité affichées. La plupart des organisations sportives censées porter ces valeurs présentent des architectures solides, hiérarchisées et souvent étanches où l’information et les prises de décision manquent parfois de fluidité et de transparence, alors que la jeunesse surfe aujourd'hui dans un monde liquide composé de territoires flottants.

Francis Distinguin

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