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Billet de blog 26 avril 2020

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Poètes, vos papiers ! Wislawa Szymborska (6)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Découvrons Wislawa Szymborska, une poétesse polonaise née en 1923, prix Nobel de littérature en 1996, « pour une poésie qui, avec une précision ironique, permet au contexte historique et biologique de se manifester en fragments de vérité humaine. ». Notons qu’elle a traduit, entre autres, Agrippa d’Aubigné et Théophile de Viau. Wislawa nous a quittés en 2012.

Trois mots étranges

Quand je prononce le mot Avenir,

sa première syllabe appartient déjà au passé

Quand je prononce le mot Silence,

je le détruis.

Quand je prononce le mot Rien,

je créé une chose qui ne tiendrait dans aucun néant

*

Fin et début

Après chaque guerre

il faut bien nettoyer

Un peu d’ordre dans tout ça

ne se fera pas tout seul.

Quelqu’un poussera les gravats

sur les côtés des routes,

pour que puissent passer

les charrettes des cadavres

Quelqu’un devra patauger

dans la fange et les cendres,

dans les ressorts des divans,

dans les débris de verre,

dans les haillons sanglants.

Quelqu’un doit traîner la poutre

qui calera le mur.

Quelqu’un doit replacer la vitre

et regonder la porte

Tout ceci n’est guère photogénique

et dure des années.

Toutes les caméras sont déjà

parties voir une autre guerre.

[…]

Ceux qui sont au courant

du pourquoi du comment

céderont bientôt la place

à ceux qui savent en peu.

Puis  à ceux qui en savent prou.

Et enfin, rien du tout.

Dans l’herbe qui couvrira

les causes et les effets

il faudra que quelqu’un se couche

un épi entre les dents

à regarder les nuages.

Le poète peut jouer sur les mots mais aussi, comme dans le premier texte, jouer avec leur sens. L’ordre n’est certainement pas choisi au hasard : Avenir, Silence, Rien…

Le message du deuxième texte est évident. On notera cependant l’anonymat du texte,  les « quelqu’un » et les « ceux », les premiers qui agissent et les seconds qui parlent, jusqu’au « rien du tout » final, toute allusion avec notre situation actuelle étant tout sauf involontaire…Il n’est pas interdit de voir dans la dernière strophe une allusion à « L’étranger » de Baudelaire. Et l’insouciance, telle une injonction inévitable,  souveraine et paradoxale (« il faudra ») finira bien par reprendre ses droits.

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