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Billet de blog 27 août 2024

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Risquer l'instabilité pendant un an, ou le fascisme pendant vingt ?

En refusant de nommer un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire et en encourageant le PS, EELV et le PCF à négocier la mise en place d'une coalition, Emmanuel Macron place la gauche devant un choix crucial. Qui n'est pas celui qu'il croit.

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Derrière ses tergiversations artificielles, montées en épingle depuis le 7 juillet dernier, Emmanuel Macron n'a qu'une idée en tête : constituer un gouvernement qui constituerait l'apogée du "et de droite et de gauche" qu'il théorisait en 2017. Arithmétiquement, son calcul est le suivant : en additionnant les groupes PS, LIOT, la minorité présidentielle (EPR + MODEM + HOR) et LR, une majorité absolue se dégage, comme l'illustre le simulateur du Monde : 

Illustration 1
© LeMonde.fr

Si la majorité du Parti Socialiste, à l'image de son premier secrétaire Olivier Faure, refuserait bien sûr un tel arrangement, il n'est pas impossible (voire très probable) que certain·es autres soient fortement tenté·es. Et si l'on considère que ce serait le cas également pour quelques écolos et quelques GDR, même à la marge, on voit que le calcul n'est pas tout à fait irréaliste. 

C'est à ce niveau de l'analyse qu'il faut sortir de l'approche mathématique pour revenir à... la politique. Car se compromettre de la sorte permettrait peut-être de trouver une stabilité pour quelques mois (ce qui n'est pas tout à fait assuré), mais il ouvrirait un risque bien plus important que l'instabilité : l'accession de l'extrême-droite au pouvoir en 2027. 

En effet, la constitution d'une telle majorité aurait très concrètement pour effet de fragiliser la gauche (avec la défection de membres de la gauche modérée), de cristalliser la colère des Françaises et des Français envers cette coalition (aussi bien pour des raisons démocratiques de non-respect du résultat des élections que pour des raisons liées au programme libéral qu'elle appliquerait), et de verser de l'eau au moulin de l'"UMPS" (élément de langage de l'extrême-droite assimilant la droite et la gauche dans un tous-pourri). 

De fait, en 2027, la coalition (d'extrême-centre, ou macroniste, appelons-la comme nous le souhaitons) aborderait les élections en situation d'extrême faiblesse, semblable à celle de la majorité présidentielle (relative) lors des européennes et législatives de cette année, et serait probablement non qualifiée pour le second tour de la présidentielle. Si elle l'était, au vu des trahisons qu'elle aurait commise en 2024, elle aurait beaucoup de mal à bénéficier d'un quelconque "front républicain" à nouveau. La gauche, quant à elle, appauvrie de ses nuances les plus pâles, subiraient les attaques de toute la droite et du centre sur une "radicalité" selon eux disqualifiante. L'extrême-droite, enfin, bénéficierait aussi bien du statut d'opposant que de la bienveillance de la droite et du centre, à l'image des deux dernières années que nous avons vécues. 

Comment éviter ce scénario catastrophe ? La gauche n'a que deux options : 

  1. Gouverner. Bien sûr cela dépend du Président plus que d'elle-même, mais c'est bien en gouvernant et en appliquant un programme social que la gauche peut (et c'est la seule) contenir l'avancée de la vague brune. 
  2. Faire connaître l'empêchement de gouverner qu'elle subit de manière antidémocratique. Que cela soit en ayant un gouvernement censuré (peu probable au vu de la volonté du Président de ne pas nommer de gouvernement NFP) ou en dénonçant implacablement la dérive illibérale de l'extrême-centre et en se plaçant dans l'opposition ferme au gouvernement, quel qu'il soit. 

Cette seconde option mènerait vraisemblablement à une "instabilité institutionnelle" (sauf à ce que la macronie s'entende avec l'extrême-droite), mais cette instabilité ne durerait qu'un an, en attendant une nouvelle dissolution. Et la gauche aborderait les nouvelles élections en position de force dans l'opinion, ayant démontré d'une part qu'elle peut remporter une élection (puisqu'elle l'a fait en 2024), mais d'autre part que l'ensemble de ses adversaires politiques sont inconséquents et irrespectueux de la démocratie et des résultats des élections. 

Si la gauche "pâle" veut éviter de donner le pouvoir à l'extrême-droite (qui ne le rend pas facilement, on l'a vu), elle doit s'abstenir impérativement de toute compromission avec la droite. C'est le seul choix responsable dans la période, et comme ces personnes sont toujours promptes à mettre en avant leur sens des responsabilités, cela devrait être une évidence qui s'impose. 

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