
Pour finir l'année je publie une chronique ( du zèbre) sur un livre marquant, cela devient rare de nos jours.
Si vous ne l’avez déjà lu, n’hésiter pas, Il se lit d'une traite, mélange détonnant qui explore les chemins du polar, du témoignage historique et du fantastique. Gilbert Woodbrooke revient pour la septième fois éclairer de nouvelles zones d’ombre de l’Histoire, celle qui ne fait que se répéter, que bégayer ….
Roman minutieusement documenté comme en témoignent les annexes, Slocombe nous le décrit ainsi “Ce photographe fétichiste malchanceux, sorte d’alter ego tragi-comique, me sert en effet de véhicule pour attirer le lecteur dans des domaines historiques souvent méconnus : les expériences criminelles des médecins de l’armée japonaise en Mandchourie durant la Seconde Guerre mondiale, par exemple (Averse d’automne) ; ou bien les dessous de l’assassinat du Dahlia Noir à Los Angeles en 1947 et de l’attentat du World Trade Center en 2001 (Sexy New York). Shanghai connexion est un récit monumental en trois parties, centré sur les débuts de la Shoah en Pologne, les complots nazis autour du ghetto juif de Shanghai et la Résistance à Lyon dans les derniers mois de la guerre, qui sera suivie de la déportation des résistantes françaises à Ravensbrück. ”
Mais, dans la mesure où il appartient au cycle Woodbrooke, Shanghai connexion mêle une intrigue contemporaine (parsemée de quiproquos et de mésaventures comiques alternant avec des passages plus sombres) et d’autres relevant du passé historique.
On n’en finit pas avec les collages et les allers retours historiques, éternel background dont les conséquences résonnent dans l’action présente. Entre les attentats de Londres et une course-poursuite effrénée dans le Lyon d'aujourd'hui, Gilbert découvre les mémoires de son grand père, correspondant pour le Daily Herald. On assiste à la rencontre (monologue chaplinesque) avec Adolphe Hitler chef de parti politique encore minoritaire. Les reportages de Gordon Percival le mènent à Shangaï ou nous découvrons éffarés, la déportation des juifs jusqu'en Chine durant la Seconde Guerre Mondiale et le cynisme des occidentaux face au génocide que l’on devine.
Découverte encore, le livre qu’a écrit la jeune résistante Lyonnaise Gabrielle Pierremont (qui deviendra la seconde épouse de son grand père). Jeune fille de bonne famille vichyste, engagée dans la résistance, arrêtée, torturée et qui va connaître les derniers moments du système concentrationnaire à l’est de l’Europe. Journal de la résistance lyonnaise contre l’occupant, et de sa bourgeoisie "collaborationniste", les exécutions d’otages dans un Lyon qui résiste, la torture, les dernières déportations vers Ravensbruck.
Plus surprenante peut être est l’étrange détournement totalement improbable, mais le doute persiste, de l’affaire Dominici point final de la vie du grand père Gordon Percival Woodbrooke, un journaliste antifasciste anglais, mort en 1958 dans un macabre fait divers qui semble avoir des ramifications politiques, ce que beaucoup soupçonnaient à l époque, et encore non-résolu aujourd’hui ..

Le festival de cinéma trash se déroule à Lyon, un périple déjà entamé sur les bords de Saône avec son roman Mortelle résidence, portrait au vitriol de l'intelligentsia lyonnaise au pied de la basilique de Fourvière. L’occasion d’un défilé de personnages plus pittoresques les uns que les autres, notre héros se retrouve mêlé à des situations les plus invraisemblables, il mène une enquête, et essaie de remplir son rôle de membre d’un jury composé de personnes totalement "mégalo-déjantées" (certain se reconnaissent aisément). Il faut bien le dire ses rencontres dans des lieux connus des pentes de la Croix Rousse, le Bec de jazz ou les ex Dahu des pentes et café lecture des Voraces, nous enchantent. De même la description de certains notables ou hommes d’affaire Lyonnais nous plient de rire, notamment dans le rapport à l’art qu’entretiennent certains collectionneurs. Coup de mitraille contre ces familles qui détiennent toujours le pouvoir économique, héritiers d'un passé toujours présent, clins d'œil permanent aux "révoltées" d'hier et d'aujourdhui …
Laissons conclure Slocombe " j’ai tendance à toujours chercher dans les villes que je parcours à imaginer, à replacer les fantômes du passé, les traces des actions qui s’y sont déroulées, les événements, les costumes, les voix, les sentiments de ces gens qui nous ressemblaient, qui étaient nous. Quant à l’Histoire, elle ne fait que se répéter, que bégayer. Mais il faut s’y replonger en permanence si l’on veut en tirer des leçons utiles."